Des signaux plus rassurants sur l’économie
Après des résultats décevants cet été, les créations d’emploi ont fortement rebondi en septembre pour atteindre 254 000, avec des révisions à la hausse pour les mois précédents. Le taux de chômage a baissé à 4,1%, contre 4,2% en août, et après avoir atteint un pic à 4,3 % en juillet. Il est probablement trop tôt pour conclure à un changement de tendance, et le rapport relatif au mois d’octobre pourrait être plus faible en raison de facteurs temporaires tels que les ouragans et la grève chez Boeing. Néanmoins le signal est favorable, et le risque d’un ralentissement brutal de l’économie américaine diminue à court terme.
Les données d’activité sont par ailleurs cohérentes avec une croissance solide au troisième trimestre à environ 3% en rythme annualisé. Les ménages américains continuent de soutenir la croissance et les ventes au détail suggèrent que la consommation est restée bonne en septembre. Alors que cette dynamique semblait surtout s’appuyer sur une diminution du taux d’épargne, celui-ci a été nettement revu à la hausse, passant de 2,9% en estimation initiale pour juillet à 4,9%, puis 4,8% en août. Par conséquent, le potentiel de consommation est plus important pour les trimestres à venir. Les enquêtes PMI d’octobre étaient également rassurantes pour la croissance.
Ces éléments positifs concernant l’économie américaine contrastent avec le message plutôt prudent du Beige Book de la Fed et de l’indicateur avancé du Conference Board. En septembre, Powell s’était appuyé sur la faiblesse du Beige Book pour justifier le mouvement de 50 points de base, et le dernier rapport d’octobre suggère que l’activité économique a stagné dans presque tous les districts.
Toutefois, avec des signaux plus favorables au niveau du marché du travail, les chances que la Fed baisse de nouveau ses taux de 50 points de base en novembre sont quasi nulles, d’autant plus que les derniers chiffres d’inflation sont un peu moins encourageants. L’inflation totale a continué de ralentir en septembre pour s’établir à +2,4 % sur un an, mais l’inflation sous-jacente est remontée à +3,3% sur un an.
Le marché anticipe avec certitude une baisse de 25 points de base en novembre, mais commence à se poser la question d’une nouvelle baisse de taux en décembre. Il n’attribue plus qu’une chance sur deux à ce scénario qui semblait pourtant acquis avant la publication du rapport sur l’emploi début octobre.
La réduction des attentes de baisses de taux de la Fed amène une nette remontée des taux d’intérêt à long terme. Les investisseurs semblent également intégrer la probabilité croissante d’une victoire de Trump aux élections du 5 novembre, celui-ci ayant une dynamique de plus en plus favorable dans les sondages et sur les sites de paris.
Une activité économique qui reste faible
Après une nette détérioration en septembre, le PMI de la zone euro est resté pratiquement stable en octobre à 49,7, ce qui indique une croissance faible au début du quatrième trimestre. La bonne nouvelle est que l’on observe des premiers signes d’amélioration dans le secteur manufacturier et en Allemagne, même si les indices PMI demeurent à des niveaux déprimés. La mauvaise nouvelle est que les indices PMI commencent à se détériorer dans le secteur des services et que la contraction s’accentue en France.
Les enquêtes nationales d’octobre ont globalement confirmé les signaux envoyés par les PMI concernant l’Allemagne et la France. En effet, l’indice IFO du climat des affaires en Allemagne a augmenté pour la première fois depuis quatre mois, tandis que l’indice INSEE du climat des affaires a marqué le pas en France, l’amélioration de la confiance dans les services étant plus que contrebalancée par une forte baisse de la confiance dans l’industrie.
Si ces mauvais signaux sur l’économie française se confirment, cela pourrait compliquer davantage les plans du gouvernement, qui a fondé son projet de loi de finances 2025 sur une hypothèse de croissance de 1,1%. Le Haut Conseil des finances estime déjà que cette prévision est un peu optimiste, compte tenu de la consolidation budgétaire, laquelle freinera l’activité. Le gouvernement vise en effet à réduire le déficit budgétaire à 5,0% du PIB l’an prochain, contre 6,1% cette année d’après ses dernières estimations. Cet objectif est particulièrement ambitieux, comme en témoignent les décisions de Fitch et de Moody’s de dégrader leurs perspectives sur la dette française de stables à négatives, pour tenir compte du risque pesant sur la capacité du gouvernement à adopter les mesures nécessaires à la réduction du déficit.
Sur une note plus positive, les chiffres de la confiance des consommateurs dans la zone euro ont continué de s’améliorer en octobre, laissant espérer une baisse du taux d’épargne qui a encore augmenté au deuxième trimestre pour atteindre 15,7%. Autre élément encourageant pour la conjoncture, l’enquête de la BCE auprès des banques indique une poursuite de l’amélioration du cycle de crédit au troisième trimestre. La demande de crédit des ménages et des entreprises augmente, alors que les conditions de crédit sont revenues proche de la neutralité, ce qui suggère que les effets restrictifs de la politique monétaire de la BCE commencent à s’estomper.
Lors de sa dernière réunion d’octobre, la BCE a sans surprise baissé ses taux directeurs de 25 points de base, portant le taux de dépôt à 3,25%. Christine Lagarde a justifié cette décision par des données renforçant la confiance de la BCE dans le fait que le processus de désinflation est sur la bonne voie, l’inflation étant repassée sous les 2% en septembre. Le discours pour la suite reste assez prudent, réaffirmant une approche guidée par les données. Les marchés obligataires intègrent une nouvelle baisse de 25 points de base en décembre, et une probabilité non nulle d’une baisse de 50 points de base.
Des mesures de relance suffisantes pour relancer la demande ?
La croissance du PIB chinois a légèrement rebondi au troisième trimestre, mais est restée modeste à 0,9% en rythme trimestriel, contre 0,5% au deuxième trimestre. Cela amène un ralentissement du glissement annuel, qui passe de 4,7% à 4,6%. Pour que les autorités atteignent leur cible de 5% cette année, il faudrait que le PIB progresse de plus de 2% en rythme trimestriel au dernier trimestre, ce qui n’est pas gagné.
Cela dit, la dynamique conjoncturelle était un peu plus favorable en septembre. En effet, la production industrielle a nettement rebondi sur le mois pour s’établir à 5,4% après 4,5% en glissement annuel. L’activité était également mieux orientée dans le secteur des services, la production passant de 4,6% à 5,1%. On observait également une légère amélioration au niveau de la demande intérieure, avec un rebond des ventes au détail et de l’investissement, atteignant respectivement 3,2% et 3,4%.
Surtout, les autorités chinoises semblent davantage déterminées à soutenir l’activité, avec une série d’annonces depuis fin septembre. Le pivot des autorités a débuté le 24 septembre avec un ensemble de mesures d’assouplissement monétaire, de soutien au marché de l’immobilier, et de soutien aux marchés actions. Cette inflexion de la politique économique a été entérinée deux jours plus tard lors d’une réunion du Politburo appelant à renforcer la politique budgétaire et à enrayer la chute du marché de l’immobilier. Ces annonces ont d’abord provoqué une forte hausse des marchés actions, suscitant l’espoir d’un vaste plan de soutien budgétaire, notamment pour relancer la consommation des ménages.
Toutefois, l’enthousiasme est retombé après que les conférences de presse des différentes instances n’ont pas fourni de détails clairs sur les mesures budgétaires à venir. Par ailleurs, les efforts ont surtout semblé se concentrer sur le renforcement des bilans des gouvernements locaux et des grandes banques publiques, plutôt que sur un soutien direct à la demande domestique. Ces mesures sont sans doute nécessaires pour améliorer la transmission de la politique économique (les gouvernements locaux n’ont pas toujours les moyens d’implémenter les directives et les banques sont très prudentes), mais leur impact sur la croissance pourrait prendre plus de temps à se matérialiser. De plus, les mesures ciblant le secteur immobilier semblent encore insuffisantes pour inverser la tendance baissière.
Dans ce contexte, la perspective d’un rebond durable de la demande domestique chinoise reste fragile. Le ralentissement du secteur de l’immobilier et les pressions déflationnistes restent des obstacles importants et l’incertitude est grande autour de l’évolution de la politique commerciale américaine après les élections.
Voir aussi: https://latribune.lazardfreresgestion.fr/point-conjoncturel-juillet-2024/
L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 31 octobre 2024 et est susceptible de changer.
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