Environnement de marché
Le mois de décembre a été marqué par la poursuite du processus de désinflation permettant aux investisseurs d’anticiper plusieurs baisses de taux des banquiers centraux dès 2024. A fin décembre, les marchés intègrent près de six baisses de taux de 25bps de part et d’autre de l’Atlantique. Les taux à 10 ans américains, allemands et anglais se détendent de 45 bps, 42 bps et 64 bps à respectivement 3,88%, 2,02% et 3,54%.
Aux Etats-Unis, les taux ont poursuivi leur baisse sous l’impulsion de la Réserve Fédérale (Fed) et du ralentissement des chiffres d’inflation de novembre. La Fed a laissé ses taux inchangés à 5.25%-5.50%, mais a clairement indiqué que les taux avaient atteint leur sommet. J. Powell a acté le ralentissement en cours de l’inflation et a validé un pivot des taux en 2024. Les anticipations des « dot plots » établis par les membres du FOMC ont indiqué trois baisses de taux de 25 bps en 2024 et 4 baisses de 25 bps en 2025.
En zone euro, la BCE a laissé ses taux inchangés et s’est montrée prudente en maintenant sa communication envers un maintien des taux à un niveau élevé pour une période prolongée. L’institution reconnaît la baisse de l’inflation, mais elle ne baissera pas la garde pour autant. L’indice d’inflation pour novembre a été revu à la baisse de 0,1% à -0,6% sur le mois. L’inflation sous-jacente est revenue à 3,6% en glissement annuel. C. Lagarde prévoit une reprise de la croissance en 2024 avec un revenu réel en augmentation qui soutiendra la consommation. Par ailleurs, elle a fait part de son intention de réduire les réinvestissements du PEPP à partir du second semestre 2024. Les ministres des finances des Etats membres de l’UE ont trouvé un accord concernant de nouvelles règles budgétaires, qui accorde plus de flexibilité aux Etats pour réduire leur déficit et leur dette en contrepartie d’investissements dans la transition énergétique ou la défense. À ce stade, cet accord n’est pas encore adopté par le parlement européen.
De son côté, la Banque d’Angleterre a maintenu ses taux directeurs à 5,25% et la publication de l’indice CPI de novembre a surpris à la baisse à 3,9% en glissement annuel (5,1% pour l’inflation sous-jacente). Cette nouvelle surprise baissière, après celle d’octobre, a permis aux taux anglais de surperformer les autres marchés de taux. La Banque d’Australie (RBA) a laissé ses taux inchangés à 4,35% dans un contexte de ralentissement de l’inflation, comme en témoigne la baisse de l’indice CPI de novembre de 0,3% à 4,9% en glissement annuel. Au Japon, les taux à 10 ans baissent de 6 bps à 0,61% alors que la Banque du Japon a laissé ses taux inchangés à -0,10% et n’a pas modifié son discours dans un sens plus restrictif comme l’anticipait une majeure partie des investisseurs. Le gouverneur de la banque centrale K. Ueda s’est montré ambigu dans ses propos sur le mois et prudent dans son analyse, affirmant avoir besoin de plus de temps pour constater le renforcement de l’inflation de manière durable vers sa cible de 2%, notamment concernant les salaires.
Évolution des taux souverains / indices de crédit
- Spread to call, en points de base.
Crédit Corporate Investment Grade
Les marges de crédit se sont resserrées sur le mois de décembre pour les Senior de -9 bps et pour les hybrides de -19 bps dans un contexte de forte baisse des taux alimentée par le discours moins offensif de la Fed et de baisse de régime du marché primaire. Les effets crédit et taux ont tous deux été positifs pour la classe d’actifs, qui termine le mois de décembre avec une performance de +2,98%.
Sans surprise, nous avons observé un resserrement pour l’intégralité des secteurs. Le meilleur performeur sur le mois a été le secteur des foncières (Grand City Property, Aroundtown, Balder) qui a profité de la dynamique sur les taux, bénéfique pour l’immobilier. À l’inverse, les émetteurs liés aux souverains (Syngenta) ou encore la consommation non discrétionnaire (Heineken, Pepsi, Coca) ont sous-performé. VW s’est bien rattrapé suite aux résultats d’un audit confirmant l’absence de preuve de travail forcé dans son usine du Xinjiang en Chine. La publication des résultats semestriels (hausse de 7% de sa dette) ainsi que l’incertitude concernant l’augmentation de capital ont pesé sur la courbe de Thames Water. La courbe de Tennet s’est écartée, ayant retardé la cession de ses actifs allemands. La courbe de l’émetteur BAT a été sous pression suite à l’annonce d’un writedown de 25bn £ sur ses actifs Tabac.
Côté news, Airbus serait en pourparlers avancés pour acquérir les activités big data et cybersécurité d’Atos (BDS) au sein de l’entité Eviden. La fusion entre Orange Spain et MasMovil avance grâce aux engagements d’Orange pour répondre à l’enquête antitrust de la Commission Européenne et à l’offre d’achat de Digi Communications sur des actifs de MasMovil, avec une décision finale de l’UE attendue le 15 février 2024. Vivendi envisage de se scinder en trois entités cotées, dont Bolloré détiendrait 29% : Canal+, Havas et une société d’investissement (le nouveau Vivendi) possédant des participations majeures, y compris 10% d’UMG.
Concernant les notations, S&P a dégradé la note de Solvay de BBB à BBB- avec une perspective stable, faisant suite à son spin-off (Syensqo BBB+/A2). La notation a aussi été dégradée d’un cran pour Enel et Elia de BBB+ à BBB (Senior), ce qui fait passer la dette hybride en catégorie HY chez S&P, à BB+. Les dettes hybrides de ces deux émetteurs restent toutefois éligibles à l’indice IG, ayant toutes deux une notation BBB- par Moody’s et Fitch. Moody’s a dégradé de son côté la note de Pfizer de A1 à A2 avec perspective stable en raison du levier supérieur à 3x et du faible rythme de désendettement. L’agence de notation a également confirmé la note et la perspective d’Enel (Baa1 négative).
Le marché primaire a tourné au ralenti avec seulement 3,2 Mds d’euros d’émission. On note néanmoins le retour d’Unibail avec son émission Green pour 750 M€ de maturité 7 ans à 4,23% de rendement. Les investisseurs ont largement sursouscrit (>4x), témoignant de l’appétit retrouvé pour le secteur.
Crédit Corporate High Yield
La classe d’actifs a connu une performance remarquable en décembre, progressant de +2,82% pour clôturer l’année avec une performance annuelle de +12,08%. Les taux ont poursuivi leur baisse
(-43 bps sur le 5 ans allemand), soutenus par des anticipations de baisse des taux directeurs. Les spreads ont également connu un resserrement de -37 bps pour terminer le mois à 412 bps. Le marché primaire a été modérément actif, avec 2,05 Mds d’euros de nouvelles émissions levées par quatre émetteurs. Dans ce contexte, on note une surperformance des notations les plus faibles.
Tous les secteurs ont affiché des performances positives. Le secteur immobilier (CPI Property, Heimstaden) était bien orienté, soutenu par des anticipations de baisses de taux plus imminentes. Les télécommunications (Altice, Telecom Italia) sont portées à la fois par Altice qui a reçu des offres pour son activité au Portugal, et par Telecom Italia dont la scission du réseau se déroule comme prévu. Le secteur de la technologie (Atos, Ams OSRAM) progresse grâce à Atos qui a reçu l’augmentation de capital de son actionnaire principal Onepoint et a vu Airbus revenir à la charge pour la partie cybersécurité et big data.
Côté news, Ams OSRAM a confirmé avoir reçu 808 M€ au titre de son augmentation de capital. Spie poursuit ses acquisitions avec l’achat de 85% de Correll Group, renforçant ainsi son positionnement dans l’éolien offshore. Banijay aurait abandonné l’achat de All3media pour des raisons de prix. Altice a réussi à lever 350 M€ grâce à un placement privé dont le produit servirait à rembourser les obligations à échéance 2025. Grifols vendrait sa participation de 20% dans Shanghai RAAS à Haier pour 1,8 Md USD afin de réduire son levier et de créer une alliance stratégique avec Haier. Iliad a soumis à nouveau une proposition à Vodafone afin d’unir leurs opérations en Italie. Par ailleurs, Xavier Niel serait intéressé par une prise de participation dans l’opération d’Altice au Portugal, en rejoignant l’opérateur saoudien STC et les fonds Warburg Pincus et Zeno Partners. Enfin, Iliad obtient un nouveau prêt de 300 M€ auprès de la BEI pour le déploiement de ses réseaux 5G en France.
Côté notation, Air France a enfin obtenu un rating et est désormais noté BB+ par S&P. Lufthansa passe dans l’univers IG chez S&P. Les obligations sont sorties du gisement HY fin décembre. Les deux noms retail Golden Goose et CBR ont vu leurs perspectives passer de stable à positive par Moody’s, soulignant de solides métriques de crédit malgré un environnement macroéconomique difficile. S&P a relevé la note de Carnival de deux crans à BB- (contre B auparavant), la société bénéficiant de résultats satisfaisants et d’une bonne visibilité sur ses revenus suite à un carnet de commandes bien fourni. NH Hotel a vu sa notation améliorée par Moody’s à B1 avec une perspective positive grâce à son désendettement plus rapide que prévu. Cependant, Graanul a été dégradé par S&P à B suite à des anticipations sur les marges structurellement inférieures à celles attendues en raison de la hausse des coûts de production, impactés par la rareté des matières premières.
Dettes financières
Le mois de décembre a été très positif avec une performance allant de +1,9% pour la dette Senior des assureurs à +4,6% pour les AT1 libellés en euros. Cette performance positive est due à la fois à un mouvement de baisse des taux (environ -40 bps en euros et en dollars, sur toutes les maturités) et à des spreads plus faibles avec un resserrement de la dette Senior bancaire de -6 bps, la Tier 2 notée IG de -33 bps et les AT1 de -65 bps à -90 bps.
Ce rallye a été alimenté par les dernières réunions des banques centrales en 2023, avec notamment M. Powell mentionnant avoir discuté de possibles futures baisses de taux en 2024. La BCE et la BoE ont été plus prudentes sur les perspectives de taux évitant d’évoquer de futures baisses, les deux économies étant pourtant dans une situation plus morose. Les chiffres préliminaires de l’IPC de décembre dans différents pays ont également contribué à alimenter le rallye des taux.
Sur le marché primaire, les nouvelles émissions ont été très limitées, atteignant 6,6 milliards d’euros au cours du mois de décembre pour les financières. Néanmoins, les syndicats bancaires préparent déjà activement janvier qui devrait être très actif non seulement en raison de la saisonnalité, mais aussi en raison des rendements attractifs pour émettre de nouvelles obligations après le rallye des taux et des spreads mentionnés ci-dessus.
Au mois de décembre, nous avons encore eu de nombreuses améliorations de ratings, avec Fitch relevant la note de la Grèce en IG à BBB- et donnant une perspective positive à toutes les banques grecques. S&P les a relevées d’un cran, sauf pour Alpha Bank qui a été placée sous perspective positive. Les banques chypriotes ont également été relevées d’un cran par S&P. En Espagne, Ibercaja a été relevée d’un cran de Baa3 à Baa2 par Moody’s. Montepio a été relevé de deux crans par DBRS à BB. Deutsche Bank a été relevée d’un cran par S&P à A de A-. Les banques irlandaises ont été placées sous perspective positive par Fitch.
Santander a annoncé le call d’un AT1 en dollars en date de 1er call (février 2024). Dans l’univers des Legacy, NIBC a lancé une offre de rachat pour réduire le stock de ses instruments Legacy. BNPP a finalement décidé de racheter le dernier instrument Tier 2 Disco en circulation, faisant comme toutes les autres banques.
Au Royaume-Uni, Apollo examinerait l’achat potentiel du consolidateur des « bulk annuities » Pension Insurance Corp, qui pourrait être évalué à 5 milliards de livres sterling. Coventry Building Society a accepté d’acheter la Co-operative Bank pour 700 millions de livres sterling. Raiffeisen Bank International a annoncé une transaction qui lui permettra de rapatrier 1,45 milliard de capitaux de sa filiale russe pour un coût de -10 bps de CET1, mais qui permettra d’augmenter le ratio CET1 de +120 bps au niveau du groupe, hors Russie, réduisant ainsi son profil de risque.
Source : Lazard Frères Gestion, au 29 décembre 2023. Performances exprimées en devise non couverte du risque de change.
Les performances passées ne préjugent pas des résultats futurs.
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Perspectives
Environnement de marché
- Les derniers indicateurs économiques mondiaux sont en ligne avec une croissance mondiale faible qui restera donc exposée à des chocs négatifs.
- Un ralentissement de l’inflation est observé, mais celui-ci reste concentré sur les biens et pourrait donc laisser place à une réaccélération.
- Aux États-Unis, nous observons de plus en plus de signes de fragilisation, mais un marché de l’emploi qui ne rompt pas. Le scénario le plus probable reste un basculement en récession (70% de chances selon nous), avec une réelle incertitude sur le début de celle-ci, mais le caractère très particulier de cette période et la volonté affichée de la Fed d’obtenir un « soft landing » ont augmenté la probabilité de ce scénario.
- Les valorisations de baisses de taux jugées particulièrement agressives, notamment au regard de l’anticipation du flux de nouvelles émissions primaires de début d’année est un argument en faveur d’un abaissement tactique de la sensibilité taux.
- Les résultats des entreprises seront aussi à surveiller afin de voir si les marges commencent à s’éroder. Les taux de défaut sont finalement restés stables sur l’année à 2,8%. Les anticipations de Moody’s ont constamment été revues à la baisse sur 2024 avec des perspectives certes en hausse, mais limitées à 3,4% pour novembre 2024.
- Face à la probabilité élevée d’une récession aux Etats-Unis en 2024, nous continuons d’adopter un comportement prudent sur le crédit offensif et restons sélectifs sur les B et CCC. Cependant, le portage offert par les différents segments obligataires reste toujours attractif et compensera un potentiel écartement sur le crédit plus risqué.
Positionnement
- Duration : Neutre US et zone euro, sous-pondération du Japon.
- Crédit: Neutre IG, BB et subordonnées, sous-pondération du High Yield (B/CCC).
- Maturité : Préférence pour les maturités courtes à intermédiaires.
- Secteur : Banques, télécoms, santé.
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