La lettre du Fixed Income – Bilan de février 2024

Environnement de marché

Février a été marqué par le rebond de l’inflation, laissant penser que le rythme de désinflation sera plus lent à présent. La Fed et la BCE ont réitéré leur message de patience, permettant aux taux courts de rebondir significativement sur le mois. Les taux à deux ans américains et allemands se tendent respectivement de 41_bps et 47 bps, à 4,62% et 2,90%, dans un mouvement d’aplatissement des courbes de 23 bps et 7 bps. À fin février, les marchés n’intègrent plus que 3 à 4 baisses de 25 bps de part et d’autre de l’Atlantique.

Aux Etats-Unis, l’indice CPI de janvier a confirmé moins de vigueur dans le processus de désinflation, notamment sur la partie « core » qui ressort à +0,4% sur le mois contre +0,3% le mois précédent, les composantes services et logement restant élevées. Le rebond des composantes « nouvelles commandes » et « emploi » de l’indice ISM illustre la robustesse actuelle de l’activité. Les minutes du dernier FOMC ont confirmé la patience de la Fed alors que les membres semblent prêts à discuter de la vitesse de réduction du bilan qui pourrait être engagée après le début des premières baisses de taux.

En zone euro, à l’exception de l’Allemagne où la dégradation marquée de l’activité dans le secteur manufacturier se poursuit, les chiffres préliminaires des PMI de février témoignent d’une moindre contraction de l’activité, notamment dans les services, avec des composantes emploi et prix toujours dynamiques. Les salaires pour le 4ème trimestre sont ressortis à +4,5%, après +4,7% au 3ème trimestre. C’est un élément encourageant pour la BCE, même si le niveau reste élevé. L’inflation de janvier est quant à elle ressortie à +2,8% avec une composante « core » à +3,3% en glissement annuel. Du côté des nouvelles émissions, la syndication d’une obligation à 30 ans du Trésor espagnol a recueilli des intérêts cumulés pour près de 83 milliards d’euros pour une taille finale d’émission de 6 milliards d’euros, témoignant du fort intérêt des investisseurs pour les parties longues de courbe.

Les minutes de la Reserve Bank of Australia ont révélé qu’une hausse de taux supplémentaire avait été évoquée, mais pas actée, probablement en raison des derniers chiffres d’inflation en net repli. L’évolution des salaires au 4ème trimestre est fidèle aux attentes de la RBA, à +4,2% en glissement annuel. Néanmoins, la persistance de l’inflation dans les services reste un sujet d’incertitude qui devrait maintenir une vigilance accrue des membres du conseil pour les mois à venir.

La Banque du Japon clarifie ses intentions à travers des déclarations du gouverneur adjoint S. Uchida qui a rappelé que l’institution relèverait ses taux de manière graduelle et que la fin de la politique de Yield Curve Control ne signifiait pas la fin des achats d’actifs. Ces propos précisent que l’institution se tient prête à relever ses taux dans les mois à venir, tout en gardant le contrôle de la vitesse de remontée des taux. Les taux à deux ans rebondissent de 10 bps à 0,18% sur le mois.

Évolution des taux souverains / indices de crédit

  1. Spread to call, en points de base.
  2. Source : Lazard Frères Gestion, au 29 février 2024. Performances exprimées en devise non couverte du risque de change. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures.

Crédit Corporate Investment Grade

Les marges de crédit se resserrent sur le mois pour les Senior (-8 bps) et pour les hybrides (-17 bps) dans un contexte de fortes tensions sur les taux en raison d’une inflation encore tenace et d’un report des anticipations de baisses des taux directeurs. Malgré un effet crédit positif, l’effet taux l’emporte sur la classe d’actifs qui termine le mois avec une performance négative de -0,99%. Tous les secteurs sont au resserrement à l’exception de la technologie, avec notamment la courbe de Teleperformance affectée par une présentation de la fintech suédoise Klarna. L’immobilier (Heimstaden Bostad, CPI Property, Balder) superforme pour le deuxième mois consécutif depuis le début de l’année. À l’inverse, le secteur de la santé a sous-performé (Bayer, Eurofins, GSK).

Le mois a été intense en résultats, qui étaient pour la plupart positifs. Ceux de Bouygues, Veolia, Stellantis, d’Eurofins et d’Edenred s’avèrent très solides. Michelin, Airbus, Safran, ADP, Essilorluxottica, Gecina et Klepierre ont également publié des chiffres convaincants. EDF a connu une hausse de ses résultats 2023 grâce à une meilleure production nucléaire et une réduction de sa dette nette, ayant un impact crédit positif. Les résultats d’ELO, accompagnés de l’annonce d’une augmentation de capital de 300 M€ pour le financement de l’acquisition des magasins Casino, n’ont pas convaincu face au risque de dégradation de sa notation (BBB- / perspective négative).

Moody’s relève la note de Stellantis à Baa1 avec une perspective stable, en ligne avec la notation de S&P. Cette notation prend en compte l’excellent profil de liquidité du groupe ainsi que l’amélioration significative de sa profitabilité et de ses métriques de crédit. S&P a amélioré la notation de Securitas (BBB- positif à BBB stable), qui a amélioré sa rentabilité et a généré de solides FCF. L’agence a également renforcé la notation de Siemens de A+ stable à AA- stable. La transformation réussie du portefeuille industriel de Siemens a entraîné une marge d’EBITDA plus élevée, une génération de trésorerie accrue et un profil de bénéfices moins volatile. EasyJet a également bénéficié d’une amélioration de sa note par Moody’s de Baa3 à Baa2 avec une perspective stable grâce à ses solides performances et un bon profil de liquidité. S&P relève la note d’Infineon Technologies de BBB à BBB+ avec une perspective stable. De son côté, Fitch a récompensé General Electric en faisant passer sa notation de BBB à BBB+ toujours avec une perspective stable.

Le marché primaire a été très actif avec 40 Mds€ d’émissions. Les formats durables ont représenté 20% des volumes. Siemens a présenté le plus gros primaire depuis 2021 avec une quadruple tranche (5, 8, 13 et 20 ans) pour 5 Mds€, Booking est venue émettre une quadruple tranche pour 2,75 Mds€ sur des maturités allant de 5 à 20 ans. Engie s’est également présentée avec une triple tranche 7 à 20 ans pour un total de 2 Mds€. Côté hybride, Enel a fait une nouvelle émission (Perp NC 5) pour 900M€ à 4,875% de rendement. Dans l’ensemble, les émissions ont été bien accueillies avec des taux de sursouscriptions autour de 4x et des primes faibles.

Crédit Corporate High Yield

La classe d’actifs a progressé de +0,40% en février, portée par un resserrement des primes de risque de -52bps qui a plus que compensé l’effet négatif de la hausse des taux souverains (+38bps sur le 5 ans allemand). Les facteurs techniques ont été bien orientés, avec des flux entrants sur la classe d’actifs attirés par le niveau de rendement élevé et une activité sur le marché primaire anémique (seulement 2,4Mds€). Dans ce contexte, les notations B surperforment le gisement grâce à la compression des spreads.

En termes sectoriels, tous les secteurs ont affiché des performances positives, sauf le secteur de la technologie qui est dans le rouge à cause d’Atos, affecté par la désignation d’un mandataire ad’hoc pour la renégociation de ses dettes. À l’opposé, le secteur de l’immobilier (Heimstaden, Balder) a été le mieux orienté. Les biens de consommation (Ontex, Upfield) surperforment également, tirés par de solides résultats publiés par Ontex. Les loisirs (Carnival, 888) progressent grâce au niveau de réservations élevé de Carnival.

Côté news, Kronos a finalisé l’opération d’échange sur ses obligations 2025 lui permettant d’allonger ses maturités court terme. Le coupon ressort à 9,50%, un niveau attractif pour un crédit qui se trouve au point bas de son cycle opérationnel, avec des perspectives d’amélioration. Gotham a publié un nouveau rapport mettant en cause la relation entre Grifols et Scranton (un véhicule de la famille fondatrice qui détient 8,4 % de Grifols). L’entreprise a dénié dans un communiqué les insinuations malveillantes, fausses et trompeuses de Gotham, qui ont pour seul objectif de déstabiliser le groupe, chacune des questions ayant déjà reçue une réponse. Catalent est racheté par le groupe pharmaceutique danois Novo Nordisk pour 11,5Mds€, ce qui porte la valorisation de Catalent à 16,5Mds€ et déclenchera la clause « Change of Control » à 101. Orange et Masmovil ont finalement reçu l’approbation de la Commission européenne pour leur fusion en Espagne, à condition de céder 60MHz de spectre à Digi et de lui offrir un accord d’itinérance nationale facultatif au prix du marché. Iliad a annoncé que Freya, un véhicule d’investissement détenu conjointement avec NJJ (la filiale de Xavier Niel), a conclu un accord avec Kinnevik pour acquérir environ 19,8% du capital de Tele2 pour un montant de 13Mds SEK (1,16 Md€). Cette transaction sera financée à hauteur de 500M€ par Iliad. SFR aurait présélectionné les fonds KKR et Macquarie pour le rachat de Xpfibre (société de fibre optique détenue à 50,01% par Altice). Bouygues a signé un accord d’exclusivité avec La Poste Telecom (détenue à 51% par La Poste et à 49% par SFR) pour acquérir 100% du MVNO pour environ 950M€. SFR recevrait environ 460M€ de cette opération. BC Partners envisagerait la vente de United Group, les acheteurs stratégiques intéressés comprenant Etisalat et Saudi Telecom. AMS a annoncé l’annulation inattendue d’un projet clé dans le cadre de sa stratégie principale de microLED. Le groupe prévoit une charge de dépréciation d’actifs de 600 à 900M€ sur la base d’une estimation préliminaire. Chemours a retardé la publication de ses résultats 2023 en raison de la nécessité d’une revue des contrôles internes sur ses rapports financiers. Dans le cadre de cette revue, la société a annoncé le départ de ses principaux dirigeants.

Côté notation, Moody’s relève la notation d’Empark à Ba3 avec perspective stable, reflétant le désendettement de la société et sa capacité à préserver des paramètres de crédit conformes à la notation Ba3. La perspective d’IGT a été upgradée à positive par S&P et Fitch, le profil de crédit étant renforcé grâce au produit de cession d’environ de 2,6Mds$ de son segment Global Gaming and PlayDigital. À l’opposé, Moody’s et S&P ont abaissé leurs notes respectives de B2 à B3 et de BB- à BB pour Intrum en raison d’indicateurs de crédit se dégradant. S&P a abaissé la notation d’Atos de deux crans à CCC assortie d’une perspective négative, reflétant la possibilité d’une détérioration supplémentaire en cas de manque de progrès dans les cessions d’actifs alors que la liquidité diminue. La perspective de Virgin Media O2 a été revue à la baisse, de stable à négative, en raison des ventes et de l’EBITDA plus faibles que prévus pour 2024. La perspective de Kem One a été abaissée par Moody’s à cause de la faiblesse de la demande du PVC et des dépenses d’investissement élevées qui pèsent sur la génération de trésorerie.

Dettes financières

Au mois de février, la performance fût neutre voire légèrement négative pour la classe d’actifs, uniquement en raison de taux plus élevés qui ont augmenté de +13 à +48 points de base selon la devise et les maturités.

De meilleures données macroéconomiques et quelques légères surprises négatives sur l’inflation expliquent ce mouvement, avec désormais moins de baisses de taux prévues sur les marchés. Les spreads se sont resserrés de -11bps pour la dette Senior, -16bps pour le Tier 2 IG et entre -18 et -25bps pour les AT1, qui ont surperformé le reste de la structure de capital avec une performance de -0,1% à +0,2%, alors que la dette Senior affiche -0,6% et les banques Tier 2 IG terminent à -0,2%. La dette subordonnée des assureurs a également surperformé avec une performance de -0,2%.

Le marché primaire a été actif en février avec environ 41 milliards émis ce mois-ci (en ligne par rapport à 2023).

Onze instruments ont été émis le mois dernier pour 9,3 milliards, avec sept AT1 ($ ING 8%, $ UBS 7,75%, $ Swedbank 7,75%, $ BNP 8%, € ABN Amro 6,875%, £ Investec 10,5%, $ Standard Chartered 7,875%) et quatre Tier 2 callable (Danske Bank, BPCE, SEB, Natwest).

Les calls et refinancements sont très avancés pour le millésime 2024, avec environ 62% des Tier 2 et AT1 callable en 2024 déjà callés ou refinancés, sans aucun non-call jusqu’à présent.

La saison des résultats pour les banques est très avancée et la plupart publie des bénéfices records pour 2023, grâce à une forte hausse des revenus, notamment le revenu net d’intérêts. Les assureurs publient de bons résultats sans briller autant que les banques.

Nous avons constaté une certaine volatilité en début de mois en raison de préoccupations sur les expositions à l’immobilier commercial (CRE). Cela a commencé avec une banque américaine, NYCB, qui a été sous pression en raison de son exposition élevée aux logements locatifs, puis avec une banque japonaise, Aozora Bank, qui a pris des provisions importantes pour couvrir son portefeuille CRE américain. Les deux entités ont des ratios de capitaux faibles et la prise de provisions supplémentaires était absolument nécessaire, même si leur situation est très spécifique. Nous avons ensuite eu une contagion à une banque allemande, Deutsche Pfandbriefbank (PBB), sous pression car il s’agit d’un acteur spécialisé dans le CRE. La réaction du marché était exagérée par la petite taille de la banque et le manque de liquidité de ses obligations. Des provisions supplémentaires seront nécessaires, mais ses ratios de capitaux sont deux fois plus élevés que ceux de NYCB ou Aozora Bank.

Nous continuons de voir des améliorations de notation, avec Sabadell rehaussé par S&P à BBB+ contre BBB et Permanent TSB rehaussé par Fitch de BB+ à BBB-. Unipol est placé sous surveillance en vue d’une amélioration de crédit avec Moody’s après avoir annoncé la fusion entre ses entités Holdco et Opco.

Perspectives

Environnement de marché

  • Le rebond de l’inflation sur le mois dans les principales économies laisse supposer que le rythme de désinflation sera plus lent à présent. Aux Etats-Unis, la probabilité d’un scenario de « no landing » a augmenté en ce début d’année avec des données économiques supposant une potentielle réaccélération de l’économie. Le processus de désinflation est néanmoins amorcé : la Fed et la BCE devraient être en capacité de commencer à baisser leurs taux à partir de la fin du premier semestre 2024.
  • La matérialisation du risque de rebond de l’inflation dans un contexte de marché du travail toujours tendu s’est traduite au cours des premiers mois par l’annulation d’un certain nombre d’anticipations de baisses de taux. Le pricing du marché a convergé vers le niveau des DOTS évoqué par la Fed, totalisant trois baisses de 25bps en 2024. À fin février, les marchés n’intègrent plus qu’entre trois et quatre baisses de 25bps de part et d’autre de l’Atlantique.
  • En zone euro, l’activité a été une fois de plus résiliente dans les services. L’économie sort progressivement du ralentissement observé lors des derniers mois. Les membres de la BCE ont continué d’appeler à la patience. Les salaires publiés pour le 4ème trimestre à 4,5% (après 4,7% au 3ème trimestre) constituent un élément déterminant dans le changement de cap à venir de la BCE. Nous surveillerons avec attention la revue de la BCE de sa policy framework le mois prochain, qui pourrait être annonciatrice d’une plus grande flexibilité dans la gestion de son bilan.
  • En Chine, l’immobilier continue de corriger. La BPoC a procédé à un abaissement du taux de prêt de 25bps à 3,95%.
  • Sur le crédit, les dernières publications de résultats sont restées correctes à la fois pour les banques et les entreprises. Les flux restent toujours bien orientés notamment sur le crédit à haut rendement. En termes de valorisation, le potentiel de resserrement des spreads de crédit paraît limité. Néanmoins, la perspective de baisses de taux des banques centrales restera un facteur de soutien pour la classe d’actifs.
  • Dans ce contexte, nous privilégions le crédit offrant un portage attractif sur les maturités courtes à intermédiaires, notamment sur le haut rendement et les dettes subordonnées financières.

Positionnement

  • Duration : Long US et Zone Euro via les parties courtes de courbe. Neutre à sous-pondération tactique sur les parties longues – Sous-pondération Japon 10Y.
  • Crédit : Surpondération du haut rendement et des dettes subordonnées, neutre IG
  • Maturité : Préférence pour les maturités courtes à intermédiaires
  • Secteur : Banques, télécoms, santé, chimie.

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Document achevé de rédiger le 29 février 2024.

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