Philanthropie et cession d’entreprise

À l’approche d’une cession d’entreprise, il est devenu habituel de donner à ses enfants, voire à son conjoint, une partie de ses titres. Pourquoi ne pas en donner également une partie à une fondation avant de vendre ?

Les opérations de donations, réalisées au sein de la famille avant la vente, ont le double avantage de réduire l’impôt de plus-value dû par le cédant (le fait de donner ne constitue pas un fait générateur d’imposition des plus-values privées pour le donateur) et d’organiser la transmission du patrimoine familial. Cette solution est plus rarement mise en œuvre au bénéfice d’une fondation ou d’un fonds de dotation. Elle présente pourtant également de nombreux avantages.

Prenons l’exemple d’un dirigeant actionnaire qui s’apprête à céder sa participation. Avant la vente, il consent une donation d’une partie de ses titres, pour un montant de 500 000 €, à une Fondation reconnue d’utilité publique.

Cette donation sera exonérée de droits si elle est consentie à une fondation reconnue d’utilité publique dont les ressources sont affectées à des œuvres scientifiques, culturelles ou artistiques à caractère désintéressé ou à des œuvres d’assistance, à la défense de l’environnement naturel ou à la protection des animaux.

Pour recevoir cette donation, la fondation devra donc simplement s’acquitter des frais d’actes de donation (frais de notaire autour de 1 % du montant donné). Après la cession des titres, la Fondation disposera donc en net de 495 000 € à consacrer à ses actions.

Le dirigeant, quant à lui, n’aura pas d’impôt de plus-value à acquitter sur les titres transmis à la Fondation.

Supposons que le prix de revient des titres donnés était pour lui de 50 000 €. En l’absence de donation, il aurait donc réalisé une plus-value de 450 000 € (500 000 – 50 000).

S’il détenait ses titres depuis plus de 8 ans, il aurait pu prétendre à un abattement pour durée de détention de 65 % de sorte que sa plus-value aurait été imposée à 31,25 % (compte tenu des prélèvements sociaux de 15,5 %, d’une imposition dans la tranche marginale de l’impôt sur le revenu à 45 % mais compte non tenu de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus et de la quote-part de CSG déductible des revenus de l’année suivante).

En net d’impôt de plus-value, il aurait donc conservé 359 375 € (500 000 – (450 000 * 31.25 %)). La fondation disposera elle, rappelons-le, de 495 000 € pour financer ses œuvres.

Impact en termes d’impôt sur le revenu

De son côté, le dirigeant pourra prétendre au titre de la donation à une réduction de son impôt sur le revenu. Cette réduction sera égale à 66% du montant donné retenu dans la limite de 20 % de son revenu imposable.

En effet, le dispositif de réduction d’impôt sur le revenu est applicable aux dons en numéraire mais également aux dons en nature et s’applique donc aux dons de titres côtés ou non.

Le dirigeant pourra donc prétendre au titre de l’année de la donation à une réduction d’impôt sur le revenu de 330 000 € (500 000 € * 66 %) sous réserve de disposer d’un revenu imposable d’au moins 2 500 000 €. Toutefois, si son revenu est inférieur à ce seuil, l’avantage fiscal ne sera pas nécessairement perdu puisque lorsque le montant du don excède 20 % du revenu imposable, la fraction excédentaire est reportée sur les cinq années suivantes et ouvre droit à réduction dans les mêmes conditions.

Soulignons que cette stratégie de donation de titres préalablement à leur vente ne peut pas être couplée avec le bénéfice d’une réduction d’ISF. En effet, la loi, d’une part, réserve le bénéfice de la réduction d’ISF aux dons réalisés en espèces ou en titres cotés (les titres non cotés sont donc exclus) et prévoit, d’autre part, que dans le cas où le don est fait en titres cotés il constitue un fait générateur d’imposition de la plus-value pour le donateur.

En revanche si, à l’avenir, la donation de titres à une fondation préalablement à leur cession n’est plus utilisée, elle pourrait constituer un relais au financement des fondations si la réduction d’ISF pour dons devait être supprimée dans le cadre de la réforme annoncée par le Président de la République et consistant à limiter l’ISF aux seuls actifs immobiliers.

Pour que la mise en œuvre d’une telle donation ne soit pas considérée comme abusive certaines règles devront être respectées.

En premier lieu, la donation devra intervenir avant que la vente ne soit certaine, c’est-à-dire avant qu’il n’y ait accord sur la chose et sur le prix. À défaut, l’administration fiscale considérera que la donation portait sur le prix de vente et non sur les titres et l’impôt de plus-value sera dû par le dirigeant cédant.

Par ailleurs, le dirigeant doit être animé d’une réelle intention libérale. C’est à priori le cas lorsque la donation est consentie à une fondation puisque la reconnaissance d’utilité publique implique que la fondation ne cherche pas à favoriser les intérêts particuliers mais au contraire l’intérêt général. Le dirigeant donateur ne pourra donc pas indirectement se réapproprier ce qu’il a donné à la fondation et n’encourra donc à priori pas le risque de voir son intention libérale contestée.

Enfin, sur le plan juridique, il conviendra de veiller à ce que la donation consentie à la fondation ne porte pas atteinte à la réserve héréditaire des enfants.

Cet article est repris dans le magazine Croissance Plus (numéro de juillet 2017)

 

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Stéphane Jacquin

Associé-Gérant, Responsable de l'ingénierie patrimoniale