Le retour de Donald Trump à la présidence des États-Unis ajoute de l’incertitude dans un environnement économique mondial complexe. Tandis que certains aspects de son programme pourraient renforcer la confiance des investisseurs, d’autres risquent d’avoir des répercussions très négatives sur l’économie américaine et le reste du monde. Ce contexte devrait créer à la fois de la volatilité et des opportunités d’investissement sur les marchés.
Nos perspectives économiques
Etats-Unis : une incertitude fortement augmentée par le retour de Donald Trump
Donald Trump a remporté la présidence, le vote populaire et une majorité au Congrès, lui donnant un mandat clair pour appliquer son programme.
Celui-ci s’articule autour de quatre axes principaux : une augmentation des droits de douane, la lutte contre l’immigration clandestine, des baisses d’impôts et la dérégulation de certains secteurs.
Les deux premiers axes sont susceptibles d’avoir des répercussions très négatives sur l’activité et l’inflation (voir graphiques 1 et 2)
Les deux autres sont plus favorables, avec un premier effet positif sur la confiance des petites entreprises (voir graphique 3).
Sur le plan budgétaire, Trump veut notamment pérenniser les baisses d’impôts de 2017 et réduire l’impôt sur les sociétés produisant aux États-Unis.
Toutefois, les faibles majorités républicaines au Congrès pourraient donner lieu à de longues et difficiles négociations.
En revanche, le Président dispose d’importants pouvoirs discrétionnaires en matière de politique commerciale et migratoire.
La question de savoir si Trump mettra à exécution toutes ses menaces d’augmentation des droits de douane reste ouverte. Mais des actions contre l’immigration sont très probables.
Côté dérégulation, Donald Trump veut notamment faciliter le forage pour augmenter la production de pétrole. Or, un prix proche de 90 USD/baril est nécessaire pour amener une forte accélération de la production, mais les importantes réserves de l’OPEP limitent le potentiel de hausse au-delà des 75 USD actuels.
Si Trump mettait en œuvre ses mesures migratoires et commerciales, l’effet inflationniste pourrait obliger la Fed à interrompre son cycle de baisse des taux.
Une économie toujours solide
Les dernières données économiques montrent que le risque d’une dégradation brutale de la conjoncture américaine a diminué sur les derniers mois.
En effet, la croissance a été solide, grâce au consommateur et à l’Etat. Cela a permis de compenser la dynamique moins favorable de l’investissement (voir graphique 4).
Il est à noter que la vigueur de la consommation provient pour la majeure partie des ménages les plus aisés, notamment aidés par un effet richesse très favorable.
Les données d’emploi se sont améliorées : le rapport sur l’emploi de décembre a confirmé la bonne situation du marché du travail, tandis que les inscriptions hebdomadaires au chômage restent contenues (voir graphique 5).
Cette solidité de la croissance et de l’emploi soulève la question de la réémergence de tensions sur le marché du travail et d’une réaccélération des salaires. Elle ravive également les incertitudes sur la question de l’inflation. Si le coût du logement est en voie de normalisation, la désinflation du prix des autres services est plus poussive (voir graphique 6).
Dans ce contexte, la banque centrale ne voit pas d’urgence à assouplir sa politique monétaire. La Fed adopte d’ailleurs un discours plus prudent sur la poursuite des baisses de taux.
Une accélération de la productivité est clé pour disposer d’une forte croissance sans inflation. Or, bien qu’elle ait connu un rebond notable, elle reste inférieure aux niveaux des phases de forte hausse des années 1960 ou du début des années 2000.
Il est encore trop tôt pour évaluer l’impact de l’IA dans les chiffres globaux. Le rebond récent de la productivité est principalement dû au commerce de détail (effet de la digitalisation), tandis que les secteurs les plus exposés à l’IA ne montrent pas encore d’accélération.
Quelles trajectoires pour le reste du monde ?
Les indicateurs d’activité dans la zone euro sont cohérents avec une croissance modérée. Celle-ci reste pénalisée par les difficultés du secteur industriel et de l’économie allemande.
Ces difficultés pourraient persister mais une réserve de croissance notable existe du côté de la consommation. En effet, la hausse des dépenses des ménages n’a pas suivi celle de leurs revenus (voir graphique 7).
Par conséquent, le taux d’épargne a nettement augmenté. Une simple stabilisation suffirait à relancer la consommation et à soutenir la croissance globale.
L’ingrédient manquant est l’amélioration de la confiance des ménages, les problèmes politiques en Allemagne et en France ayant enrayé la dynamique d’amélioration. Les négociations budgétaires en France et les élections de fin février en Allemagne devront être surveillées.
Par ailleurs, l’activité économique devrait bénéficier des baisses de taux de la BCE, le reflux de l’inflation ouvrant la voie à une poursuite du mouvement.
Il est à noter que la plupart des modèles montrent un impact limité des augmentations de droits de douane américains sur la zone euro (voir graphique 8). En revanche, l’impact serait plus significatif pour l’économie chinoise.
Les exportations de la Chine vers les États-Unis ne représentent que 2 % du PIB chinois, mais une forte hausse des droits de douane pourrait les faire chuter dans des proportions considérables.
Cela priverait l’économie chinoise d’un moteur de croissance essentiel. En effet, la croissance s’est beaucoup appuyée sur le commerce extérieur, tandis que la demande domestique a encore été plombée par le secteur immobilier (voir graphique 9).
Ce contexte rend très probable un nouvel assouplissement des politiques économiques. Mais l’ampleur de cette relance est encore incertaine.
Conclusion macroéconomique
L’environnement économique reste toujours très hétérogène, avec un régime de croissance qui devrait rester similaire à celui de l’année dernière.
- Aux États-Unis, les bonnes surprises sur le marché de l’emploi posent la question du retour de tensions sur le marché du travail au cours des prochains trimestres.
- En zone euro, le redressement progressif de la croissance pourrait s’accélérer grâce à la consommation.
- En Chine, de nombreuses questions se posent sur une économie qui s’est beaucoup appuyée sur les exportations pour compenser ses problèmes de demande domestique.
Perspectives financières
2025 : entre volatilité et opportunités
Au cours des derniers mois, les marchés ont significativement révisé à la hausse leurs attentes concernant le niveau d’atterrissage des taux de la Fed. Il est désormais attendu autour de 4%, soit encore une à deux baisses de taux de 0,25% par rapport au niveau actuel (voir graphique 10).
Cependant, la solidité de l’économie américaine et le retour de Donald Trump créent beaucoup d’incertitudes sur l’évolution de la politique monétaire. Cela risque d’engendrer de la volatilité sur les taux d’intérêt.
En Europe, le taux directeur de la BCE pourrait terminer vers 2% autour de l’été. Les marchés prévoient que les taux courts britanniques resteraient durablement plus élevés, mais la dynamique économique n’est pourtant pas très différente de celle de la zone euro.
Ce contexte s’accompagne d’une remontée des taux d’intérêt sur les maturités longues. Ce mouvement est davantage lié à la remontée des taux réels qu’aux anticipations d’inflation. Il s’agit donc surtout d’une réévaluation du niveau des taux d’équilibre.
Le maintien d’une croissance correcte constitue un environnement favorable pour les entreprises, aussi bien sur le plan du risque de crédit que de la croissance des bénéfices.
Toutefois, les marchés ont déjà intégré beaucoup de bonnes nouvelles.
Si les valorisations se sont largement normalisées sur la plupart des marchés actions, elles restent très élevées aux Etats-Unis (voir graphique 11). En réalité, les valorisations des marchés américains sont déformées par le poids très important de certaines valeurs dans les indices.
D’autre part, les résultats attendus aux Etats-Unis impliquent des marges historiquement élevées. Or, le maintien d’un marché du travail tendu et le rebond des taux pourraient exercer davantage de pressions.
Par ailleurs, la croissance des résultats des « 7 Magnifiques » est en train de ralentir. Si celle-ci continue de se normaliser, il sera plus difficile de justifier leurs valorisations très élevées. Dans les autres marchés, les attentes de résultats sont beaucoup plus raisonnables.
Conclusion de marché
L’ajustement des marchés à un contexte de taux d’intérêt plus élevés pourrait générer de la volatilité au cours des prochains mois. Pour autant, le maintien d’une croissance correcte est un élément positif pour les entreprises.
Le marché actions américain est toujours très déformé par certaines grandes valeurs dont les valorisations sont très élevées, tandis qu’elles sont plus raisonnables dans le reste du marché.
Le poids du marché américain implique que l’ajustement des valorisations et des attentes de résultats impacterait sans doute le reste du monde. Une correction des excès de valorisation et de confiance sur la croissance des résultats constituerait néanmoins des points de renforcement sur le marché actions.
Nous restons prudents sur les obligations d’Etat et privilégions des stratégies relatives à l’évolution des courbes de taux. Nous prévoyons notamment une poursuite de la pentification de la courbe des taux américaine et un resserrement du spread entre le Royaume-Uni et l’Allemagne.
Nous sommes positifs sur les obligations d’entreprises. Les spreads sont déjà à des niveaux très bas, mais le portage est attrayant.
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LEXIQUE
BCE : Banque Centrale Européenne.
Fed : La réserve fédérale des Etats-Unis, soit la banque centrale des Etats-Unis.
PIB : Le produit intérieur brut est l’indicateur économique qui permet de quantifier la valeur totale de la « production de richesse » annuelle effectuée par les agents économiques résidant à l’intérieur d’un territoire.
Indices PMI : Les indices PMI (Purshasing Manager’s Indices) sont des indicateurs de confiance qui synthétisent les résultats des enquêtes menées auprès des directeurs d’achats des entreprises. Une valeur supérieure à 50 indique un sentiment positif, tandis qu’une valeur inférieure à 50 indique un sentiment négatif.
PE (ou P/E, PER) : Le price-earnings ratio correspond au rapport entre capitalisations boursières et profits des entreprises. Cet indicateur est notamment utilisé en analyse financière pour évaluer la valeur d’un titre par rapport aux sociétés du même secteur.
€STER (Euro short-term rate) : taux interbancaire au jour le jour des banques de la zone euro (marché monétaire).
Prime de risque (actions) : la prime de risque des actions traduit le supplément de rendement offert par les marchés actions par rapport au « taux sans risque » des marchés obligataires (en général : taux des emprunts souverains à 10 ans). Ce rendement supplémentaire rémunère l’investisseur pour sa prise de risque.
Obligations High Yield : ces titres obligataires, également appelées à « haut rendement », sont des titres obligataires de nature spéculative dont la notation est inférieure à BBB- chez Standard & Poor’s ou Baa3 chez Moody’s. Ils proposent un rendement plus élevé en contrepartie d’un niveau de risque également plus élevé.
Spread de crédit : correspond à l’écart de rendement d’une obligation avec celui d’un emprunt « sans risque » de même maturité. Le terme « spread » désigne donc un « écart de taux » ou « différentiel de taux ». Plus la solvabilité de l’émetteur est perçue comme bonne, plus faible est le spread.
L’opinion exprimée ci-dessus est datée du mois de janvier 2025 et est susceptible de changer. Données les plus récentes à la date de publication.
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