Environnement de marché
Au mois d’août, les taux ont continué de se détendre, soutenus par les anticipations d’assouplissement monétaire de la Fed et une désinflation qui se poursuit. Les données économiques ont rassuré sur l’activité et le risque d’escalade redouté au Moyen-Orient n’a pas eu d’impact notable au cours du mois.
Aux Etats-Unis, les taux ont accusé une baisse comprise entre 11 et 34 bps selon les maturités, le taux à 10 ans américain terminant à 3,90%. Fin août, le marché intégrait près de quatre baisses de taux de la Fed en 2024 et entre deux et trois baisses de la BCE au même horizon. Les anticipations d’inflation à dix ans ont baissé de 9 bps à 2,01% en zone euro et de 6 bps à 2,39% aux Etats-Unis. Lors de son discours à Jackson Hole, Jerome Powell a confirmé que le moment d’une baisse de taux était arrivé. Il a souligné que le point d’attention avait migré de l’inflation vers le marché du travail, qui apparaît moins robuste. Toutefois, le président de la Fed a gardé toutes les options possibles en évitant de s’avancer sur le rythme des baisses de taux à venir. La prochaine publication des chiffres de créations d’emploi devrait servir de boussole, alors que la révision annuelle publiée pour 2023 a fait ressortir un rythme de création moins vigoureux (818 000 emplois en moins). La croissance au T2 est restée dynamique à 3% en rythme annualisé, soutenue par la consommation privée. Les enquêtes ont continué d’envoyer un message rassurant sur l’activité dans les services. L’inflation de juillet est ressortie à 2,9% en glissement annuel, avec une composante cœur ayant poursuivi sa baisse graduelle à 3,2%, contre 3,3% le mois précédent. L’indice PCE de juillet n’a pas réservé de surprise et la partie sous-jacente poursuit sa baisse à 2,6% en glissement annuel.
En zone euro, les données de croissance sont ressorties en demi-teinte. Les chiffres préliminaires de croissance du T2 sont restés stables à 0,3%. Les enquêtes d’activité restent déprimées dans le secteur manufacturier, mais ont connu un rebond dans les services au mois d’août (rebond en France lié aux JO). À noter une poursuite de la désinflation, avec une inflation globale à 2,2% et une inflation sous-jacente à 2,8% en glissement annuel. Une nouvelle baisse des taux directeurs de la BCE est anticipée pour septembre et devrait être suivie d’autres baisses graduelles. En Allemagne, les taux courts se sont ainsi détendus d’environ 14 bps, le taux à deux ans clôturant à 2,39% alors que le taux à dix ans restait stable à 2,30%.
La Banque d’Angleterre a baissé ses taux de 25 bps à 5% début août malgré un comité assez partagé (5 votes pour et 4 votes contre). La trajectoire récente de l’inflation a expliqué cette première action, mais son gouverneur a fait part d’une certaine prudence sur la poursuite de la désinflation, suggérant que les baisses futures resteront graduelles. Le taux anglais à dix ans reste stable sur le mois.
Au Japon, l’indice CPI est ressorti stable à 2,8% en glissement annuel. La composante « cœur » décélère de 2,2% à 1,9%. Malgré les propos de Ueda sur la poursuite de l’action de la banque centrale, il est probable que celle-ci temporise à court terme, l’inflation marquant un peu le pas, le yen s’étant rapidement apprécié.
Évolution des taux souverains / indices de crédit
- Spread to call, en points de base.
Source : Lazard Frères Gestion, au 13 septembre 2024. Performances exprimées en devise non couverte du risque de change.
Les performances passées ne préjugent pas des performances futures.
Crédit Corporate Investment Grade
Les marges de crédit se sont écartées au début du mois d’août (Senior : +16 bps et hybrides : +22 bps au plus haut) dans un contexte de forte détente des taux, de craintes sur la croissance américaine et de forte volatilité, puis ont diminué au cours des semaines suivantes. Les Senior affichent un écartement de +5 bps sur le mois, tandis que les hybrides se resserrent de -7 bps. Le segment Investment Grade termine le mois avec une performance positive de +0,26%.
Les loisirs, le secteur automobile et de la santé ont sous-performé. À l’inverse, parmi les meilleurs performeurs du mois, on retrouve des émetteurs du secteur immobilier tels que Heimstaden Bostad, Aroundtown et Grand City Properties. En outre, les foncières ont publié des résultats rassurants au T2 dans l’ensemble.
Dans le secteur des biens de consommation, les obligations de Kellanova (-18 bps) ont surperformé après l’annonce de son rachat pour 36 milliards de dollars en valeur d’entreprise par Mars. La clause de changement de contrôle ne sera pas applicable étant donné le maintien de l’émetteur en catégorie Investment Grade.
Dans le secteur automobile, la dynamique continue de faiblir et pèse sur les courbes de LKQ (+33 bps) et Continental (+10 bps), qui revoit à la baisse ses perspectives pour l’année 2024 malgré la publication de résultats meilleurs qu’attendus. Cependant, Rolls-Royce a bénéficié d’un retour en catégorie Investment Grade suite au rehaussement de sa notation par Moody’s. Des hausses supplémentaires sont espérées dans un avenir relativement proche, les perspectives de notation étant positives chez les trois agences.
Enfin, certains émetteurs américains du secteur de la santé ont sous-performé (Thermofisher, Medtronic) après l’annonce de l’administration Biden concernant une baisse de prix de 10 médicaments Medicare en 2026.
Le marché primaire a été très actif avec 26 milliards d’euros d’émissions, en particulier sur la dernière semaine du mois qui fut la plus chargée de l’année pour le segment de marché, avec 18,5 milliards d’euros d’émissions. Près de 30 émetteurs se sont présentés sur des maturités allant de 3 à 20 ans. L’appétit des investisseurs était au rendez-vous avec des carnets d’ordres sursouscrit 3x en moyenne.
Sur le marché hybride, Merck s’est présentée avec une émission de 800 millions d’euros NC5,25 pour un rendement de 4%, sursouscrite 4,5x. Accor a réalisé une opération de liability management et s’est présenté avec 500 millions d’euros de NC6 pour un rendement de 4,875%, accompagnée d’une offre de rachat sur sa souche hybride call 2025. La transaction a été bien accueillie par le marché avec un taux de sursouscription de 5x.
Crédit Corporate High Yield
Le crédit corporate High Yield poursuit sa performance positive au mois d’août (+1,19%) grâce au portage, à un resserrement de spreads (-10bps), et à la légère baisse des taux (-4 bps sur le 5 ans allemand). Le mois a été favorable pour tous les compartiments de notations, avec une surperformance des CCC, suivies par les B. Les facteurs techniques ont soutenu la classe d’actifs. On notera des flux entrants de 1,5 milliard d’euros, soit 1,7% des encours selon les données de JP Morgan.
Tous les secteurs ont enregistré des performances positives sur le mois, avec une nette surperformance de l’immobilier (+5,16%). En effet, les foncières ont connu une hausse impressionnante de leur valorisation, soutenue par les attentes de baisse de taux. Le secteur de la santé poursuit sa progression grâce à Grifols, dont les porteurs d’obligations peuvent bénéficier de la clause de changement de contrôle à 101 suite aux discussions portées par Brookfield sur son offre d’achat de la société. Le secteur des télécommunications (Altice, Telecom Italia) a également bien progressé.
Côté actualités, Techem pourrait entrer en bourse en septembre 2024. Partners Group recherche une valorisation supérieure à 7 milliards d’euros. En revanche, une vente est encore possible car TPG est toujours dans la course. Stada lancerait son introduction en bourse en 2025, la vente à Clayton, Dubilier & Rice n’ayant pas abouti. On constate également quelques ventes d’actifs annoncées par les entreprises. Avantor a annoncé un accord avec Audax Private Equity pour céder ses activités de services cliniques pour une valeur d’environ 650 millions de dollars. Les produits seraient utilisés pour rembourser la dette. Deutsche Bank a été mandaté pour préparer le financement du rachat des activités de IGT Gaming et Everi par Apollo. IGT deviendra un pure player de la loterie après cette transaction. Enfin, comme prévu, Altice International a annoncé un accord de fusion entre sa filiale media Teads et Outbrain. Les produits seront destinés au remboursement des dettes pour maintenir un levier entre 4x et 4,5x.
Côté rating, on note quelques dégradations dans le secteur automobile en raison de la baisse de la demande mondiale des véhicules électriques et de la baisse de la production mondiale. Cette perspective négative pèse sur la performance des sociétés dans le secteur. Par exemple, S&P a abaissé sa perspective à négative sur Forvia, et a également dégradé la perspective à négative sur ZF. Moody’s a révisé la perspective d’ams OSRAM à négative, partiellement à cause de la contraction de la demande dans le secteur auto, mais aussi de la faiblesse du marché final de l’industrie. Une exception pour Jaguar qui a vu sa notation relevée par Moody’s de Ba3 à Ba2, tout en maintenant sa perspective positive. Cette révision à la hausse reflète l’amélioration significative des ratios de crédit grâce aux excellentes performances opérationnelles que la société poursuit depuis deux ans. En-dehors de l’automobile, on constate quelques dégradations dans d’autres secteurs. House of HR a vu sa note abaissée à B3 chez Moody’s, ce qui reflète un ralentissement de l’activité d’embauche et une reprise attendue seulement à partir de 2025. Auchan a été dégradé par S&P de BB+ à BB/négatif suite à la forte baisse des résultats liée à la faible performance de la branche retail. La notation d’Ineos Quattro a été abaissée par Moody’s à B1 à cause de son levier élevé et d’une reprise qui n’est pas prévue avant l’année prochaine.
Dettes financières
Du côté des dettes financières, les marchés se sont rapidement remis de la volatilité de fin juillet/début août. Les TRR ont été positifs dans tous les segments de la structure du capital, les AT1 surperformant avec un TRR mensuel compris entre +1,2 % et +1,5 %, suivis par les Tier 2 IG avec +0,5 %. Les dettes bancaires Senior et les subordonnées des assureurs ont terminé le mois à +0,4%.
En ce qui concerne les spreads, le tableau est plus mitigé. Les spreads AT1 ont reculé de -9 à -11 bps, alors que tous les autres segments sont légèrement plus larges, entre +5 et +9 bps.
Le marché primaire a été très faible en août, en partie en raison de la volatilité du début du mois et des besoins de financement limités des émetteurs financiers. Seulement 30 milliards d’euros d’émissions, dont 5,3 milliards d’euros d’obligations subordonnées en 6 tranches : ING, BNP, BBVA, Mandatum, Allianz et Volksbank Wien.
Du côté des agences de notation, Moody’s a relevé d’un cran la note senior de Novo Banco de Ba1 à Baa3, toujours avec une perspective positive. L’agence a aussi relevé la perspective de l’Irlande à « positif ».
En ce qui concerne les banques, les résultats ont été excellents, plusieurs d’entre elles ayant publié leur meilleur trimestre ou semestre.
Les résultats ont été particulièrement positifs pour les banques périphériques, avec des ROTE à deux chiffres (24% pour Bank of Cyprus, 20% pour BBVA, 19% pour Caixa Geral de Depositos avec un CET1 de 21%, 17% pour Caixabank, 17% pour National Bank of Greece, 16% pour BCP). Les établissements continuent à bénéficier de l’environnement de taux élevés, Unicredit publiant son meilleur résultat de tous les temps et améliorant sa perspective de revenus sur l’année.
Dans les pays « Core », malgré une rentabilité plus faible, les résultats sont restés solides (16% de RoE pour Crédit Agricole, 11% pour ABN Amro, 7,4% pour Société Générale sur le T2 2024). Les banques libèrent des provisions génériques du fait de l’amélioration de leurs perspectives et de l’absence de détérioration significative de la qualité des actifs. Même dans les banques exposées à l’immobilier commercial, la détérioration s’est produite principalement dans le portefeuille de bureaux sur le sol américain, tandis que le portefeuille européen est resté stable (Pour Deutsche Pfandbriefbank par exemple, le taux de NPL était de 3,5% sur le portefeuille total et de 18% sur le portefeuille d’immobilier commercial américain).
La plupart des assureurs ont publié leurs résultats du S1 2024. De manière générale, les résultats sont bons, avec des résultats nets en amélioration. Sur le premier semestre, Munich Re a dégagé un résultat net de 3,8 milliards d’euros (+55% Y/Y), Allianz 5 milliards d’euros (+8% Y/Y), Zurich Insurance 3 milliards d’euros (+21% Y/Y), Beazley 71 millions d’euros (+130% Y/Y). Les assureurs ont bénéficié de l’environnement de taux élevé sur leur portefeuille d’investissement et de flux positifs en assurance-vie.
Du côté de l’assurance dommages et de la réassurance, les sinistres liés au climat semblent avoir été moins importants qu’au premier semestre 2023. Les ratios combinés restent parfois hauts dans certains pays comme l’Italie sur l’automobile, même si la tendance est à l’amélioration au UK.
Perspectives
Environnement de marché
- Les données d’activité aux États-Unis ont rassuré sur le mois passé, mais les mauvais chiffres de créations d’emplois ont généré des doutes sur la vigueur du marché du travail. Les investisseurs auront besoin de plus d’éléments pour valider l’ampleur du ralentissement. La Fédéral Réserve se laisse toutes les options possibles en matière de baisses de taux et les prochaines données relatives au marché du travail vont être cruciales. Les enquêtes dans les services permettront également de se faire un avis sur la résilience de l’activité.
- Dans la zone euro, l’activité reste pénalisée par le secteur manufacturier et l’amélioration dans les services est principalement le fait du rebond français lié aux Jeux olympiques. De plus en plus consensuelle au sein du board, une nouvelle baisse des taux directeurs de la BCE est anticipée pour septembre. Les propos de Philip Lane, économiste en chef de la BCE, vont en ce sens, même si on notera que plusieurs membres de la banque centrale ont manifesté leur prudence sur les futures actions de la BCE. La banque centrale devrait néanmoins continuer à baisser ses taux de manière graduelle. Les anticipations actuelles du marché ne semblent pas excessives à ce titre.
- Sur le crédit, le potentiel de resserrement des primes de risque nous paraît limité. Même si les facteurs techniques et les fondamentaux restent bien orientés, la volatilité attendue autour des élections américaines nous amène à une certaine prudence. Nous privilégions donc les maturités plus courtes offrant un portage élevé.
Positionnement
- Duration/Courbe : Long duration et positionnement de pentification 2-10+ (US & Euro).
- Crédit : Surpondération du crédit Investment Grade, neutre sur le HY et les dettes subordonnées.
- Maturité : Préférence pour les maturités courtes à intermédiaires.
- Secteur : Banques, télécoms, santé, chimie, immobilier.
Informations importantes
Document réservé à des clients professionnels au sens de la directive mif.
Ce document n’a pas de valeur précontractuelle ou contractuelle. Il est remis à son destinataire à titre d’information. Il fait état d’analyses ou de descriptions préparées par Lazard Frères Gestion SAS sur la base d’informations générales et de données statistiques historiques de sources publiques. L’opinion exprimée ci-dessus est susceptible de changer. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures.
Ces éléments sont fournis à titre indicatif et ne sauraient constituer en aucun cas une garantie de performance future. Ces analyses ou descriptions peuvent être soumises à interprétations selon les méthodes utilisées.
Les analyses et/ou descriptions contenues dans ce document ne sauraient être interprétées comme des conseils ou recommandations de la part de Lazard Frères Gestion SAS. Ce document ne constitue ni une recommandation d’achat ou de vente, ni une incitation à l’investissement dans les instruments ou valeurs y figurant.
Toute méthode de gestion présentée dans ce document ne constitue pas une approche exclusive et Lazard Frères Gestion SAS se réserve la faculté d’utiliser toute autre méthode qu’elle jugera appropriée. Ces présentations sont la propriété intellectuelle de Lazard Frères Gestion SAS.
Rédaction du document achevée le 13 septembre 2024.