ENTRE NOUS | Intelligence Artificielle : entre promesses et réalité | 3ème trimestre 2025

Le 5 juin dernier, Lazard Frères Gestion organisait à Paris un événement dédié à l’intelligence artificielle en présence de Xavier Lazarus, cofondateur et président d’Elaia, et d’Anne Bouverot, dirigeante d’entreprise et envoyée spéciale du président de la République pour l’Intelligence artificielle.

Les deux experts ont livré leur vision du sujet en l’abordant sous plusieurs angles complémentaires : origines, limites, avancées récentes, enjeux environnementaux et souveraineté numérique notamment.

Aux origines de l’intelligence artificielle

En 2022, l’Intelligence est apparue comme une nouveauté aux yeux du monde entier. Pourtant, ce domaine de recherche est apparu depuis plus de 60 ans, pour ne pas dire depuis plusieurs siècles. On peut ainsi faire remonter les prémisses de l’IA à l’invention par Blaise Pascal, en 1642, de la première machine à calculer (la célèbre « pascaline »). Au XXème siècle, le mathématicien Alan Turing avait quant à lui théorisé que l’intelligence artificielle deviendrait mature dès lors que les réponses qu’elle serait en mesure de générer ne pourraient plus être clairement distinguées d’une réponse fournie par l’Homme. C’est précisément ce saut qualitatif qui a été franchi en 2022 par ChatGPT et, peu de temps après, par d’autres modèles d’IA.

L’un des éléments fondamentaux ayant permis de réaliser ce saut qualitatif est la discrète invention des « Transformers » par Google en 2017. Concrètement, il s’agit de fonctions mathématiques intégrées dans le cadre d’un réseau complexe – les fameux réseaux de neurones – permettant d’entraîner des modèles de grande taille sur des phrases, transformées en nombres sans perdre leur sens initial. Dès lors, les modèles de langage correctement entraînés peuvent répondre à une question en amorçant une phrase, puis en rajoutant à la suite les mots les plus probables pour créer une réponse cohérente avec les milliards d’informations digérées par le modèle. La mise au point des « Transformers » a fait l’objet de publications dans des revues scientifiques, rendant libre d’usage cette innovation fondamentale grâce à laquelle OpenAI est parvenue à mettre au point ChatGPT. D’autres modèles d’IA ont été développés en parallèle sur des technologies similaires, donnant lieu en quelques années à la naissance de DeepSeek en Chine, Mistral AI en France et bien d’autres modèles aux Etats-Unis.

Limites conceptuelles

La limite de l’intelligence artificielle reste qu’elle ne raisonne pas réellement, bien qu’elle simule à merveille le raisonnement humain. D’où un risque d’erreur, correspondant aux fameuses « hallucinations » de l’IA. Mathématiquement, ces hallucinations proviennent du fait qu’un modèle d’IA va en permanence chercher à prédire les résultats les plus probables pour formuler ses réponses. Or, les résultats les plus probables ne sont pas toujours les bons.

Cette limite de l’IA générative pose notamment un problème dans le secteur de la finance. Ainsi, à la question « Une IA générative peut-elle remplacer l’humain pour formuler des décisions d’investissement ? », la réponse reste actuellement « non ». Le contrôle des risques mis en place dans le secteur financier ne permettrait pas de réaliser une opération sur les marchés à partir d’une simple argumentation générée par IA, elle-même soumise à un risque d’hallucination.

D’autres secteurs, en revanche, se prêtent davantage à l’automatisation de l’IA. Les métiers de la Justice par exemple, qui nécessitent d’importantes recherches au sein d’un large corpus de textes pour identifier des cas de jurisprudences, peuvent fortement bénéficier de ses capacités. Dans le domaine informatique, la génération de code source se prête également aux capacités de l’IA, du fait que ce code repose sur un langage mathématique normé.

Travail et productivité

Le monde du travail est d’ailleurs l’un des domaines où l’intelligence artificielle a provoqué les changements les plus profonds au cours des deux dernières années. D’un point de vue macroéconomique, l’apport de l’IA s’avère particulièrement bénéfique en permettant des gains de temps et de productivité. D’un point de vue microéconomique en revanche, l’IA suscite fréquemment des craintes individuelles : « Mon travail va-t-il être remplacé par une IA ? Vais-je perdre mon emploi ? ». Les premières recherches menées en France montrent pourtant que les sociétés qui se sont emparées des sujets d’IA depuis deux ans ont eu tendance à créer davantage d’emplois qu’elles n’en ont détruits, notamment du fait qu’elles ont gagné en compétitivité et ont pu accélérer leur développement.

Environnement et énergie

Ces évolutions posent toutefois des questions en matière d’empreinte environnementale. Les modèles d’IA générative tels qu’ils existent de nos jours nécessitent d’importantes capacités de calculs et une forte consommation électrique. Au point qu’un réflexe éthique à adopter, avant d’interroger ChatGPT, est de se demander si la réponse recherchée ne pourrait pas se trouver tout aussi rapidement sur Google, voir idéalement en réfléchissant par soi-même.

Les acteurs de l’IA et du cloud, dont les besoins énergétiques ne cessent de croître, doivent par ailleurs tenir leurs objectifs en matière de réduction d’empreinte carbone. D’où leur intérêt pour l’installation d’infrastructures en France, qui dispose d’une forte proportion d’énergie nucléaire décarbonée dans son mix énergétique. Cette particularité explique notamment les 109 milliards d’euros de promesses d’investissements dans le domaine des datacenters annoncées à l’occasion du Sommet de l’IA des 10 et 11 février, dont plus de 20 milliards ont été confirmés à l’occasion du sommet Choose France du 19 mai.

Souveraineté numérique

La volonté française de prendre le sujet de l’IA à bras-le-corps est également liée aux enjeux en matière de souveraineté numérique. Force est de reconnaître que dans certains domaines, les Etats-Unis et la Chine disposent d’une longueur d’avance technologique désormais irrattrapable pour l’Europe, qui aura du mal à concurrencer des outils comme ChatGPT. L’apparition de DeepSeek en janvier a toutefois montré que des acteurs inattendus pouvaient surgir et rebattre en peu de temps les cartes du marché de l’IA.

L’une des pistes envisagées en Europe consisterait à développer une autre approche en matière d’intelligence artificielle, via le recours à des modèles spécialisés pour répondre aux besoins spécifiques de chaque industrie, ou générant des réponses légèrement plus incertaines sans dégrader significativement l’expérience des utilisateurs. À la clé : une approche plus sobre en matière de consommation énergétique, mais aussi plus efficace dans certains domaines face aux modèles américains ou chinois ayant quant à eux une vocation universelle.

Le sommet des 10 et 11 février qui s’est tenu à Paris a d’ailleurs été l’occasion d’annoncer l’initiative « EU AI Champions » regroupant 60 entreprises européennes de toutes tailles, pour travailler ensemble sur les enjeux de l’intelligence artificielle. Le but : encourager le partage des connaissances et la création de partenariats, enjeu clé pour parvenir à faire émerger des technologies et potentiellement un socle commun européen dans le domaine de l’IA.

La France conserve par ailleurs un atout dans ce domaine en raison de son excellente capacité à former des chercheurs et des mathématiciens. D’importantes recherches fondamentales ont ainsi lieu en France pour imaginer d’autres manières de construire une intelligence artificielle. L’une d’entre elles, faisant l’objet de recherches à l’ENS, consiste à comprendre et reproduire mathématiquement la manière dont un bébé parvient à percevoir le monde et à apprendre un langage, sans savoir lire ou écrire. Cette intelligence pourrait notamment provenir de son rapport à l’image et à la physique des objets : un objet lâché tombe, un verre posé sur une table ne passe pas au travers, etc. Un domaine de recherche prometteur venant nous rappeler que l’intelligence artificielle n’en est encore qu’à ses prémisses et n’a pas fini de nous surprendre.

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Les performances passées ne préjugent pas des performances futures. Les analyses et/ou descriptions contenues dans ce document ne sauraient être interprétées comme des conseils ou recommandations de la part de Lazard Frères Gestion SAS.

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Voir aussi : https://latribune.lazardfreresgestion.fr/lettre-de-la-gestion-privee-2eme-trimestre-2025-2/

L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 18 juillet 2025 et est susceptible de changer.

 

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