Rapports de France Stratégie sur les effets de la réforme de la fiscalité du capital
La réforme de la fiscalité du capital, votée en 2017, a instauré une imposition forfaitaire à 30 % des revenus financiers et des plus-values financières (flat-tax) et a remplacé l’ISF par l’IFI. Pour mesurer l’impact de ces changements, un comité d’évaluation a été mis en place en 2018 sous l’égide de France Stratégie, organisme ayant notamment pour mission d’évaluer les politiques publiques. Les travaux du comité d’évaluation des réformes de la fiscalité du capital ont été rendus public dans trois rapports publiés en 2019, 2020 et 2021. En 2022, le comité n’a pas publié de nouveau rapport. En revanche, France Stratégie a publié, en octobre dernier, certaines données actualisées relatives à la fiscalité du capital en France et sur le positionnement du pays au sein de l’Union européenne.
Il résulte de ces publications que les dividendes déclarés à l’impôt sur le revenu au titre de l’année 2020 se sont élevés à 23,6 milliards d’euros, un montant proche de ceux déclarés aux titres des années 2019 et 2018 (respectivement 24,2 et 23,2 milliards) et en hausse de 65 % par rapport aux montants déclarés avant l’instauration de la flat-tax (14,3 milliards en 2017, 14,4 milliards en 2016).
Le comité souligne que cette augmentation du montant des dividendes déclarés à l’impôt sur le revenu ne s’est pas accompagnée d’une baisse des autres revenus déclarés par les ménages concernés. Le comité relève donc que les personnes qui peuvent choisir leur forme de rémunération (dirigeant de PME, professions libérales) ont augmenté leurs dividendes sans réduire corrélativement leurs revenus d’activité. Les craintes exprimées par certains que l’allègement de la fiscalité des dividendes puisse entraîner des arbitrages entre revenus d’activité et dividendes n’ont donc pas été vérifiées.
S’agissant des expatriations, le comité relève que depuis le passage de l’ISF à l’IFI, « on observe une baisse du nombre d’expatriations et une hausse du nombre d’impatriations de ménages soumis à l’imposition sur le patrimoine, si bien que depuis 2018 le nombre de retours de foyers taxables à l’IFI dépasse le nombre de départs (380 versus 220 en 2020) alors qu’on constatait l’inverse pour les flux de contribuables soumis à l’ISF (470 retours versus 1 020 départs en 2016) ».
Concernant le positionnement international de la France en matière de fiscalité du capital, le comité relève que les prélèvements sur le capital demeurent élevés en France. En effet, le taux des prélèvements sur le capital dans le PIB est de 10,7 % en 2020, soit 2,5 points de plus que la moyenne de la zone euro. Le comité souligne que « les prélèvements sur le capital en France exprimés en pourcentage du PIB s’établissent en 2020 au même niveau qu’en 2017, le dynamisme des assiettes taxées compensant les baisses de taux d’imposition ».
Un nouveau rapport du comité d’évaluation de la réforme de la fiscalité du patrimoine devrait être publié en octobre 2023. Gageons qu’il confirmera les données publiées en 2022 et qu’il constituera un argument pour ne pas alourdir la fiscalité du patrimoine dans les années à venir.
Il devrait même, en bonne logique, inciter à une poursuite de la baisse de la fiscalité du patrimoine puisqu’une baisse des taux a conduit à une augmentation d’assiette et de recettes.
À cet égard, la fiscalité du patrimoine illustre parfaitement les travaux de l’économiste Arthur Laffer qui montrent qu’au-delà d’un certain seuil de prélèvement fiscal, toute nouvelle augmentation d’impôt entraîne une baisse des recettes. Ces travaux sont parfois résumés par les formules « trop d’impôts
tuent l’impôt » ou « les hauts taux tuent les totaux ».
Rappelons à cet égard que si la réforme de la fiscalité du patrimoine de 2017 a été favorable en matière de recettes fiscales, celle de 2012, qui avait notamment supprimé le prélèvement libératoire sur les revenus financiers, avait eu un effet inverse.
En effet, France Stratégie, dans son rapport publié en octobre 2020, indiquait que la suppression du prélèvement libératoire sur les dividendes et leur imposition au barème de l’impôt sur le revenu par la loi de finances pour 2013 « aurait dû entraîner mécaniquement une augmentation des recettes fiscales de 400 millions d’euros à comportements inchangés » mais qu’elle s’est au contraire « probablement traduite par une perte de recettes fiscales du fait de la contraction d’assiette qu’elle a engendrée ».
Ce constat avait déjà été fait par Christian Eckert, Secrétaire d’État chargé du budget entre 2014 et 2017, qui avait déclaré le 11 décembre 2014 devant le Sénat : « Nous anticipons une importante moins-value sur les revenus de capitaux mobiliers, qui ont fortement chuté en 2013, ainsi que sur les plus-values mobilières (…). Le moindre dynamisme de ces revenus a fortement limité
la croissance de l’impôt ».
S’agissant du nombre de délocalisations de redevables de l’impôt sur la fortune, impôt qui avait été alourdi en 2012, France Stratégie souligne, sur la base des chiffres de la Direction Générales des Finances Publiques, qu’une forte augmentation avait été observée entre 2011 et 2013, passant de moins de 600 en 2011 à 1 200 en 2013.
Souhaitons donc que les enseignements des réformes de 2012 et 2017 soient présents à l’esprit du législateur, notamment au moment où il reverra la fiscalité des transmissions.
En effet, un élargissement et une augmentation des abattements sur les donations et les successions avaient été évoqués lors de la campagne présidentielle et devraient être mis en oeuvre au cours de cette législature.
Il nous semble que l’expérience de la réforme de 2017 et le contreexemple de celle de 2012 devraient constituer une incitation à aller plus loin. Par exemple, la création d’une réduction de droits sur les donations constituerait un encouragement à donner davantage et pourrait par conséquent avoir un impact positif sur les recettes fiscales.
Une telle mesure irait au surplus dans le sens d’une recommandation de l’OCDE qui indique, dans un rapport de 2021 relatif à l’impôt sur les successions dans les pays membres de l’Organisation, que « les donations aux jeunes générations pourraient bénéficier d’un traitement fiscal plus favorable afin d’encourager les transmissions de patrimoine anticipées et de réduire les inégalités intergénérationnelles découlant de la concentration du patrimoine entre les ménages les plus âgés ».
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Voir aussi : https://latribune.lazardfreresgestion.fr/economie-lettre-de-la-gestion-privee-1er-trimestre-2023/
L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 18 janvier 2023 et est susceptible de changer.
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