PATRIMOINE | Lettre de la Gestion Privée | 3ème trimestre 2022


Bien choisir les bénéficiaires de son contrat d’assurance-vie

Lors de la souscription d’un contrat d’assurance-vie, le souscripteur-assuré doit choisir le ou les bénéficiaires qui percevront le capital lors de son décès.

Il est important d’effectuer ce choix car en l’absence de bénéficiaire désigné, les capitaux dus par l’assureur tombent dans la succession du souscripteur-assuré et reviennent à ses héritiers, mais sans le bénéfice de la fiscalité favorable de l’assurance-vie.

Le choix des bénéficiaires, effectué lors de la souscription, n’est pas définitif puisque le souscripteur-assuré a la possibilité de modifier la clause bénéficiaire pendant toute la durée du contrat. Le souscripteur-assuré peut donc, en cours de contrat, supprimer un bénéficiaire, en ajouter un nouveau ou encore modifier la part de chacun.

Seule une acceptation bénéficiaire est susceptible d’empêcher le souscripteur-assuré de modifier sa clause. En effet, l’acceptation par le bénéficiaire de la stipulation faite à son profit la rend irrévocable en application de l’article L132-9 du Code des assurances. Toutefois, depuis le 18 décembre 2007, une acceptation du bénéficiaire, réalisée du vivant du souscripteur-assuré, n’est possible qu’avec l’accord de ce dernier. Depuis cette date, le souscripteur-assuré d’un contrat d’assurance-vie est donc protégé contre le risque d’une acceptation non souhaitée et est certain de conserver la possibilité de modifier, à tout moment, pendant sa vie, les bénéficiaires de son contrat sauf à décider lui-même de consentir à l’acceptation d’un bénéficiaire.

S’agissant du choix des bénéficiaires, le souscripteur-assuré dispose, en principe, d’une grande liberté puisqu’il n’est pas tenu par les règles de la dévolution successorale légale et que l’article L132-12 du Code des assurances prévoit expressément que le capital payable au décès ne fait pas partie de la succession du souscripteur-assuré.

Pour autant, lorsque le souscripteur-assuré d’un contrat d’assurance-vie a des héritiers réservataires, il ne peut pas, sans prendre le risque d’une contestation de ses héritiers, s’écarter totalement de la dévolution successorale légale si les capitaux investis sur son contrat d’assurance-vie représentent une part importante de son patrimoine.

En effet, si l’article L132-13 du Code des assurances prévoit que « le capital et/ou la rente payables au décès de l’assuré à un bénéficiaire déterminé ne sont soumis ni aux règles du rapport à succession, ni à celles de la réduction pour atteinte à la réserve des héritiers du contractant », il précise que ces règles ne s’appliquent pas non plus aux sommes versées « à titre de primes, à moins que celles-ci n’aient été manifestement exagérées eu égard à ses facultés ».

Le Code des assurances ne donne pas de définition de la notion de primes manifestement exagérées. En cas de contestation par un héritier réservataire, exclu du bénéfice du contrat, c’est donc aux tribunaux qu’il appartient de trancher.

Diverses juridictions ont été appelées à se prononcer sur cette notion sans qu’il soit possible d’en tirer des conclusions sur ce que serait, ou non, une prime manifestement exagérée par rapport à un montant donné de revenus ou de patrimoine. En revanche, il apparaît qu’outre la situation financière du souscripteur au moment du versement des primes, les juridictions prennent en compte d’autres critères tels que l’utilité de l’opération pour ce dernier ou son âge.

En présence d’héritiers réservataires, il convient donc d’adopter une certaine prudence dans le choix des bénéficiaires, en particulier lorsque le contrat représente une part significative du patrimoine du souscripteur.

À cet égard, choisir la désignation bénéficiaire standard « mon conjoint, à défaut mes enfants, à défaut mes héritiers », proposée dans les bulletins de souscription de la plupart des contrats d’assurance-vie, peut s’avérer inopportune.

En effet, cette clause standard, en attribuant la totalité du capital au conjoint survivant, prive les enfants de tout droit dans le capital du contrat d’assurance-vie. Cette désignation peut donc s’avérer dangereuse car elle est susceptible d’entraîner une contestation des enfants sur le fondement des primes manifestement exagérées notamment si tous les enfants ne sont pas communs.

Pour protéger le conjoint sans léser les enfants, il peut être préférable de désigner le premier comme bénéficiaire en usufruit et les seconds comme bénéficiaires en nue-propriété. Avec une telle clause, et sous réserve que le quasi-usufruitier soit dispensé de faire emploi du capital et de fournir caution, les capitaux seront remis par l’assureur au conjoint survivant quasi-usufruitier qui pourra s’en servir comme s’il en était propriétaire. Les enfants nus-propriétaires seront quant à eux créanciers du quasi-usufruitier, créance qu’ils feront valoir dans la succession de ce dernier.

La désignation standard peut également être inopportune fiscalement. En effet, le capital transmis à l’époux ou au partenaire de PACS survivant via l’assurance-vie est certes exonéré de toute taxation mais c’est également le cas des sommes transmises hors de l’assurance-vie. En effet, rappelons que depuis 2007 les successions entre époux et entre partenaires de PACS sont exonérées de toute taxation.

Dès lors, il peut être préférable de privilégier d’autres voies pour protéger son conjoint et de réserver le bénéfice d’un contrat d’assurance-vie à des bénéficiaires qui seraient taxés plus lourdement s’ils recevaient des sommes équivalentes par succession.

A cet égard, rappelons qu’en application de l’article 990 I du Code Général des Impôts, les capitaux reçus par le bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie sont exonérés dans la limite d’un abattement de 152 500 €, puis sont taxés forfaitairement à 20% pour la part comprise entre 152 500 € et 852 500 € et sont taxés à 31,25% au-delà de ce montant.

Ces règles sont applicables aux capitaux reçus par chaque bénéficiaire au titre d’un contrat souscrit ou alimenté à compter du 13 octobre 1998 par un souscripteur-assuré âgé de moins de 70 ans au moment du versement des primes. Cette fiscalité et notamment l’abattement de 152 500 € peut inciter à multiplier le nombre des bénéficiaires et, par exemple, à attribuer une partie du capital aux petits-enfants.

S’agissant des primes qui seraient versées après 70 ans, rappelons qu’elles sont soumises, en application de l’article 757 B du Code Général des Impôts, aux droits de succession suivant le lien de parenté entre le souscripteur-assuré et le bénéficiaire au-delà d’un abattement de 30 500 €. Cet abattement est unique quel que soit le nombre de contrats souscrits et le nombre de bénéficiaires désignés. L’intérêt de souscrire un contrat d’assurance-vie après 70 ans apparaît donc plus limité même si, en fonction du rendement obtenu, les intérêts exonérés peuvent au moment du décès représenter une part significative du capital versé aux bénéficiaires.

Enfin, rappelons que les capitaux décès dus au titre des contrats souscrits et des primes versées avant le 13 octobre 1998 par un souscripteur-assuré alors âgé de moins 70 ans demeurent totalement exonérés de fiscalité successorale.

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Voir aussi : https://latribune.lazardfreresgestion.fr/economie-lettre-de-la-gestion-privee-3eme-trimestre-2022/

L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 18 juillet 2022 et est susceptible de changer.

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