Obligations hybrides : un segment de marché en plein essor

Analyse

Par Camille Suh, gestionnaire-analyste, spécialiste Corporate Credit chez Lazard Frères Gestion

À mi-chemin des actions et des obligations, le marché des « hybrides corporate » répond aux besoins des investisseurs à la recherche d’un bon équilibre entre rendement et risque. Ces titres, encore peu connus, présentent de sérieux atouts pour diversifier un portefeuille obligataire.

Au cours des dernières années, le marché des hybrides a connu un fort développement, passant d’un encours global d’environ 30 milliards d’euros en 2012 à 190 milliards d’euros en 2021[1]. Ce segment attire de plus en plus l’attention des émetteurs, mais également des investisseurs.

Des caractéristiques uniques en leur genre

Ces obligations sont dites « hybrides » car elles possèdent des attributs propres aux instruments de dette (coupon et option de remboursement anticipé), tout en possédant certaines caractéristiques des actions (maturité perpétuelle ou très longue). Par ailleurs, les hybrides comportent des clauses sur les coupons leur permettant d’en reporter le versement si l’émetteur n’est pas en mesure de verser son dividende.

La dette hybride est ainsi considérée par les agences de notation à seulement 50% comme de la dette, l’autre moitié étant considérée comme des fonds propres, ce qui permet d’améliorer les ratios de crédit de l’émetteur. Malgré leur longue maturité, les dettes hybrides sont associées à des dates de remboursement anticipé (« call ») qui, dans les faits, sont presque systématiquement exercées. En effet, au-delà de la première date de call, l’agence de notation S&P n’intègre plus les obligations hybrides dans son calcul de fonds propres, ce qui en réduit l’intérêt pour l’émetteur.

Généralement émise par des entreprises de très bonne qualité (« Investment Grade »), la dette hybride permet à une société de préserver sa bonne notation en augmentant ses fonds propres sans diluer ses actionnaires, ce qui renforce au passage son bilan et ses ratios de crédit. Le caractère subordonné des dettes hybrides conduit les agences de notations à leur donner des notes inférieures de deux ou trois crans par rapport à celles des dettes « senior ». Le rendement d’une dette hybride est donc plus élevé, ce qui entraîne un coût plus élevé pour l’émetteur, mais raisonnable compte tenu de ses avantages.

Les investisseurs trouvent quant à eux dans les hybrides corporate un supplément de rendement en contrepartie d’un risque certes plus important, mais qui reste contenu. Ces titres offrent en effet une volatilité et des rendements supérieurs à ceux du segment « Investment Grade », sans pour autant comporter le même risque de défaut, ni la même volatilité, que le segment « High Yield »[2]. D’où l’attrait des investisseurs pour le segment hybride dans l’actuel contexte de taux bas.

La famille hybride séduit et s’agrandit

L’année 2020 a été celle de tous les records. Les nouvelles émissions de dettes hybrides ont atteint 47 milliards d’euros environ, dont 85% de titres libellés en euros1. Il s’agit d’une progression de 50% environ par rapport à 20191. Plusieurs raisons expliquent un tel succès. D’une part, les émetteurs refinancent régulièrement leurs hybrides pour les maintenir de manière permanente dans leur structure de capital en bénéficiant ainsi de leur qualification à 50% en fonds propres. D’autre part, le choc économique du Covid-19 a amené certaines entreprises à se tourner vers le marché hybride pour renforcer leur bilan à un coût raisonnable.

Il y a encore quelques années, deux secteurs dominaient les émissions de dettes hybrides : celui des « utilities » (électricité, gaz, eau, traitement des déchets) et celui des télécoms, ayant besoin de financer leurs infrastructures sur longue durée. Aujourd’hui, les émetteurs sont bien plus diversifiés. En 2020, le poids du secteur de l’énergie a par exemple significativement augmenté avec les émissions inaugurales de BP (Royaume-Uni) et d’Eni (Italie). Le secteur des utilities reste prépondérant (30% des encours du marché), mais se trouve talonné par les secteurs de l’énergie et des télécoms (18% chacun).

Depuis peu, certains titres du segment hybride entrent également dans la catégorie des « green bonds ». En 2020, les émissions de dettes hybrides « vertes » ont atteint environ 4 milliards d’euros. Cette approche, qui devrait connaître un fort développement dans les années à venir, permet ainsi d’investir sur les dettes hybrides de manière responsable en tenant compte de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG).

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Voir aussi : https://latribune.lazardfreresgestion.fr/lisr-chez-lazard-freres-gestion/

Risques spécifiques au segment hybride : risque de crédit, risque de taux, risque de subordination, risque d’extension, risque de report du coupon, risque de volatilité. Dans le cadre d’une gestion de fonds intégrant des obligations hybrides, s’ajoute un risque lié à la gestion discrétionnaire.

Article rédigé en date du 2 juin 2021. Les informations fournies n’ont pas vocation à constituer un conseil en investissement et sont destinées uniquement à des fins d’information. Les données utilisées dans ce document sont utilisées de bonne foi, mais aucune garantie ne peut être accordée quant à leur exactitude. Toutes les données contenues dans le présent document proviennent de Lazard, sauf indication contraire. Les performances passées ne sont pas un indicateur fiable des performances futures. Les opinions exprimées dans le présent document sont sujettes à modification.

[1] Sources : indice Ice BofA, Bloomberg (mai 2021). Données converties en euros.

[2] Pour en savoir plus, lire « Qu’est-ce que le High Yield ? » sur latribune.lazardfreresgestion.fr.