Nette victoire de Trump, des questions sur l’impact économique
Alors que les sondages laissaient envisager des élections très serrées, la victoire de Donald Trump a été nette et s’accompagne d’une majorité au Congrès. Il aura donc les coudées franches pour implémenter les politiques qu’il a défendues pendant sa campagne (baisses d’impôts, dérégulation, augmentation des droits de douane, lutte contre l’immigration). Certaines sont favorables aux entreprises, mais toutes ne sont pas positives pour l’économie américaine.
En effet, si la perspective des baisses d’impôts et d’une dérégulation de certains secteurs pourraient soutenir la confiance des entreprises à court terme, les modèles économiques montrent que l’augmentation des droits de douanes et la lutte contre l’immigration pourraient avoir des effets très négatifs sur la croissance et l’inflation à moyen terme.
Il faudra voir comment la rhétorique de Donald Trump se transforme en actes politiques, mais celui-ci a fait des mesures douanières et migratoires deux éléments majeurs de son discours. Il semble peu probable qu’aucune action ne soit prise sur ces deux fronts. D’autant que les profils choisis pour diriger les ministères des affaires étrangères et de l’immigration sont partisans d’une ligne dure.
Par ailleurs, la mise en œuvre des mesures fiscales risquerait de mettre les finances publiques américaines dans une situation encore plus problématique. Le CFRB, un organisme budgétaire bipartisan, estime le coût budgétaire à environ à 2% par an en moyenne sur les prochaines années. Cela placerait le déficit à 8% du PIB et la dette publique sur une trajectoire encore plus haussière.
Dans ce contexte, la nomination de Scott Bessent au poste de Secrétaire au Trésor a été perçue comme un soulagement par les investisseurs. Il défend l’idée d’une réduction du déficit budgétaire par la croissance et une approche plus modérée que d’autres membres de la future administration sur la question des droits de douane. Cependant, il n’est pas dit qu’il ait la main sur les questions commerciales.
La relation de Donald Trump avec la banque centrale sera également un sujet à surveiller. Si les mesures migratoires et douanières sont mises en œuvre, leur effet inflationniste devra sans doute être pris en compte par la Fed. Dès lors, le risque d’un conflit entre un Président qui réclame des taux très bas et une banque centrale soucieuse de son indépendance pourrait se concrétiser.
En somme, les mesures voulues par Donald Trump pourraient avoir un impact économique important mais l’ampleur de ces mesures et leur calendrier sont incertains, rendant la trajectoire de l’économie américaine difficilement prévisible.
Les enquêtes PMI préliminaires de novembre indiquent que la croissance américaine reste bien orientée au quatrième trimestre, après s’être établie à +2,8% en rythme annualisé au troisième trimestre. En revanche, la situation sur le marché du travail est difficile à lire. Le rapport sur l’emploi d’octobre était très mauvais, mais il a été fortement perturbé par les tempêtes et la grève chez Boeing.
Un environnement politique compliqué
La croissance du PIB de la zone euro a surpris positivement au troisième trimestre, ressortant à +1,5% en rythme trimestriel annualisé, après +0,8% au deuxième trimestre. L’Espagne a conservé une solide dynamique avec une croissance de +3,4 %. En revanche, le PIB a quasiment stagné en Italie. Entre ces deux tendances, le PIB a augmenté de +1,5% en France et de +0,7% en Allemagne.
A contrario, les enquêtes PMI préliminaires de novembre se sont avérées décevantes, soulignant la fragilité de la reprise. L’indice composite de la zone euro est retombé en territoire de contraction à 48,1 après 50,0 en octobre, en raison d’une détérioration de l’activité dans les services et l’industrie.
Ceci dit, la dégradation des PMI au cours des derniers mois ne se retrouve pas dans les mêmes proportions dans les enquêtes nationales, même si celles-ci se dégradent aussi en France et en Allemagne, deux pays où les incertitudes politiques sont importantes.
En France, la procédure parlementaire du budget arrive à son terme et le gouvernement devrait dans les prochains jours recourir à l’article 49.3 de la Constitution pour faire passer les différents textes, avec le risque de se faire renverser, si le Rassemblement national soutenait une motion de censure, possibilité évoquée par Marine Le Pen.
En Allemagne, la coalition entre sociaux-démocrates, verts et libéraux a éclaté, entraînant des élections législatives anticipées prévues pour le 23 février 2025. Un nouveau gouvernement pourrait mener une politique budgétaire plus volontariste, mais il faudrait réunir une majorité des deux tiers au Bundestag pour modifier la règle du frein à l’endettement.
Par ailleurs, la réélection de Donald Trump ajoute de l’incertitude pour l’économie européenne. Les modèles économiques tendent à montrer un impact direct relativement limité des hausses de droits de douane sur l’activité en Europe, mais un impact indirect qui pourrait être plus fort via les effets de l’incertitude sur l’investissement des entreprises.
Cela représenterait un choc négatif pour une économie européenne dont le niveau de croissance est déjà faible. C’est pourquoi l’adoption de droits de douane dirigés contre l’Europe pourrait pousser la BCE à adopter une politique monétaire plus accommodante.
Certains faucons de la BCE comme Isabel Schnabel sont partisans d’une approche qui resterait graduelle, compte tenue d’une inflation encore élevée dans les services et des incertitudes entourant le niveau d’équilibre des taux d’intérêt. Cela dit, la question d’une accélération des baisses de taux de -25 à -50 points de base en décembre reste ouverte, le marché attribuant une probabilité de 60% à cette éventualité.
Stabilisation fragile
Les données d’activité d’octobre montrent une reprise de l’activité au début du quatrième trimestre, confirmant le signal envoyé par les enquêtes PMI. L’amélioration provient surtout de la consommation des ménages et du secteur des services. Les ventes au détail ont rebondi à +4,8% sur un an, aidées par le programme de subventions mis en place par le gouvernement pour soutenir l’achat de biens durables (appareils électroménagers, voitures …). La production de services a accéléré à +6,3% sur un an, avec notamment une amélioration dans le secteur de la finance, qui a pu bénéficier de la hausse des marchés actions. On observe également du mieux dans le secteur de l’immobilier, avec une moindre contraction des ventes de logements et des prix de l’immobilier. La dynamique était globalement stable dans l’industrie et au niveau de l’investissement.
Ces données sont rassurantes après deux trimestres de croissance faible. Néanmoins, la reprise de l’économie chinoise semble encore assez fragile. En effet, l’investissement dans le secteur de l’immobilier continue à baisser fortement et le stock de logement à vendre est toujours élevé. Dans ce contexte, il est peu probable que le secteur de la construction s’améliore rapidement. De plus, l’économie reste soumise à des pressions déflationnistes, avec des prix à la consommation en hausse de seulement +0,3% sur un an et des prix à la production en baisse.
Surtout, l’évolution de la politique commerciale américaine est une source majeure d’incertitude pour l’économie chinoise, le retour de Donald Trump faisant craindre une nouvelle guerre commerciale. Entre 2018 et 2019, il avait augmenté les droits de douanes sur les importations chinoises de 3% à 20% et menace désormais de les porter à 60% ou plus, un scénario qui s’avèrerait très coûteux pour la croissance chinoise. JP Morgan s’est livré à l’exercice et estime que l’impact pourrait varier entre -0,7 et -2,0 points de croissance sur quelques trimestres, selon les scénarios envisagés pour l’évolution de la devise chinoise, qui pourrait atténuer la hausse des droits de douane.
Une escalade des tensions commerciales avec les Etats-Unis inciterait les autorités chinoises à renforcer les mesures de soutien à l’économie. Les dernières annonces faites début novembre à l’issue de la réunion du parlement chinois ont déçu, faute d’un soutien marqué à la demande domestique. Les autorités ont principalement dévoilé un vaste programme de restructuration de la dette des gouvernements locaux qui seront autorisés à émettre 10.000 milliards de yuans d’obligations sur cinq ans pour rembourser une partie de leur dette hors bilan. L’objectif est de libérer des marges financières supplémentaires pour soutenir l’activité et d’améliorer la gestion des risques financiers en réintégrant une partie des passifs contingents dans les comptes publics.
Voir aussi: https://latribune.lazardfreresgestion.fr/point-conjoncturel-octobre-2024/
L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 28 novembre 2024 et est susceptible de changer.
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