Lettre du Fixed Income – Septembre 2025
Environnement de marché
La période estivale a été marquée par une divergence entre les taux américains et européens. Aux Etats-Unis, les taux des maturités courtes ont baissé en conséquence de signes plus importants de dégradation du marché du travail (baisse des créations d’emplois et remontée du taux de chômage à 4,3%). Ces éléments ont permis au président de la Réserve Fédérale d’ouvrir la porte à une baisse de taux lors du symposium de Jackson Hole fin août.
En zone euro, les taux ont grimpé sur l’ensemble de la courbe au cours de l’été. Les enquêtes d’activité ont légèrement rebondi, signe que l’activité ne se dégrade plus à court terme. En parallèle, l’inflation totale s’est stabilisée à 2% et l’inflation sous-jacente à 2,3% en glissement annuel. Ces éléments ont permis à la BCE de laisser ses taux inchangés et à Christine Lagarde de mentionner que le niveau actuel des taux était correct pour l’institution, refermant la possibilité d’une baisse pour la réunion de septembre. En France, l’annonce d’un vote de confiance pour le 8 septembre a mis fin au regain d’appétit pour le risque qui s’est manifesté au cours de l’été. Après une détente des spreads souverains, à l’image du spread Italie/Allemagne à 10 ans qui a touché 75 bps ou du spread OAT-Bund descendu à 65 bps, les spreads se sont à nouveau écartés et le spread OAT-Bund s’est rapidement tendu.
Evolution des taux et performances
La performance du marché global des dettes souveraines en euro est négative cet été (-0,34%), la performance des dettes américaine (+0,95%) a été aidée par la détente des taux de maturités courtes alors que le marché des obligations souveraines européennes délivre une performance négative (-0,66%), pénalisé par une remontée des taux et un écartement des spreads. La performance depuis le début de l’année du marché global des dettes souveraines couvert en devise euro est positive de +0,97%.
Banques centrales
Lors de son discours à Jackson Hole, Jerome Powell a ouvert la porte à une baisse de taux tout en défendant l’indépendance de la Réserve Fédérale. L’institution semble à présent plus préoccupée par les risques de dégradation du marché du travail et de hausse du taux de chômage que par celui de l’inflation. En zone euro, plusieurs membres de la BCE ont souligné que l’institution se sentait à l’aise avec le niveau actuel des taux, refermant la possibilité d’une baisse en septembre. Enfin, la BoE a abaissé son taux directeur pour la cinquième fois depuis un an pour le porter à 4%. Cinq membres ont voté pour une baisse et quatre pour un statu quo.
Crédit Corporate Investment Grade
Performances et spreads : Les marges de crédit s’écartent sur les Senior (+5 bps) et sur les hybrides (+13 bps) dans un contexte de volatilité et de légère tension des taux sur le 10 ans allemand. La classe d’actifs maintient toutefois une performance stable sur le mois d’août grâce au portage qui compense les effets négatifs des taux et de la composante spread.
Marché primaire : L’offre était soutenue avec environ 17 Mds€ émis, concentrés en majeure partie sur la dernière semaine du mois, bien absorbés avec des carnets d’ordres sursouscrits plus de 3 fois en moyenne. Les formats Green représentaient environ 18% des émissions avec notamment la double tranche de E.ON pour 1,1 Md€. Schneider Electric s’est présenté avec une quadruple tranche pour un total de 3,5 Mds€. Sur le segment des hybrides, Japan Tobacco a émis une obligation 30NC5.5 pour 500 M€ à 3,875%, sursouscrite 15,8x.
Secteurs : L’ensemble des secteurs est à l’écartement à l’exception de l’immobilier qui surperforme. À l’inverse, les secteurs des loisirs (+11 bps), de l’automobile, des télécoms et de la technologie sous-performent (+7 bps).
Fondamentaux : Les publications du T2 se sont poursuivies tout au long du mois d’août, s’alignant globalement sur les attentes, bien que les tendances aient varié selon les secteurs. Dans les services publics, Orsted a annoncé une augmentation de capital significative de 8 Mds€. Le projet Revolution Wind a été interrompu par un ordre d’arrêt des travaux de l’administration américaine alors qu’il était achevé à 80%. Côté M&A, Keurig Dr Pepper (KDP) a annoncé l’acquisition de JDE Peet’s pour 15,7Mds€ en cash et prévoit, après la finalisation de l’opération, de se scinder en deux entités cotées aux États-Unis : une « Beverage Co » regroupant Dr Pepper et une « Global Coffee Co » incluant JDE Peet’s et Keurig. S&P et Moody’s ont confirmé les notations (BBB-/Baa3) de JDE Peet’s, mais Fitch a placé sa note BBB sous surveillance négative.
Crédit Corporate High Yield
Performances et spreads : La classe d’actif a fait du surplace en août (+0,1%), grâce au portage et une très légère détente sur le 5 ans allemand (-4 bps) compensant l’écartement des spreads (+10 bps) survenue en fin de mois, notamment à cause de la situation politique en France. Dans ce contexte, il y a eu peu de différences de performance entre les notations, si ce n’est une sous-performance des crédits CCC pour des raisons idiosyncratiques.
Marché primaire : Après une activité record ces derniers mois, le marché primaire a ralenti avec seulement 2 Mds€ de nouvelles émissions en août.
Secteurs : Les media (Telecolumbus, Warner Bros), l’auto (Antolin, Benteler) et l’immobilier (Branicks, Foncia, Medical Properties) étaient en tête au mois d’août tandis que l’industrie de base (Kem One, Victoria Plc) et la santé (Cerba, Biogroup), étaient dans le rouge.
Fondamentaux : Les résultats du deuxième trimestre étaient mitigés, en particulier pour le secteur de la chimie et du retail. Le secteur de la construction semble avoir atteint un seuil à partir duquel les perspectives devraient s’améliorer. Dans l’auto, les résultats ont surpris positivement tandis que le secteur des infrastructures devrait continuer à progresser (data centers). Les opérations de fusions/acquisitions sont restées nombreuses : les discussions se sont poursuivies sur la vente de SFR alors que Telefonica préparerait une augmentation de capital pour élargir son périmètre avec comme cible potentielle Zegona ou Virgin Media. Coté « rating », ce sont les dégradations qui ont dominé. Urbaser a été dégradé par toutes les agences de rating à B1/B+, OI Glass à B+ par Moody’s, Graanul à Caa1, Auchan en outlook négatif par S&P, Worldline à BB, Merlin et Green Bidco à CCC+ par S&P, Pfleiderer à CCC+ par Fitch, qui a également abaissé Celanese à BB+. À noter en revanche des évolutions positives pour Saipem, Canpack et Ceconomy.
Crédit – Dettes financières
Performances et spreads : Sur le mois, les spreads bancaires se sont légèrement écartés : +7 bps sur les Seniors, +12 bps sur les Tier 2 et +2 bps sur les AT1 (+1 bp pour les AT1 en euro). Pour les assureurs, on observe également un écartement de +8 bps sur les Seniors et +4 bps sur les Subordonnées. En termes de performance, les Seniors et les Tier 2 bancaires sont globalement stables, tandis que les AT1 sont en légère hausse à +0,5% (+0,3% pour les AT1€). Les assureurs sont en hausse de +0,2%, côté Seniors comme Subordonnées.
Marché primaire : Le marché primaire a été relativement actif avec plusieurs Tier 2 (Danske Bank, Swedbank, ING, Erste, KBC), mais également quelques AT1 et le RT1 d’Allianz, qui a enregistré le spread reset le plus bas jamais obtenu pour ce type de dette en Europe.
Fondamentaux : Les publications de résultats semestriels ont confirmé la dynamique du secteur. Les grands groupes bancaires européens ont globalement maintenu des niveaux bénéficiaires élevés et des RoE à deux chiffres (Commerzbank stable, Banco BPM +31% Y/Y, BPER +30%). Plusieurs établissements régionaux (Optima, Sondrio, Cajamar) ont signé des records sur le semestre. En revanche, certaines banques allemandes (Grenke, PBB) ont été pénalisées. Du côté des assureurs, les résultats restent solides dans l’ensemble, avec de fortes croissances de bénéfices pour Allianz (+9,5 %), L&G (+42 %), Admiral (+69 %) et Talanx (+26 %). Sur le terrain des fusions-acquisitions, l’actualité est restée animée. BBVA a confirmé son offre sur Sabadell, malgré l’opposition des autorités espagnoles. Mediobanca n’a pas réussi à sécuriser le rachat de Banca Generali, ouvrant la voie à Monte dei Paschi. Swedbank a renforcé sa position dans le crédit à la consommation et les paiements en Scandinavie par le rachat de la participation de Barclays dans Entercard. Du côté des notations, Moody’s a abaissé la perspective de l’Autriche à négative en raison des préoccupations liées à sa dette publique. À l’inverse, le Portugal a vu sa note relevée d’un cran par S&P à A+ grâce à sa solide trajectoire.
Perspectives
Environnement de marché
- Les statistiques américaines traduisent un ralentissement du marché de l’emploi mais aussi des salaires, ce qui pourra peser sur la croissance à moyen terme. Ces éléments valident donc le fait que la Réserve Fédérale puisse reprendre ses baisses de taux avec une baisse de 25 bps attendue lors de sa prochaine réunion du 17 septembre.
- D’un autre côté, plusieurs éléments vont devoir être intégrés par la Fédérale Réserve. La politique migratoire du président peut impacter le marché du travail, les droits de douane mis en place devraient générer graduellement plus d’inflation. Le rythme de baisse de la Fed ne sera donc pas linéaire après l’ajustement que s’apprête à réaliser l’institution.
- Dans la zone euro, les dernières données décrivent une croissance correcte, une inflation dans la cible de la BCE et plus de visibilité pour les acteurs économiques. Dans ce contexte, la BCE va passer son tour lors de son meeting de septembre. Les taux gardent toutefois un potentiel baissier, certes limité, dans le sillage du comportement des taux souverains américains. Du côté de la dette française, l’incertitude va perdurer dans les semaines à venir au-delà du vote de confiance. En effet, des compromis pour faire adopter le budget limitera la capacité de réduction du déficit, ce qui sera reflété dans les spreads OAT/Bund dont le potentiel de rétrécissement paraît limité. Le risque budgétaire va rester un sujet majeur du dernier trimestre 2025, avec des revues de notations de la part des agences qui pourraient apporter de la volatilité.
- Coté crédit, les fondamentaux restent bien orientés avec des taux de défaut qui devraient baisser à horizon un an. Le marché primaire reste actif avec des émissions toujours sursouscrites, traduisant un appétit toujours élevé des investisseurs. Même si les valorisations des primes de risque crédit restent serrées, la remontée récente de la composante taux rend la classe d’actifs toujours attractive.
- Dans le contexte d’une dégradation de l‘économie américaine, nous privilégions le crédit européen au détriment du crédit américain, notamment sur le haut rendement.
Positionnement
- Duration/Taux : UK (+), US (=/+), Euro (=/+), Japon (=)
- Crédit : Constructif sur le crédit Investment Grade, le High Yield Euro et les dettes subordonnées.
- Maturité : Préférence pour les maturités courtes à intermédiaires.
- Secteurs : Banques, télécoms, santé, immobilier.
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Rédaction du document achevée le 12 septembre 2025.
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