ENTRE NOUS | Lettre de la Gestion Privée Q1 2020

TAUX D’INTÉRÊT NÉGATIFS : UN REMÈDE PIRE QUE LE MAL ?

« Insensé (e) » : qui n’est pas conforme au bon sens, écrit le Littré. C’est  assurément le qualificatif parfait pour la politique monétaire  de la BCE qui a installé son taux référence en territoire négatif depuis le 10 septembre 2014… Cinq ans déjà !

TAUX D’INTÉRÊT, CROISSANCE ET RISQUE

Ces taux d’intérêt négatifs sont contraires au bon sens car ils sont la négation de la croissance : le principe du taux d’intérêt est que demain vaudra plus qu’aujourd’hui parce que celui qui emprunte fera mieux avec cet argent que celui qui le garderait sans rien en faire. De la Parabole des talents à l’esprit des Lumières, c’est bien la philosophie du progrès qui soutient l’existence des taux d’intérêt.

Ainsi, en prêtant son argent, le créancier prend le risque de ne pas être remboursé. Le taux d’intérêt rémunère ce risque, tout en tenant également compte de l’inflation. Installer et maintenir des taux négatifs, c’est nier la croissance, le risque et l’inflation.

UNE CROISSANCE FAIBLE MALGRÉ DES FINANCEMENTS ABONDANTS

Certes, la croissance de la zone euro est faible, mais est-ce en raison de difficultés de financements ? La croissance annuelle des crédits s’établit à plus de 3,5 % et la masse monétaire progresse beaucoup plus vite, autour de 5 % sur un an, que le PIB (+1,2 %) en 2019. Cette faible croissance économique doit plutôt être analysée comme le résultat de nos faibles gains de productivité (cf. graphique 1). Eux-mêmes renvoient au manque d’investissements, à la contraction durable du secteur manufacturier et à une innovation insuffisante qui renvoie à son tour au recul éducatif. En outre, les réglementations toujours plus nombreuses et les besoins d’une sécurité toujours plus élevée dévorent les gains réalisés, anéantis par une coûteuse complexité.

RISQUER DE DÉTRUIRE DE LA VALEUR

L’inflation est faible elle aussi, autour de 1,2 %, mais reste proche de sa moyenne depuis la création de l’euro dans les grands pays « core ». La déflation, qui se traduit par la baisse du niveau général des prix et des revenus, n’est pas une menace. L’objectif d’une inflation cible à 2 % semble être devenu un dogme qui dissimule l’inflation d’actifs – immobilier, obligations, private equity, actions cotées, or, art contemporain… – qui, eux, connaissent des hausses de prix que les fondamentaux n’expliquent pas toujours. Car tout est achetable à crédit, puisqu’il est possible de financer gratuitement ce qui ne rapporte rien…

Les taux négatifs permettent, en outre, de maintenir ou de développer des projets et des entreprises sans rentabilité en leur accordant la possibilité de se (re)financer à un coût qui n’a rien à voir avec une exigence normale de profitabilité ni donc avec le risque qui l’accompagne ! Ce sont ces fameux « business models disruptifs » qui ne créent pas de valeur mais qui détruisent – sans doute aussi en pesant artificiellement sur les prix – celle produite par les acteurs ayant des contraintes financières normales.

UNE ALLOCATION INEFFICIENTE DE L’ÉPARGNE

Les taux négatifs viennent ainsi bouleverser la hiérarchie efficiente des valeurs. Demain valant moins qu’aujourd’hui, l’épargne de précaution augmente en Allemagne comme en France – alors que le chômage baisse et se trouve à son plus bas niveau dans la zone euro depuis 2007 – sans pour autant venir financer aucun projet de prospérité. Le livret A atteint des niveaux records à près de 300 milliards d’encours (cf. graphique 2) malgré une rémunération ne couvrant pas la moitié de l’inflation.

Enfin, cette politique facilite le recours aux déficits issus de dépenses publiques excessives qui pèsent sur la création de valeur collective. L’État impécunieux est rémunéré en lieu et place de l’épargnant précautionneux !

Par ailleurs, les jeunes et primo-accédants voient la propriété immobilière inaccessible et les loyers monter. Une autre conséquence maintes fois commentée est la fragilisation des assureurs et l’affaiblissement des banques européennes (650 000 suppressions d’emplois en 10 ans) face à leurs concurrentes américaines, notamment.

RETROUVER LA RAISON POUR REDONNER CONFIANCE

Il est donc temps de mettre un terme à cette manipulation monétaire qui s’ajoute aux manipulations budgétaires encore amples et nombreuses dans la zone euro car la politique de taux négatifs porte en elle la déflation et la stagnation qu’elle prétend combattre. Madame Lagarde doit remettre le bon sens à la direction de la BCE pour que l’Europe retrouve confiance dans l’avenir et la croissance sans craindre la « mauvaise humeur » des marchés. Plus sera retardé le retour du bon sens, plus les effets délétères des taux négatifs feront de dégâts.

 

 

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