PATRIMOINE | Loi de finances pour 2025 | 1er trimestre 2025


L’année 2024 s’est terminée sans que le Parlement ait voté une loi de finances pour 2025.

 

 

 

 

En effet, l’adoption de la motion de censure, déposée contre le Gouvernement Barnier suite à la décision de celui-ci d’engager sa responsabilité sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale, a entraîné la suspension des travaux parlementaires sur le projet de loi de finances.

Cette situation inédite a obligé le Gouvernement démissionnaire à déposer, le 11 décembre 2024, un projet de loi spéciale sur le fondement de l’article 47, alinéa 4, de la Constitution. Cet article dispose que « si la loi de finances fixant les ressources et les charges d’un exercice n’a pas été déposée en temps utile pour être promulguée avant le début de cet exercice, le Gouvernement demande d’urgence au Parlement l’autorisation de percevoir les impôts et ouvre par décret les crédits se rapportant aux services votés ».

La loi spéciale a été votée par le Parlement et elle a été publiée au Journal Officiel le 21 décembre 2024. Elle permet au Gouvernement de percevoir les impôts existants. Elle lui permet également, sur le fondement de l’article 47, alinéa 4, de la Constitution et en application de l’article 45 de la loi organique relative aux lois de finances, de prendre des décrets ouvrant le minimum de crédits qu’il « juge indispensable pour poursuivre l’exécution des services publics dans les conditions qui ont été approuvées l’année précédente par le Parlement ». Toutefois, les crédits ouverts par décret « ne peuvent excéder les crédits ouverts par la précédente loi de finances ».

La loi spéciale pallie donc l’absence d’adoption d’une loi de finances dans les délais et empêche un shut down à la française. En revanche, elle ne se substitue pas à la loi de finances pour 2025. Elle constitue une solution, en principe temporaire, dans l’attente de l’adoption d’une loi de finances.

Cette situation conduit donc à s’interroger sur la capacité du nouveau Gouvernement à faire adopter une loi de finances. À cet égard, relevons que la Constitution lui permet d’utiliser la voie de l’ordonnance.

En effet, il résulte du 3ème alinéa de l’article 47 de la Constitution que si le Parlement ne s’est pas prononcé sur le projet de loi de finances dans un délai de 70 jours à compter de son dépôt par le Gouvernement, les dispositions du projet peuvent être mises en vigueur par ordonnance.

Cette solution n’a encore jamais été utilisée mais pourrait peut-être constituer une issue en cas de blocage durable.

À cet égard, le Gouvernement Bayrou a choisi de reprendre le projet de budget du Gouvernement Barnier et de ne pas repartir d’une copie blanche. La discussion du projet de loi de finances a donc repris au Sénat, le 15 janvier 2025, là où elle s’était arrêtée en décembre lors du vote de la motion de censure sur le projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Le décompte du délai de 70 jours, prévu à l’article 47 de la Constitution, a donc a priori débuté à partir du dépôt par le Gouvernement Barnier du projet de loi de finances et a simplement été suspendu en raison du vote de la motion de censure. Si le Gouvernement Bayrou ne parvenait pas à faire adopter par le Parlement un budget avant la mi-février, comme il en a exprimé le souhait, il pourrait, le cas échéant, expérimenter la voie de l’ordonnance budgétaire.

L’absence de vote d’une loi de finances pour 2025, avant le 31 décembre 2024, doit également nous conduire à nous interroger sur le principe de la rétroactivité de la loi fiscale et sur la possibilité d’adopter, en 2025, des mesures qui impacteraient les revenus 2024.

Sur cette question, il résulte de la jurisprudence du Conseil constitutionnel que « si le législateur a la faculté d’adopter des dispositions fiscales rétroactives, il ne peut le faire qu’en considération d’un motif d’intérêt général suffisant et sous réserve de ne pas priver de garanties légales des exigences constitutionnelles ». Il résulte également de la jurisprudence du Conseil constitutionnel qu’assurer des recettes fiscales supplémentaires ne constitue pas un motif d’intérêt général suffisant pour justifier l’adoption de mesures fiscales rétroactives (décisions n°404 du 18 décembre 1998 et n°662 du 29 décembre 2012).

Dès lors, les dispositions qui seront contenues dans la loi de finances adoptée en 2025 ne pourront pas rétroactivement venir alourdir la fiscalité applicable aux revenus de l’année 2024.

À cet égard, la principale mesure patrimoniale contenue dans le projet de loi de finances consiste en l’instauration d’une contribution différentielle d’impôt sur le revenu. Cette contribution, dont nous détaillions le mécanisme dans le précédent numéro de cette lettre, pourrait être conservée et figurer dans la loi de finances qui sera adoptée dans les prochaines semaines. En revanche, son application devra être décalée aux revenus de l’année 2025. Elle ne pourra pas impacter les revenus de l’année 2024 comme le prévoyait le projet du Gouvernement Barnier.

Rappelons que cette contribution vise à taxer à l’impôt sur le revenu (IR) à un taux minimum de 20% les contribuables disposant de revenus supérieurs à 250 000 € (personnes seules) ou 500 000 € (couples soumis à imposition commune). En pratique, cette contribution viserait les contribuables disposant de revenus importants imposés à taux forfaitaire, c’est-à-dire les contribuables disposant de dividendes, d’intérêts ou de plus-values sur valeurs mobilières et droits sociaux importants. En revanche, elle n’impacterait pas les contribuables disposant de revenus élevés soumis au barème de l’IR (revenus professionnels, revenus immobiliers) puisque ces contribuables sont déjà imposés à l’IR à un taux supérieur à 20%. Cette contribution porterait, pour les contribuables concernés, le taux d’imposition des revenus soumis à la flat-tax à 37,2% alors que jusqu’en 2024 ces revenus étaient taxés marginalement à 33% ou 34% (30% de flat-tax se décomposant en 12,8% d’IR et 17,2% de prélèvements sociaux, auxquels s’ajoute la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus au taux de 3% ou 4%).

Le décalage de l’entrée en vigueur de cette contribution à 2025, pour respecter le principe de non-rétroactivité, empêchera que cette contribution ne dégage des recettes pour le budget de l’État dès 2025. Espérons que cette situation n’incitera pas le Gouvernement à proposer d’autres mesures fiscales patrimoniales susceptibles d’augmenter les recettes dès 2025.

Rappelons à cet égard que des amendements visant à augmenter de 3 points la flat-tax, pour la porter à 33%, avaient été déposés par des parlementaires lors de la discussion du projet de loi finances à l’Assemblée nationale et au Sénat.

Ces amendements n’ont pas été retenus, au stade du vote de la partie recettes du projet de loi de finances au Sénat, mais pourraient être réintroduits ultérieurement. Une augmentation de la flat-tax permettrait d’engranger des recettes dès 2025 puisque son mécanisme repose sur le principe du paiement d’un acompte lors de la perception des revenus.

Une augmentation de la flat-tax pourrait dès lors apparaître simple et tentante. Toutefois, il n’est pas certain que cette solution soit efficace à long terme. En effet, si le taux de la flat-tax est augmenté, le risque est que l’assiette d’imposition se contracte comme ce fut le cas après la suppression, à compter de 2013, du prélèvement libératoire forfaitaire et l’imposition corrélative au barème de l’impôt sur le revenu des dividendes, des intérêts et des plus-values sur valeurs mobilières et droits sociaux. À l’inverse, le retour, à partir de 2018, d’une imposition forfaitaire à 30% a entraîné une augmentation de l’assiette et donc des recettes. À cet égard, il résulte des données publiées par France Stratégie, organisme chargé d’évaluer les politiques publiques, que les montants de dividendes déclarés à l’impôt sur le revenu en 2018 et 2019 (respectivement 24,2 et 23,2 milliards) étaient en hausse de 65% par rapport aux montants déclarés avant l’instauration de la flat-tax (14,3 milliards en 2017, 14,4 milliards en 2016). Souhaitons que le Gouvernement ait à l’esprit les enseignements de ces expériences passées.

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Voir aussi : https://latribune.lazardfreresgestion.fr/lettre-de-la-gestion-privee-3eme-trimestre-2024/

L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 21 janvier 2025 et est susceptible de changer.

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