FED : Dans le doute, abstiens-toi

C’est sans doute ce proverbe qui a guidé les membres du comité de politique monétaire (FOMC) de la banque centrale des États-Unis, la FED.

Le communiqué de la Fed est légèrement plus positif sur la croissance domestique américaine, améliorant notamment l’appréciation de l’investissement mais c’est le risque que « les récents développements globaux économiques et financiers » causent un ralentissement de l’activité économique et fassent baisser l’inflation qui a pesé.

Une FED « dovish »

Les prévisions de la Fed, comme la conférence de presse ont pris une coloration très « dovish » (conciliante). Si la croissance a été révisée en hausse sur 2015, elle a été légèrement révisée en baisse sur 2016 et 2017. Treize membres anticipent une hausse d’ici la fin de l’année contre quinze en juin. Les trajectoires des « dots » (les points représentant le sentiment des membres du FOMC sur l’évolution des taux) ont été revues en baisse pour la plupart des membres du FOMC et des points sont apparus en territoire négatif. Cela signifie qu’un membre du FOMC est très inquiet mais cela signale également qu’en cas de besoin, la Fed préférera sans doute des taux négatifs à un nouveau quantitative easing.

Néanmoins, malgré ces éléments très accommodants, Janet Yellen a souligné qu’une hausse des taux avait été discutée et que chaque réunion était « live » d’ici la fin de l’année, c’est-à-dire qu’une hausse peut y être décidée. Elle a par ailleurs expliqué dans la conférence de presse que l’impact des récents développements ne devait pas être surestimé et qu’ils ne modifiaient pas les perspectives sur l’économie américaine. C’est donc bien l’incertitude qui est la principale raison de cette immobilité.

Un objectif « symétrique »

Sur un plan plus fondamental, Janet Yellen a rappelé que l’objectif d’inflation de la Fed est symétrique. Elle ne tolère pas plus une inflation en dessous de son objectif qu’une inflation au dessus. Alors que dans son discours programmatique d’avril 2015, elle avait relativisé l’importance de l’inflation, elle a beaucoup insisté sur ce sujet. Elle a aussi souligné que la trajectoire pourrait s’avérer plus verticale ou plus plate que les prévisions en fonction des chiffres publiés.

Nous pensions qu’une hausse était à la fois probable, logique au vu de l’amélioration de la conjoncture économique, et nécessaire pour réduire justement l’incertitude et que les marchés cessent de se focaliser sur cette question. Compte tenu des éléments ci-dessus, la date de la première hausse va sans doute être reportée à décembre.

Les marchés se sont partiellement ajustés à cette conjoncture plus favorable. Nous voudrions toutefois faire quatre remarques sur ce biais extrêmement dovish pris par la Fed :

1. Les prévisions de la Fed tablent sur un taux de chômage qui se stabiliserait l’année prochaine à 4,8% pour les trois prochaines années alors qu’il est déjà à 5,1% et a baissé en moyenne de près de 1,0% par an sur les quatre dernières années avec une croissance économique en moyenne égale à 2,2%, soit le niveau de croissance attendu sur les prochaines années. Quelle sera la réaction de la Fed si le taux de chômage continue de baisser aussi rapidement?

2. Que vont faire les autres banques centrales ? Il est maintenant très probable que la BCE et la Banque du Japon augmentent l’ampleur de leurs opérations de quantitative easing.

3. La Fed veut, à raison, éviter de commettre l’erreur d’un resserrement trop précoce des conditions monétaires, mais en étant paralysée par cette peur, et en attendant, elle risque de créer les conditions de ce qu’elle veut éviter, c’est-à-dire une remontée brutale des taux longs. Dans notre note du 21 avril 2015, nous notions que la Fed avait le choix entre deux trajectoires : une hausse précoce mais progressive et une hausse plus tardive mais plus rapide. Dans le cas d’une accélération des salaires et de l’inflation, même mesurée, elle sera obligée d’agir rapidement alors que, si elle avait déjà commencé à remonter ses taux, elle pourrait maintenir son rythme de croisière très progressif, arguant du délai entre les hausses de taux et l’impact sur l’économie. L’impact sur les taux longs serait sans doute important.

4. Alors que 13 membres sur 17 anticipent une remontée des taux d’ici la fin de l’année, le marché estime que la probabilité est inférieure à 50%. A l’horizon de fin 2017, le marché voit les Fed Funds à 1,30% alors que le point médian des prévisions du FOMC est à 2,50%. En revoyant systématiquement à la baisse ses prévisions, la Fed s’est enfermée dans un biais dovish qui fait que le marché ne croit plus ce qu’elle dit et est systématiquement plus dovish, forçant la main de la Fed.

 

Conclusion

A ce jour, l’inflation reste basse mais la probabilité augmente qu’on observe une nette accélération des salaires, et donc in fine de l’inflation.

La politique monétaire est comme le pilotage d’un paquebot. Les virages doivent être amorcés très en amont pour éviter les obstacles, même si l’on n’est pas sûr de les rencontrer. Si comme nous le pensons, le marché de l’emploi reste beaucoup plus dynamique que dans les prévisions de la Fed, le moment viendra où la boucle prix-salaire se mettra en route. Les anticipations de marché excluent un tel scénario bien qu’il relève de la logique économique classique.

On a souvent accusé les marchés actions de succomber aux sirènes du « This time is different ! ». Ce pourrait bien être au tour des marchés obligataires d’y céder actuellement. Mais comme à chaque fois, le réveil risque d’être brutal !

 

 

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