Entreprise familiale : entre aventure commune et projets personnels
Le 11 mai, à l’occasion de son premier Cercle de la gouvernance familiale, Lazard Frères Gestion recevait, avec Family & Co, Didier Deconinck, vice-président du conseil de surveillance de Tarkett. Son récit a permis d’illustrer les enjeux, mais aussi les difficultés et les solutions à déployer en matière d’actionnariat familial. L’objectif : parvenir à concilier les projets de chacun.
« Parfois, la fortune apporte plus de problèmes que de solutions » soulignait François de Saint-Pierre, associé-gérant de Lazard Frères Gestion, en introduction de cette conférence. Ce paradoxe peut prendre un relief particulier pour les entrepreneurs, dont la gestion du patrimoine personnel est étroitement liée à la gestion du patrimoine professionnel et à sa transmission. Un sujet souvent complexe, pouvant générer des désaccords familiaux.
Pour éviter de telles éventualités, il est primordial d’anticiper les points d’achoppement avant leur apparition. Outre les enjeux de donation et de fiscalité, il est aussi question de gouvernance et de cohésion. « Il faut avoir des règles, s’y tenir, mais aussi savoir les adapter selon les évolutions des uns et des autres » expliquait François de Saint-Pierre. « Il faut les articuler autour de valeurs communes tout en laissant à chacun une certaine liberté ».
Fédérer les membres de la famille sans renier leur individualité
Un point de vue partagé par Laurent Allard, associé du cabinet de conseil Family & Co. Pour celui-ci, l’actionnariat familial se caractérise d’abord par sa diversité, chacun des membres pouvant opter pour des choix de vie différents. Ainsi, « Chaque membre de la famille n’est qu’une composante du collectif actionnarial, mais l’aventure familiale n’est aussi qu’une composante du projet personnel de chacun » rappelait-il lors de son intervention.
L’important est que cette diversité devienne une force. Ceci implique, pour les dirigeants et leurs enfants, de prendre le temps d’« expliciter leur projet collectif ». L’idée : clarifier les objectifs communs, qu’il s’agisse d’objectifs financiers, d’impact, d’éthique ou de cohésion familiale. En parallèle, se pose la question des objectifs individuels de chaque membre de la famille : intention de reprendre l’affaire familiale, d’en rester salarié, d’être « simple » actionnaire ou de créer sa propre activité indépendante par exemple. L’implication personnelle de chacun vis-à-vis de l’aventure commune doit ainsi être clairement définie pour éviter d’éventuelles mésententes.
Le but de cette démarche est que « chacun soit à l’aise avec le projet familial » expliquait Laurent Allard. « Pour cela, il faut que la gouvernance soit bien définie » et que « chacun puisse composer entre projet collectif et aspirations personnelles ».
Tarkett : des difficultés familiales à une gouvernance collégiale
Le récit de Didier Deconinck, vice-président du conseil de surveillance de Tarkett, apportait un éclairage singulier sur ces sujets.
Dans le courant des années 1970, Didier Deconinck intègre l’entreprise familiale, qui s’appelle alors « Sommer-Allibert ». Son père, Bernard, en est le dirigeant. Didier Deconinck lance chez Sommer-Allibert une division dédiée à l’équipement de jardin, dont le succès immédiat est toutefois source de tensions. Les deux hommes s’éloignent et Didier Deconinck fonde sa propre société dans le domaine des articles de quincaillerie.
Au décès de Bernard Deconinck en 2005, Didier Deconinck et ses trois frères et sœur reprennent progressivement le contrôle de l’entreprise familiale, devenue Tarkett. Dès lors, une véritable gouvernance familiale est mise en place, dans un esprit d’intégration. Didier Deconinck est élu président du Conseil de Surveillance de Tarkett, représentant du « G4 », désignant en interne les quatre enfants de Bernard Deconinck. Plus tard apparaît le « G10 », désignant les 10 petits-enfants de l’ancien dirigeant. Chacun ayant ses propres aspirations (fibre artistique, fibre commerciale…), les petits-enfants les plus intéressés par l’affaire familiale sont progressivement élus pour siéger au conseil d’administration de l’entreprise et préparer ainsi dans les meilleures conditions la transmission de l’entreprise à la génération suivante.
En parallèle, Didier Deconinck incite les membres du « G10 », comprenant donc ses propres enfants, à développer leurs projets personnels parallèles à Tarkett. Le but : laisser à chacun la possibilité de suivre sa propre voie, tout en assurant la pérennité du lien familial. Il s’agira, pour certains, de lancer leur activité dans des domaines prometteurs ou de rejoindre de grandes entreprises, finalement à l’image de ce qu’ont réalisé les G4. Tarkett a tout à y gagner : celles et ceux qui se lanceront dans cette aventure disposeront, à terme, d’une légitimité pour rejoindre plus tard la direction du groupe familial en lui transmettant l’expérience qu’ils auront acquise ailleurs. Une parfaite illustration de l’intérêt d’articuler projet collectif et projets individuels.
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Voir aussi : https://latribune.lazardfreresgestion.fr/patrimoine-lettre-de-la-gestion-privee-3eme-trimestre-2022/
L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 18 juillet 2022 et est susceptible de changer.
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