LA CROISSANCE CALE
La croissance dans la zone euro a nettement ralenti au T3 2018, ressortant à +0,7% en rythme annualisé après +1,8% au T2 2018, un rythme décevant par rapport au consensus et aux indices PMI qui laissaient espérer une croissance à peu près stable avant la baisse d’octobre. Cette déception s’explique principalement par l’Allemagne et l’Italie. La croissance a rebondi en France (+1,7% après +0,7%) et elle est restée solide en Espagne (+2,2% après +2,3%).
En Allemagne, le PIB a baissé de 0,8% en rythme annualisé au T3 2018, après une hausse de 1,8% au T2 2018. Il s’agit de la première contraction de l’activité depuis le T1 2015. Le détail du PIB n’est pas encore disponible mais l’office des statistiques a indiqué que le repli était lié principalement au commerce extérieur, du fait d’un repli des exportations et d’une hausse des importations.
Ce choc sur l’activité s’explique probablement par les perturbations du secteur de l’automobile, liées à l’entrée en vigueur, le 1er septembre, de nouvelles normes pour les tests d’émissions de CO2. En effet, les chiffres des constructeurs de voitures montrent une baisse d’environ 20% de la production au T3 2018, en rythme non annualisé. Le secteur représentant environ 5% du PIB allemand, on obtient grossièrement un impact de 1 point de PIB.
Les statistiques d’octobre montrent un rebond du fait de l’homologation progressive des modèles dans les nouvelles normes, laissant espérer une accélération de la croissance au T4 2018. D’autant que les indices PMI sont cohérents avec une croissance comprise entre 1% et 1,5%, malgré un repli sur les derniers mois.
En Italie, la croissance a ralenti à +0,1% en rythme annualisé au T3 2018, contre +0,8% au T2 2018, son plus bas niveau depuis le T4 2014. Si le détail n’a pas encore été publié, l’office des statistiques indique que tous les grands postes de la demande ont eu une contribution nulle. La forte baisse des indices PMI en octobre laisse envisager une poursuite de la dégradation. Le PMI composite a perdu 3,1 points sur le mois pour repasser sous les 50 à 49,3, un niveau cohérent avec une contraction de l’activité.
Ce ralentissement économique complique la donne pour le gouvernement italien, l’objectif d’un déficit budgétaire de 2,4% du PIB en 2019 reposant sur une croissance de 1,5%. La commission européenne a publié ses propres prévisions affichant en 2019 un déficit de 2,9% pour une croissance de 1,2%. Cela fait que le déficit budgétaire dépasserait les 3,0% en 2020. Dans ce contexte, Bruxelles a ouvert la voie à une procédure de déficit excessif qui pourrait aboutir à des sanctions financières. La décision finale revient au Conseil européen qui pourrait se prononcer lors de sa réunion de décembre.
SECTEUR RESIDENTIEL A SURVEILLER
La croissance américaine est restée solide au T3 2018, ressortant à +3,5% en rythme annualisé après +4,2% au T2 2018. Elle a été soutenue par une consommation des ménages toujours dynamique (+4,0% après +3,8%), la consommation publique, en lien avec la relance budgétaire, et l’augmentation du stockage.
A l’inverse, elle a été pénalisée par le commerce extérieur, la hausse des importations (+9,0%) s’accompagnant d’une baisse des exportations (-3,5%), et l’investissement (-0,3%), du fait d’un ralentissement de l’investissement non résidentiel (+0,3% après +8,7% au T2 2018) et d’un troisième trimestre consécutif de baisse de l’investissement résidentiel (-4,0%).
Les statistiques relatives à la construction montrent une poursuite du ralentissement dans le secteur au début du T4 2018. Les permis de construire et les mises en chantier de maisons individuelles ont baissé de respectivement 0,6% et 1,8% en octobre et l’indice NAHB de confiance des constructeurs de maisons a enregistré en novembre sa plus forte baisse mensuelle depuis le mois de février 2014 (-8 points à 60) pour revenir sur ses niveaux de l’été 2016.
La diminution du pouvoir d’achat des ménages sur le marché de l’immobilier depuis le début de l’année explique sans doute une partie du ralentissement. L’indicateur de l’association nationale des agents immobiliers le mesurant, qui tient compte de l’augmentation des revenus, des prix et des taux hypothécaires, est au plus bas depuis 2008. Ceci dit, il reste très supérieur au niveau qui prévalait en 2006, durant la précédente bulle immobilière.
Dans un marché qui reste sain, avec notamment un stock de logement à vendre encore très bas et une situation financière des ménages plus favorable que par le passé, le ralentissement en cours dans le secteur de l’immobilier n’est pas encore inquiétant. Toutefois, celui-ci pouvant être un signe avant-coureur de récession, il doit être surveillé attentivement.
Pour l’instant, les enquêtes ISM demeurent sur des niveaux cohérent avec une croissance toujours solide malgré un affaiblissement en octobre (57,7 dans le secteur manufacturier et 60,3 dans les services). Le rebond des créations d’emplois du secteur privé en octobre (+246 000 après +121 000) est rassurant et le salaire horaire a accéléré au-dessus de 3% pour la première fois dans ce cycle. La situation favorable sur le marché du travail devrait rester un soutien à la consommation. La publication des ventes au détail d’octobre (+0,3% hors éléments volatils) indique qu’elle est bien orientée.
DES RISQUES BAISSIERS SUR LA CROISSANCE
La croissance chinoise a ralenti au T3 2018 pour s’établir à +6,5% sur un an, contre +6,7% au T2 2018. Le détail des composantes de l’offre montre que le ralentissement est lié au secteur manufacturier (+6,0% après +6,6%) et à la construction (+2,5% après +4,0%). La croissance a légèrement accéléré dans le secteur des services (+7,9% après +7,8%) qui représente désormais 52% du PIB.
La publication des chiffres d’activité d’octobre fait état d’une légère accélération de la production industrielle (+5,9% après +5,8%), grâce à un rebond de la production manufacturière (+6,1% après +5,7%) et de la production dans les secteurs liés aux infrastructures, comme l’acier et le ciment. La production d’automobiles a continué de ralentir (-0,7% après +0,7%).
Ces évolutions se retrouvent du côté de la demande intérieure. En effet, on constate depuis deux mois un rebond de l’investissement dans les infrastructures (+6,7% après -2,0%). Après un net ralentissement depuis le début de l’année, il semble avoir passé le creux de la vague. On constate également une diminution de la demande d’automobiles cette année.
Toutefois, celle-ci n’est pas à l’origine du ralentissement des ventes au détail en octobre (+5,8% après +6,6% en volume sur un an), la contraction des ventes d’automobiles ayant ralenti. L’office des statistiques chinois mentionne des effets calendaires et indique que les ménages ont probablement reporté une partie de leurs achats dans l’anticipation de promotions à l’occasion de la journée des célibataires du 11 novembre.
Pour l’instant les échanges de marchandises sont dynamiques. Sur les dix premiers mois de l’année, les exportations sont en hausse de 12,6% et les importations de 21,4%. Néanmoins, les enquêtes PMI font état d’une nette dégradation de la composante des nouvelles commandes à l’exportation depuis la fin de l’été. A 46,9 en octobre, elle est au plus bas depuis trois ans, faisant craindre un ralentissement des exportations dans les mois à venir. Les enquêtes PMI composites se dégradent également.
Dans ses dernières perspectives de l’économie mondiale, le FMI estime que le relèvement par les Etats-Unis des droits de douanes sur les importations de produits chinois (à 25% sur 50 milliards d’importations et à 10% sur 200 milliards supplémentaires) pourrait avoir un impact significatif sur la croissance chinoise. En supposant que ceux-ci soient relevés en janvier, il l’estime à 0,6 point de PIB en 2019. Si Donald Trump venait à taxer la totalité des importations chinoises à 25%, il serait deux fois plus important.
L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 22 novembre 2018 et est susceptible de changer
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