RALENTISSEMENT SANS DOUTE PASSAGER DE LA CROISSANCE ET DE L’INFLATION
La BCE a sans surprise maintenu le statu quo sur sa politique monétaire lors de sa réunion du 26 avril. Mario Draghi a reconnu que les dernières statistiques économiques décrivaient un ralentissement de l’activité dans la zone euro au premier trimestre, tout en soulignant qu’elles restaient cohérentes avec une poursuite de la reprise et une remontée de l’inflation.
Il a également indiqué qu’un fléchissement de l’activité était à attendre, après des chiffres de croissance très forts, et qu’il pourrait être amplifié par des facteurs transitoires tels que la météo, les grèves dans certains pays ou encore des effets calendaires.
En ce qui concerne la date de fin des achats d’actifs, Mario Draghi a déclaré que le Conseil des gouverneurs n’avait pas abordé les perspectives de politique monétaire lors de cette réunion. La BCE attend sans doute davantage d’informations avant d’agir, en particulier la mise à jour des prévisions économiques, en juin.
Les chiffres de croissance pour le premier trimestre, publiés après la réunion de la BCE, ont confirmé le ralentissement mis en évidence par les enquêtes de confiance. Selon l’estimation rapide d’Eurostat, ne contenant pas le détail des différents agrégats, la croissance dans la zone euro a ralenti à +1,6% en rythme annualisé, après +2,7% au quatrième trimestre 2017.
Par pays, la croissance a nettement ralenti en France (+1,0% après +2,8%) et en Allemagne (+1,2% après +2,5%). Elle a légèrement fléchi en Italie (+1,2% après +1,3%) et s’est stabilisée sur un rythme élevé en Espagne (+2,8%).
Les enquêtes PMI d’avril ont envoyé des signaux rassurants pour la conjoncture. Après deux mois de baisse marquée, le PMI composite pour l’ensemble de la zone s’est stabilisé à 55,2 en avril, un niveau cohérent avec une croissance supérieure à 2% en rythme annualisé.
En revanche, l’inflation dans la zone euro a marqué le pas en avril. En glissement sur un an, l’inflation sous-jacente est passée de +1,0% à +0,7% et l’inflation globale de +1,3% à +1,2%. Le repli semble toutefois lié au calendrier du week-end de Pâques et ne devrait être que temporaire.
VERS UN REBOND DE L’ACTIVITE
La croissance américaine a ralenti à +2,3% en rythme annualisé au premier trimestre, contre +2,9% au quatrième trimestre, selon la première estimation du BEA. Le consensus attendait un ralentissement plus marqué à 2,0%.
La décélération s’explique essentiellement par la consommation des ménages mais elle a nettement rebondi au mois de mars (+0,4%), après deux mauvais mois en janvier et février. Les ventes au détail du mois d’avril sont encourageantes (+0,4% hors éléments volatils). L’investissement résidentiel a fait du surplace, tandis que l’investissement des entreprises est resté très dynamique. La variation des stocks a également été un facteur de soutien.
Le commerce extérieur a apporté une contribution légèrement positive, reflétant à la fois une stabilisation des importations, après la forte hausse du trimestre précédent, et une croissance toujours solide des exportations.
En mars, la baisse des importations (-1,6% en volume) et la hausse des exportations (+2,9% en volume) ont permis au déficit commercial de se réduire de près de neuf milliards de dollars à 49 milliards, une variation mensuelle historiquement forte.
La dynamique favorable des exportations et de la consommation à la fin du premier trimestre sont de bon augure pour la croissance du deuxième trimestre. Les enquêtes ISM ont enregistré un repli marqué en avril mais demeurent sur des niveaux cohérents avec une croissance solide. L’indice du secteur manufacturier est passé de 59,3 à 57,3 et celui du secteur non-manufacturier de 58,8 à 56,8.
Les signaux envoyés par le marché du travail restent positifs. Les créations d’emplois ont rebondi en avril pour s’établir à 168 000 dans le secteur privé et celles du mois précédent ont été révisées en hausse (de 102 000 à 135 000). La baisse du taux de participation1 a permis au taux de chômage de baisser à 3,9% après six mois à 4,1%. Le salaire horaire s’est stabilisé à +2,6% sur un an mais l’indice trimestriel du coût de l’emploi, que la Fed regarde davantage, a progressé à son rythme le plus rapide depuis 2009 (+2,9% sur un an).
En dépit de la tension du marché du travail, les pressions inflationnistes restent modérées. L’inflation américaine hors énergie et alimentation avait nettement accéléré en mars, passant de +1,8% à +2,1% sur un an, mais cela s’expliquait par un effet de base favorable lié à la baisse des prix des télécommunications en mars 2017. Elle s’est stabilisée en avril.
L’ANNEE DEMARRE DU BON PIED
La croissance chinoise est restée stable à +6,8% sur un an au premier trimestre, un rythme supérieur à l’objectif du gouvernement pour cette année, fixé aux alentours de 6,5%.
La consommation a été particulièrement dynamique, portée par la progression toujours rapide des revenus réels (+6,6% sur un an). Elle explique les trois quarts de la croissance au premier trimestre et reste ainsi le premier moteur.
L’investissement a également été un facteur de soutien, tiré par un rebond des investissements dans le secteur de l’immobilier et une reprise de l’investissement privé. Les exportations sont restées bien orientées mais les importations ont été plus dynamiques. En conséquence, le commerce extérieur a contribué négativement à la croissance.
Grâce à ce bon chiffre de croissance au premier trimestre, le gouvernement est bien parti pour atteindre son objectif annuel. Les indices PMI d’avril ne montrent pas d’affaiblissement de l’activité à l’entame du deuxième trimestre : le PMI composite de Caixin est passé de 51,8 à 52,3 et celui du NBS de 54,0 à 54,1. Plusieurs facteurs de risques restent toutefois à surveiller.
Le ralentissement des activités de « shadow banking » se traduit par une modération des prêts accordés à l’économie (+12,0% sur un an en avril) et l’investissement public décélère en conséquence. En effet, les gouvernements locaux avaient traditionnellement recours à ce type de financements alternatifs pour leurs projets d’infrastructures. La bonne nouvelle est que l’investissement privé pourrait prendre le relais si l’amélioration venait à se confirmer dans les prochains trimestres.
Le ralentissement du crédit se traduit également par un affaiblissement des ventes de logements qui pourrait in fine se répercuter sur l’investissement en immobilier. Un ajustement de même ampleur qu’en 2014-2015 semble néanmoins peu probable. Le dynamisme des ventes en 2015-2016 a permis une diminution du stock de logements à vendre et la bonne progression des prix de l’immobilier est un facteur de soutien (+5,3% sur un an en avril) à l’investissement.
Enfin, les mesures protectionnistes envisagées par les Etats-Unis posent un risque pour les exportations et la croissance. Mais si ces mesures étaient mises en œuvre, leur impact macroéconomique serait sans doute limité du fait de la possibilité de trouver des substitutions et de la moindre dépendance aux exportations : en près de dix ans, le poids des exportations dans le PIB chinois a presque été divisé par deux (20% en 2017).
L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 15 mai 2018 et est susceptible de changer.
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