Depuis plusieurs années, les dettes subordonnées financières constituent en Europe une petite oasis de rendements dans le désert des taux bas, en contrepartie d’une prise de risque plus élevée. La crise du Covid-19 n’a pas remis en cause l’attractivité de ces titres (Tier 2, AT1 ou « CoCos »), qui conservent un couple rendement-risque des plus intéressants pour les investisseurs disposant d’une bonne compréhension de leurs risques spécifiques. Nos questions à François Lavier, analyste-gérant chez Lazard Frères Gestion.
Depuis la crise du Covid-19, comment se sont comportés les spreads sur le segment des dettes financières ?
François Lavier : Après leur pic de mars 2020, les spreads se sont fortement contractés sur tous les segments du marché obligataire et les dettes financières ne font pas exception. Sur les dettes financières senior, les primes de risques sont désormais revenues à leurs niveaux d’avant-crise, ce qui s’explique par la solidité des bilans bancaires en zone euro malgré les craintes initiales. Pour les dettes subordonnées AT1 et Tier 2, le retour à la situation d’avant-crise n’a pas encore été atteint et les marges de compression des spreads restent donc encore significatives, en particulier pour les titres AT1.
Le mouvement de consolidation du secteur bancaire actuellement à l’œuvre en Europe a-t-il une influence sur ce marché ?
François Lavier : Oui tout à fait, et cet effet s’avère bénéfique pour les investisseurs. En 2020, l’actualité a été marquée par le rachat d’Ubi Banca par Intesa San Paolo (Italie) et par l’annonce de la fusion de Bankia avec CaixaBank (Espagne). Depuis le début d’année 2021, la liste des opérations s’est allongée avec la fusion entre Unicaja et Liberbank (Espagne) et s’étend désormais aux fusions transfrontalières avec le rachat de CreVal (Italie) par Crédit Agricole (France).
Ces opérations permettent d’aboutir à une concentration du secteur souhaitée de longue date par la BCE pour aboutir à un paysage bancaire moins fragmenté et plus rentable, plus viable dans l’actuel contexte de taux bas. Les synergies obtenues renforcent la solidité financière des établissements et rassurent les investisseurs sur la profitabilité du secteur. C’est également une source d’opportunités pour les investisseurs obligataires puisque les entités les plus solides sont amenées à racheter les entités moins bien notées.
Les subordonnées financières sont également animées par le sujet du remboursement des dettes « Legacy ». De quoi s’agit-il ?
François Lavier : Les dettes dites « Legacy » sont des instruments d’« ancienne génération » (pré-2008). Depuis octobre 2020, l’EBA encourage le nettoyage des structures de capital des banques pour que ces anciennes dettes « Legacy » soient remboursées et remplacées par les nouveaux instruments disponibles de nos jours. Cela se traduit par des calls, des offres de rachat ou d’échange. C’est un mouvement très bénéfique pour les investisseurs qui possèdent ces titres, car bien souvent les valorisations de ces titres intègrent une « prime d’incertitude » sur leur devenir et leur date de remboursement prochaine. Il faut s’attendre à une augmentation de la fréquence de ces opérations durant les prochains mois et trimestres.
Notre intérêt pour les titres Legacy, Tier 2 et AT1 nous a amenés à mettre au point des fonds dédiés à cette thématique d’investissement chez Lazard Frères Gestion.
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Article rédigé en date du 26 mai 2021. Les informations fournies n’ont pas vocation à constituer un conseil en investissement et sont destinées uniquement à des fins d’information. Les données utilisées dans ce document sont utilisées de bonne foi, mais aucune garantie ne peut être accordée quant à leur exactitude. Toutes les données contenues dans le présent document proviennent de Lazard, sauf indication contraire. Les performances passées ne sont pas un indicateur fiable des performances futures. Les opinions exprimées dans le présent document sont sujettes à modification.