Perspectives économiques et financières – 2ème semestre 2017

La croissance économique atteint son plus haut niveau depuis 2010 et les indicateurs d’activité permettent d’espérer une poursuite de la tendance. En l’absence de facteurs endogènes de retournement du cycle, les principaux risques pour l’expansion économique actuelle sont à chercher du côté de la politique, notamment aux États-Unis. Le renforcement de l’euro, justifié par l’amélioration des perspectives dans la zone euro, ne devrait pas remettre en question la reprise économique de la zone. La bonne tenue de la conjoncture mondiale devrait amener les banques centrales à poursuivre la normalisation progressive de leur politique monétaire malgré la faiblesse de l’inflation qui n’est probablement que temporaire. Les taux longs devraient ainsi continuer de remonter progressivement. Les marchés actions devraient continuer à bénéficier d’une bonne croissance des résultats dans ce contexte économique porteur.

 

 

Combien de temps l’expansion actuelle de l’économie américaine peut-elle durer ?

Notre grille d’analyse de l’économie américaine (voir graphique 1) nous invite à penser que la prochaine récession aux États-Unis est encore lointaine, même si les ouragans pourraient quelque peu peser sur la croissance à court terme. La baisse du chômage n’a pas encore généré de franche accélération de l’inflation, ce qui fait que la politique monétaire reste accommodante et qu’elle ne freine pas l’activité. En outre, on n’observe pas de durcissement des conditions financières et les signaux envoyés par les indicateurs traditionnels du cycle économique (composantes nouvelles commandes des indices ISM, …) restent positifs. En réalité, on observe plutôt une reprise. La baisse du prix du pétrole et le moindre stockage avaient beaucoup pesé sur l’activité en 2015-2016 mais ces deux facteurs sont désormais plus favorables (voir graphique 2). L’investissement a commencé à se redresser, notamment dans l’exploration pétrolière, et le rythme de stockage s’est normalisé. En l’absence de facteurs endogènes de retournement du cycle, les principaux risques pour l’expansion économique actuelle nous semblent à chercher du côté de la politique. Certains sujets pourraient créer un choc de nature à arrêter l’expansion, comme la Corée du Nord ou encore une augmentation unilatérale des droits de douane. D’autres pourraient accélérer la fin du cycle économique, en particulier la réforme fiscale voulue par Donald Trump, car elle pourrait amener la banque centrale à remonter ses taux plus rapidement.

Quel impact de la hausse de l’euro sur la croissance de la zone euro ? L’appréciation va-t-elle se poursuivre ?

La croissance de la zone euro semble s’installer sur un rythme supérieur à 2,0% (voir graphique 3) et nous pensons que la hausse de l’euro sur les derniers mois ne devrait pas enrayer cette dynamique favorable, principalement car l’accélération de la croissance est liée à la demande domestique. La croissance mondiale nous semble beaucoup plus importante que le taux de change de l’euro pour expliquer la croissance des exportations de la zone euro. à long terme, nous pensons que la monnaie unique devrait continuer de se renforcer contre le dollar. En effet, l’eurodollar reste en dessous du niveau égalisant les pouvoirs d’achats (autour de 1,30 ; voir graphique 4), la zone euro affiche un excédent courant élevé et la BCE va normaliser à moyen terme sa politique monétaire.

Toutefois, à plus court terme, le mouvement récent d’appréciation a peut-être été un peu rapide au regard du différentiel de taux courts entre les États-Unis et la zone euro (voir graphique 5). On ne peut pas exclure une correction. Selon nous, le principal risque pour la zone euro dans les prochains mois n’est pas l’appréciation de l’euro mais les élections italiennes, prévues au plus tard 70 jours après la fin de la législature actuelle, c’est-à-dire d’ici mai 2018. Le Mouvement 5 étoiles et le Parti démocrate sont très proches dans les sondages et Silvio Berlusconi, chef de file de la campagne pour Forza Italia, a évoqué l’idée d’une monnaie parallèle.

Quelle politique monétaire face à la faiblesse actuelle de l’inflation ?

Si l’on prend le cas des États-Unis, l’essentiel de la déception sur l’inflation provient des prix des services (voir graphique 6). Les biens sont aussi un facteur de désinflation, mais ils le sont depuis une quinzaine d’années. Une partie de cette faiblesse des prix des services peut s’expliquer par des facteurs d’offre, comme la récente guerre des prix entre les opérateurs téléphoniques. Mais la plus grande part s’explique par les salaires dont la croissance est faible (voir graphique 7). Cela reste une source d’interrogation pour les économistes et les banquiers centraux car le chômage atteint des niveaux historiquement bas, ce qui devrait en théorie se traduire par une accélération des salaires (relation de Phillips). Deux hypothèses peuvent être faites pour expliquer cette faiblesse des salaires. Premièrement, certains facteurs spécifiques, comme le vieillissement de la population ou la diminution des anticipations d’inflation, retardent la mise en route des mécanismes classiques au niveau des salaires. Par rapport aux cycles précédents, les salaires mettent juste plus de temps à réagir à la tension du travail mais ils vont finir par accélérer davantage. Deuxièmement, l’inflation ne réagit plus au marché du travail, notamment du fait d’une baisse du pouvoir de négociation des travailleurs. Dans le premier cas, les banques centrales vont progressivement durcir leur politique monétaire à mesure du redressement de l’inflation. Dans le deuxième, les banques centrales doivent revoir tout leur cadre d’analyse de l’économie pour passer d’un cadre liant chômage et inflation à un cadre liant chômage et conditions financières qui sont aujourd’hui très accommodantes, au risque de causer des bulles. Nous penchons plutôt pour la première hypothèse.

La Chine va-t-elle accélérer les réformes ?

La croissance chinoise s’est stabilisée au premier semestre, à un rythme supérieur à l’objectif de 6,5% que s’est fixé le gouvernement pour cette année (voir graphique 8). La consommation est bien orientée et les exportations redémarrent avec l’amélioration de la conjoncture mondiale. Le rebond des prix à la production dans l’industrie soutient les profits des entreprises et l’investissement privé se redresse. Dans ce contexte économique plus favorable, les autorités chinoises mettent l’accent sur le contrôle des risques d’instabilité financière. La banque centrale a resserré sa politique monétaire et le crédit ralentit, ce qui pourrait quelque peu peser sur la croissance au second semestre. Les premiers effets semblent déjà se faire sentir dans le secteur de l’immobilier. Bien qu’elle ralentisse, la croissance du crédit reste supérieure à la croissance nominale de l’économie (voir graphique 9) et, par conséquent, l’endettement continue d’augmenter. Il faudra voir dans quelle mesure le président chinois, Xi Jinping, accélère le processus de désendettement de l’économie après le congrès du Parti communiste chinois prévu à la mi-octobre. Cela dépendra en partie de la composition du prochain bureau politique et de son comité permanent. Dans le cas où Xi Jinping consoliderait son pouvoir, cela lui laisserait les coudées franches.

La reprise va-t-elle se poursuivre dans les autres pays émergents ?

Le climat des affaires dans les pays émergents s’est nettement redressé depuis les points bas atteints à la mi-2016 (voir graphique10), si l’on exclut un pays tel que l’Inde où il a été affecté par des facteurs spécifiques (démonétisation des grosses coupures et TVA unifiée). Le Brésil et la Russie sont sortis de récession, l’Afrique du Sud a renoué avec la croissance et les mesures de soutien des pouvoirs publics stimulent l’activité en Turquie. Avec la reprise de l’économie mondiale, on constate également une amélioration des exportations dans les pays d’Asie. Nous pensons que l’amélioration à l’œuvre dans les pays émergents devrait se poursuivre, à la faveur du Brésil et de la Russie, où le repli de l’inflation redonne des marges de manœuvre aux banques centrales et du pouvoir d’achat aux ménages (voir graphique 11). Les déséquilibres externes se sont réduits dans les pays qui présentaient des vulnérabilités en 2013 mais le risque politique est un facteur à surveiller dans certaines économies comme l’Afrique du Sud, où le parti au pouvoir devra désigner son nouveau leader en décembre 2017, et le Brésil, où le président doit encore obtenir le soutien du Congrès pour faire passer la réforme des retraites.


 

La normalisation des politiques monétaires devrait entraîner une remontée des taux longs souverains

La Fed va très prochainement commencer à réduire la taille de son bilan mais l’approche sera progressive et ne devrait pas entraîner de forte volatilité sur les marchés en tant que telle. En revanche, le positionnement extrême des investisseurs (voir graphique 12), à l’achat sur les obligations américaines à long terme, pourrait causer une forte remontée des taux s’il venait à s’inverser brutalement. En outre, les marchés ont intégré un scénario d’inflation durablement faible suite à la série de chiffres décevants de ces derniers mois alors que ceux-ci ne sont probablement que temporaires. Si ce scénario de remontée de l’inflation américaine se confirme, la Fed va probablement relever son taux directeur en décembre, ce qui n’est pas totalement intégré dans les cours. Au-delà de 2017, les attentes des marchés pour 2018 et 2019 sont selon nous trop pessimistes (à peine une hausse chaque année ; voir graphique 13) et la Fed va certainement vouloir continuer à remonter ses taux au rythme prévu dans le graphique des « dots » (trois hausses chaque année). Quant à la BCE, elle va prochainement annoncer sa stratégie de réduction d’achats d’actifs. Le discours de Sintra avait montré qu’elle estime que la direction à venir est celle d’une normalisation de la politique monétaire mais que ce processus ne se fera que de manière progressive et prudente. La BCE pourra ajuster de nombreux paramètres dans sa stratégie de réduction des achats de titres si elle estime que la hausse de l’euro devient pénalisante : date de début, durée, rythme de réduction des achats …

Le crédit financier et le crédit émergent nous semblent les plus attractifs

Le supplément de rendement offert par les émetteurs financiers de la zone euro est toujours très attractif (voir graphique 14) et les fondamentaux des banques continuent de s’améliorer. Le potentiel de réduction des marges de crédit sur le compartiment high yield est plus réduit mais le portage est également intéressant. En revanche, le niveau des marges de crédit sur la catégorie investment grade est probablement insuffisant pour compenser les effets de la hausse des taux que nous anticipons. Le crédit émergent devrait bénéficier de l’amélioration des fondamentaux et de la stabilisation des matières premières.

Le contexte est toujours porteur pour les marchés actions

Les indicateurs économiques sont toujours cohérents avec une croissance notable des profits macroéconomiques dans les pays développés (voir graphique 15) et les résultats 2017 sont attendus en nette progression un peu partout dans le monde.

Si la conjoncture se maintient, des révisions en hausse sont probables pour 2018. Le marché actions américain reste cher en absolu et par rapport à tous les autres marchés. Dans la zone euro, les niveaux de valorisation sont plus attractifs (voir graphique 16) et la hausse du marché actions est justifiée par les fondamentaux. Après plusieurs années où les prévisions des analystes, très optimistes en début d’année, sont revues en baisse de manière continue, les prévisions sont maintenues depuis un an, voire légèrement revues en hausse pour 2017. La force de l’euro a récemment pesé sur ce marché mais une appréciation durable n’est pas un facteur de sous-performance financière. Par exemple, entre 2003 et 2006, l’appréciation de l’euro n’avait pas empêché les sociétés industrielles européennes de rattraper leur retard de rentabilité par rapport aux américaines. Les marchés émergents et japonais sont également attractifs. La stabilisation du prix des matières premières est un facteur positif pour les émergents et, dans un contexte de forte croissance bénéficiaire, le marché japonais ne réagit plus uniquement à la devise.

 


 

L’opinion exprimée ci-dessus est datée du mois de septembre 2017 et est susceptible de changer. Données les plus récentes à la date de publication

 

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