PATRIMOINE | Lettre de la Gestion Privée | 2eme trimestre 2024


Faut-il craindre une augmentation de la fiscalité du patrimoine ?

Le déficit public a atteint 5.5% du PIB (produit intérieur brut) en 2023, contre un objectif de 4.9%. Cette situation conduit les responsables politiques à s’interroger sur les moyens de réduire le déficit public et certaines voix s’élèvent pour réclamer des hausses d’impôt et notamment une hausse de la fiscalité pesant sur les plus fortunés. Dans ce contexte, faut-il s’attendre à un alourdissement de la fiscalité du patrimoine dans le cadre du budget 2025 ?

Tout d’abord, rappelons que la France connaît déjà un niveau élevé de fiscalité et notamment de fiscalité sur le patrimoine. En effet, il résulte d’une étude de l’OCDE (organisation de coopération et de développement économique) de 2021 que la France se situe à la deuxième place parmi les 37 pays membres de l’organisation pour le ratio recettes fiscales sur PIB et que notre pays occupe également la deuxième place du classement pour le ratio impôts sur le patrimoine sur PIB.

Ensuite, soulignons que les changements de fiscalité opérés ces dernières années ont montré qu’une augmentation de la fiscalité du capital pouvait se traduire par une baisse des recettes fiscales et qu’à l’inverse une baisse de la fiscalité du capital pouvait avoir un effet positif sur le niveau des recettes.

Rappelons en effet que l’alourdissement de la fiscalité du capital à partir de 2013 et notamment la suppression de l’imposition forfaitaire sur les revenus financiers (dividendes et intérêts) et sur les plus-values financières s’était traduite par une baisse des recettes fiscales du fait de la contraction de l’assiette.

A l’inverse, la réinstauration, à compter de 2018, d’une imposition forfaitaire sur ces mêmes revenus et plus-values a engendré une augmentation très forte de l’assiette et a eu un effet positif sur les recettes fiscales.

Ces effets sont documentés et explicités dans les rapports publiés depuis 2018 par France Stratégie, organisme ayant notamment pour mission d’évaluer les politiques publiques.

Une augmentation de la fiscalité sur le patrimoine ne constitue donc pas une réponse efficace en termes de recettes fiscales et n’apparaît donc pas comme une solution à la réduction du déficit public.

Au surplus, relevons que la fiscalité sur le patrimoine augmente déjà mécaniquement chaque année en raison de la non-indexation sur l’inflation de différents seuils, barèmes et abattements.

En effet, chaque année, la loi de finances revalorise le barème de l’impôt sur le revenu en fonction de la hausse des prix à la consommation afin de neutraliser les effets de l’inflation sur le niveau d’imposition des contribuables. Cette revalorisation annuelle ne vise que le barème de l’impôt sur le revenu et certains seuils et limites qui lui sont associés. Elle ne s’applique pas aux impôts sur le patrimoine.

Ainsi, le barème de l’impôt sur la fortune immobilière (IFI) n’est pas revalorisé annuellement. Le seuil de 1 300 000 € et les limites des tranches du barème de cet impôt sont restés inchangés depuis son instauration à compter de 2018. Si le seuil d’imposition avait été indexé sur la hausse des prix à la consommation depuis 2018, il serait, pour 2024, supérieur à 1 500 000 €. Cette non-indexation explique l’augmentation constante du nombre de foyers fiscaux soumis à l’IFI qui est passé de 133 000 en 2018 à 164 000 en 2022, selon un rapport de la Cour des comptes publié en janvier.

Les barèmes et abattements applicables aux successions et donations ne font pas non plus l’objet d’une revalorisation annuelle, entraînant mécaniquement un alourdissement de la fiscalité de la transmission. Ainsi, l’abattement applicable sur les donations et les successions entre parent et enfant est resté figé à 100 000 € depuis 2012. S’il avait été indexé sur les prix à la consommation, il serait, pour 2024, de plus de 121 000 €.

L’abattement applicable sur les capitaux-décès reçus par le bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie est quant à lui fixé à 152 500 € depuis 1998. Si cet abattement avait été revalorisé en fonction de l’inflation, il serait aujourd’hui de 230 000 € environ.  L’abattement applicable sur les primes versées sur un contrat d’assurance-vie à partir du 70ème anniversaire de l’assuré est quant à lui fixé à 30 500 € depuis 1991, alors qu’il serait de près de 53 000 € s’il était indexé.

Les seuils de déclenchement de la contribution exceptionnelle sur les hauts revenus ne font pas non plus l’objet d’une indexation depuis l’instauration de cette contribution en 2011. Ils sont restés fixés à 250 000 € pour une personne seule et à 500 000 € pour un couple soumis à imposition commune, alors qu’ils devraient être respectivement de 310 000 € et 620 000 € pour 2024.

Au total, il apparaît donc que la contribution des plus fortunés augmente déjà chaque année à raison de l’élargissement des assiettes découlant de la non-indexation des barèmes, abattements et seuils d’imposition et que si ces augmentations mécaniques d’assiettes devaient s’accompagner d’une augmentation des taux, les recettes fiscales en pâtiraient comme ce fut le cas après 2012.

Déclaration d’occupation des biens immobiliers affectés à l’habitation

Depuis l’an dernier, les propriétaires et les usufruitiers de biens immobiliers affectés à l’habitation doivent, pour chaque bien possédé, faire une déclaration d’occupation. Cette déclaration doit, en principe, être faite en ligne sur le site impots.gouv.fr dans l’onglet « Biens immobiliers » de l’espace du propriétaire avant le 1er juillet de chaque année.

Tous les propriétaires ou usufruitiers se sont donc, en principe, acquittés de cette obligation pour la première fois en 2023. Au titre de 2024, seuls les propriétaires ou usufruitiers de biens pour lesquels un changement d’occupation est intervenu doivent renouveler leur déclaration. Ainsi, la formalité doit être réalisée en 2024, par exemple en cas d’acquisition d’un nouveau bien ou, pour un bien loué, en cas de changement de locataire.

Dans une réponse ministérielle du 27 février 2024, l’administration fiscale indique qu’un formulaire de déclaration « papier » sera mis à disposition des déclarants n’ayant pas accès à internet.

Le défaut de déclaration est sanctionné par une amende de 150 € par local. L’administration précise dans sa réponse ministérielle que l’amende ne sera pas appliquée au titre de 2023. Les personnes qui ne se seraient pas acquittées de l’obligation de déclaration l’an dernier ne seront donc pas sanctionnées mais doivent, en revanche, accomplir la formalité cette année. Précisons que lorsqu’un bien est détenu au travers d’une société, l’obligation de déclaration incombe à cette dernière et doit être accomplie sur l’espace professionnel de la société sur le site impots.gouv.fr.

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Voir aussi : https://latribune.lazardfreresgestion.fr/lettre-de-la-gestion-privee-1er-trimestre-2024/

L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 19 avril 2024 et est susceptible de changer.

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