PATRIMOINE | Donation avec réserve d’usufruit viagère ou temporaire ? | 3ème trimestre 2025


Donation avec réserve d’usufruit viagère ou temporaire ?

La donation avec réserve d’usufruit est très fréquemment utilisée par les parents ou les grands-parents pour organiser la transmission de leur patrimoine.

Les raisons qui conduisent le donateur à se réserver l’usufruit des biens donnés peuvent être multiples.

Le donateur peut évidemment souhaiter conserver les revenus ou la jouissance des biens transmis sa vie durant. C’est en particulier le cas lorsque la donation porte sur un bien immobilier. Le donateur souhaite continuer à occuper le bien – une résidence secondaire par exemple – ou à en percevoir les revenus s’il est loué.

Mais la réserve d’usufruit peut également être motivée par la volonté de conserver un contrôle sur le patrimoine transmis. C’est souvent un objectif des parents ou des grands-parents donateurs en présence de donataires jeunes. La réserve d’usufruit constitue pour le donateur l’assurance que le donataire ne pourra pas vendre les biens donnés et consommer le produit de la vente sans son accord. Rappelons en effet que pour vendre un bien dont la propriété est démembrée, usufruitier et nu-propriétaire doivent se mettre d’accord. Une réserve d’usufruit combinée à la constitution d’une société civile pour détenir les actifs dont la transmission est organisée, peut même permettre au donateur de conserver un contrôle total sur le patrimoine transmis.

La réserve d’usufruit est enfin souvent motivée par la recherche d’une économie fiscale par rapport à une transmission en pleine propriété. En effet, lors de la donation, seule la nue-propriété est taxée et lors de l’extinction de l’usufruit, c’est-à-dire le plus souvent lors du décès de l’usufruitier, l’usufruit rejoint la nue-propriété en franchise de droits de succession. Plus la donation avec réserve d’usufruit est consentie jeune et plus cette économie est importante.

La valeur de l’usufruit viager réservé par le donateur au moment de la donation est fixée par l’article 669 I du Code Général des Impôts (CGI) :

Ainsi, la nue-propriété d’un bien évalué en toute propriété à 1 000 000 € sera évaluée à 500 000 € si le donateur qui se réserve l’usufruit sa vie durant a 56 ans au moment de la donation.

Dans une telle situation, consentir une donation avec réserve d’usufruit aura permis de n’être taxé que sur la moitié de la valeur du bien puisqu’au décès de l’usufruitier, l’usufruit s’éteindra et le nu-propriétaire deviendra plein propriétaire sans avoir de droits de succession à acquitter.

En revanche, l’inconvénient est que l’enfant donataire ne pourra jouir du bien et en disposer qu’après le décès de l’usufruitier. La donation avec réserve d’usufruit permet donc au donateur de maîtriser la transmission de son patrimoine et d’en réduire le coût mais elle présente une utilité limitée pour le donataire.

Face à cette situation et en raison de l’allongement de la durée de la vie humaine, il arrive parfois que le donateur qui avait souhaité, au moment de la donation, se réserver l’usufruit des biens donnés souhaite, ultérieurement, renoncer à son usufruit pour que les biens donnés puissent être utiles au donataire et qu’il puisse en jouir ou en disposer sans attendre son décès.

Malheureusement, une renonciation à usufruit est assimilée à une donation et est taxée comme telle. Un parent qui souhaite abandonner l’usufruit sur un bien qu’il avait donné en nue-propriété à son enfant quelques années auparavant est donc contraint de payer à nouveau des droits de donation sur la valeur de l’usufruit abandonné déterminée en fonction de son âge à cette date.

Reprenons notre exemple et supposons que 15 ans se soient écoulés depuis la donation de la nue-propriété. Le parent donateur est désormais âgé de 71 ans. Son usufruit est donc valorisé à 30% de la valeur du bien en pleine propriété en application du barème de l’article 669 I du CGI. Des droits de donation devront être payés sur cette base en cas d’abandon d’usufruit. Au total, dans notre exemple, des droits auront donc été payés sur 50% de la valeur du bien au moment de la donation de la nue-propriété puis sur 30% de la valeur du bien, 15 ans plus tard, au moment de l’abandon de l’usufruit. Aussi, une partie de l’avantage fiscal qui était recherché au moment de la donation de la nue-propriété n’aura pas été obtenu.

La vente du bien dont la nue-propriété avait été transmise et la répartition du produit de la vente entre usufruitier et nu-propriétaire, chacun récupérant une quote-part du prix en pleine propriété, peut constituer une alternative à un abandon de l’usufruit. Toutefois, cette solution n’est pas non plus idéale en termes de transmission.  En effet, elle conduit à ce que de la pleine propriété soit récupérée par les parents ou grands-parents et générera donc, à terme, un supplément de droits de succession.

Afin d’éviter cet écueil, il peut être envisagé, lors de la donation de la nue-propriété, une réserve d’usufruit pour une durée fixe et non pour une durée viagère.

Un usufruit constitué pour une durée fixe est évalué, en application de l’article 669 II du CGI, à 23% de la pleine propriété par période de 10 ans sans fraction.  Cela signifie qu’un usufruit d’une durée de 3 ans et un usufruit d’une durée de 9 ans ont fiscalement une même valeur de 23%. De même, un usufruit d’une durée de 12 ans et un usufruit d’une durée de 18 ans auront tous les deux une valeur fiscale de 46% (2 périodes de 10 ans sans prorata).

Précisons toutefois que la valeur d’un usufruit fixe ne peut jamais dépasser celle de l’usufruitier viager qui constitue une évaluation maximale. Ainsi, alors qu’un usufruit d’une durée fixe de 12 ans est, en principe, évalué à 46% de la valeur de la pleine propriété, son évaluation sera plafonnée à 30% si le donateur qui se réserve cet usufruit à durée fixe est âgé de 73 ans. En effet, en application du barème de l’article 669 I du CGI, l’usufruit viager d’une personne ayant entre 71 ans et 81 ans est évalué à 30%.

Si, dans notre exemple, plutôt que de se réserver un usufruit viager, le donateur âgé de 56 ans s’était réservé un usufruit pour une durée fixe de 15 ans, l’usufruit réservé aurait été évalué à 46% de la pleine propriété. La nue-propriété transmise aurait donc été évaluée par différence à 54% de la pleine propriété, soit dans notre exemple à 540 000 €. Les droits dus lors de la donation de la nue-propriété auraient été à peine plus élevés qu’avec la réserve d’usufruit viagère et le donataire aurait récupéré à l’expiration du terme des 15 ans la pleine propriété du bien en franchise de droits.

Au moment de consentir une donation, les parents ou les grands-parents qui n’ont pas pour objectif de conserver la jouissance des biens transmis leur vie durant, mais qui souhaitent réduire le coût fiscal de la transmission et/ou conserver un contrôle sur le patrimoine transmis parce que les donataires sont encore jeunes doivent donc s’interroger sur l’opportunité de prévoir une réserve d’usufruit à durée fixe plutôt que viagère.

Opter pour un usufruit à durée fixe peut permettre de réduire le coût de la transmission tout en permettant au donataire de pouvoir disposer des actifs transmis avant le décès du donateur.

 

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Voir aussi :  https://latribune.lazardfreresgestion.fr/patrimoine-loi-de-finances-pour-2025-2eme-trimestre-2025/

L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 18 juillet 2025 et est susceptible de changer.

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