ESG : TotalEnergies, loin des idées reçues
Depuis déjà plusieurs années, TotalEnergies s’éloigne de son image de major du pétrole pour devenir un acteur de la transition énergétique. Parmi ses spécialités : l’éolien, le solaire, mais aussi l’hydrogène et le biogaz. Son Président-Directeur général, Patrick Pouyanné, était l’invité du Forum ESG organisé par Lazard Frères Gestion le 5 avril 2022.
Depuis le déclenchement de la guerre en Ukraine, TotalEnergies se trouve au cœur de l’actualité. L’entreprise est en effet indirectement présente en Russie, où elle possède des participations dans trois sociétés non contrôlées par l’Etat : 19,4% de Novatek, 20% de Yamal LNG et 10% d’Arctic LNG 2. Dans le cadre des sanctions à l’encontre du pays, TotalEnergies a préféré conserver ses participations plutôt que de procéder à leur vente ou leur radiation comptable (« write off »). Un choix expliqué par Patrick Pouyanné à l’occasion de cette conférence : d’une part, toute transaction relative aux actifs russes « est devenue interdite », d’autre part une radiation comptable aurait constitué une aubaine capitalistique pour les autres parties prenantes de ces projets. Loin, donc, d’exercer un quelconque moyen de pression en faveur de la stratégie européenne. La décision aurait surtout sanctionné les actionnaires de l’entreprise.
Plus généralement, TotalEnergies se trouve au cœur d’un enjeu stratégique devenu majeur pour l’Europe : celui de son approvisionnement énergétique. L’accord convenu avec les Etats-Unis pour augmenter les livraisons de gaz naturel liquéfié (GNL) en Europe sera ainsi exécuté par TotalEnergies, qui occupait déjà la place de premier exportateur de GNL américain avant le conflit russo-ukrainien. De même, l’entreprise a augmenté ses volumes d’extraction de gaz naturel en Europe du Nord pour répondre aux besoins du continent face au risque d’une rupture des livraisons de Russie.
Gaz : une énergie de transition
Ces sujets soulignent en filigrane que depuis déjà plusieurs années, TotalEnergies produit plus de gaz que de pétrole à puissance énergétique comparable. Le gaz est certes une énergie primaire, mais également une énergie « de transition » selon la récente classification de la Commission européenne, au même titre que le nucléaire. Et pour cause : les rejets de CO2 sont nettement plus faibles que ceux du charbon, et une partie de ce gaz peut être produite de manière durable.
Ainsi TotalEnergies développe son expertise en biogaz, produit à partir de biomasse (déchets) malgré des rendements encore limités. L’entreprise est également présente sur le segment de l’hydrogène : le procédé de synthèse est certes producteur de CO2, mais ce dernier est capté pour aboutir à une production d’hydrogène neutre en carbone (hydrogène « bleu »).
Un avenir tourné vers l’électricité d’origine renouvelable
En-dehors du gaz, TotalEnergies se développe également sur le segment de l’électricité d’origine renouvelable : « L’autonomie énergétique européenne dépend des énergies renouvelables, et si l’on veut atteindre cette autonomie, il faut faire les choses en grand » expliquait Patrick Pouyanné lors de son intervention. L’enjeu est de taille : pour limiter le réchauffement climatique, la communauté scientifique (GIEC notamment) plaide pour que 80% de l’énergie produite à l’échelle mondiale soit d’origine renouvelable d’ici 2050. Un véritable défi technique impliquant de lourds investissements : à titre d’exemple, en France, seulement 19% de l’énergie consommée en 2020 était d’origine renouvelable.
TotalEnergies se développe donc dans le domaine de l’éolien (terrestre et maritime) et du solaire, tout en mettant sur pied des centrales à gaz, simples à démarrer ou arrêter, de manière à compenser l’intermittence des énergies renouvelables. L’objectif du groupe est d’augmenter sa production énergétique de 30% d’ici 2030, dans un contexte de croissance démographique mondiale. Cette hausse de la production proviendra pour moitié d’électricité d’origine renouvelable, et pour moitié de la production de GNL. À l’inverse, la production de pétrole de TotalEnergies sera volontairement amenée à stagner au cours des 10 prochaines années, puis à décroître au profit des biocarburants, tout en prenant garde à ne pas pénaliser le secteur alimentaire.
Profits et dividendes au rendez-vous
Pour atteindre ses objectifs, la société dispose d’un atout : son « modèle intégré », qui lui offre une importante capacité d’autofinancement. Les investissements associés aux projets verts, qui se chiffrent en milliards d’euros, peuvent ainsi être financés par les autres activités de l’entreprise. Cette stratégie ne réduit pas la profitabilité du groupe, ni sa capacité à servir un dividende substantiel. « Total n’a pas baissé son dividende depuis 30 ans et l’augmentera de 5% au titre de l’année 2022 » a ainsi souligné Patrick Pouyanné, pour qui durabilité et rentabilité vont donc de pair. « Notre but est de fournir au plus grand nombre de personnes possible une énergie fiable, abordable et propre, avec un rendement durable et accru pour les actionnaires ». Y compris pour ses employés : deux tiers d’entre eux sont actionnaires-salariés, pour un montant total représentant 6,8% du capital du groupe.
La redistribution d’une partie des profits aux salariés entre dans le cadre des bonnes pratiques de gouvernance, mais aussi de la prise en compte des enjeux sociaux, un thème cher à l’énergéticien. En parallèle de son désengagement progressif du pétrole, le groupe travaille notamment à la reconversion de ses ingénieurs spécialisés dans ce domaine, dont l’activité est vouée à être réduite. Une fois de plus, son modèle de « compagnie multi-énergies » permet à TotalEnergies de faire face à ce sujet avec une certaine aisance : les ingénieurs modélisant des champs pétroliers peuvent par exemple être amenés à devenir des modélisateurs de « champs de vent » pour le secteur éolien. Une manière intéressante de répondre aux enjeux ESG qui continueront de rythmer, au cours des prochaines décennies, le quotidien du secteur énergétique.
* * *
Voir aussi : https://latribune.lazardfreresgestion.fr/patrimoine-lettre-de-la-gestion-privee-q2-2022/
L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 25 avril 2022 et est susceptible de changer.
Ce document n’a pas de valeur pré-contractuelle ou contractuelle. Il est remis à son destinataire à titre d’information. Les analyses et/ou descriptions contenues dans ce document ne sauraient être interprétées comme des conseils ou recommandations de la part de Lazard Frères Gestion SAS. Ce document ne constitue ni une recommandation d’achat ou de vente, ni une incitation à l’investissement. Ce document est la propriété intellectuelle de Lazard Frères Gestion SAS. LAZARD FRERES GESTION – S.A.S au capital de 14.487.500€ – 352 213 599 RCS Paris 25, RUE DE COURCELLES – 75008 PARIS.