PATRIMOINE | Lettre de la Gestion Privée Q1 2021


Vers un retour de l’ISF ?

L’épidémie de Covid-19 a provoqué une dégradation de l’environnement
macroéconomique. La baisse des recettes fiscales et les mesures massives de soutien qui en résultent impactent très négativement les finances publiques.

Ainsi, les dépenses de l’État avaient été budgétées, dans la loi de finances pour 2020, à 400 milliards d’euros et les recettes à 307 milliards. Le déficit du budget de l’État aurait donc dû s’élever, en 2020, à 93 milliards. Après révision, il ressort des documents de la direction du Budget que le déficit 2020 devrait, en fait, être de 195 milliards en raison de la hausse des dépenses et de la baisse des recettes. L’impact de la pandémie sur le budget de l’État a donc été de 100 milliards en 2020. Il résulte du projet de loi de finances pour 2021 que le déficit pour cette année devrait s’élever à 153 milliards d’euros.

Face à ce dérapage de la situation budgétaire, certaines voix commencent à évoquer un relèvement de la fiscalité et notamment une contribution des plus fortunés ; contribution qui pourrait, par exemple, prendre la forme d’un retour de l’impôt sur la fortune.

Le gouvernement a écarté toute hausse de la fiscalité et réaffirme régulièrement par les voix de Bruno Le Maire et d’Olivier Dussopt, respectivement Ministre de l’Économie et des Finances et Ministre délégué chargé des Comptes publics, « la volonté du Gouvernement de baisser durablement les impôts pesant sur les ménages et les entreprises ». Leur objectif est le retour à la croissance économique et ils pointent l’effet contracyclique des hausses d’impôt.

Pour autant, il est à craindre que l’augmentation de la fiscalité, spécialement celle pesant sur les plus fortunés, constituera une piste proposée par certains une fois tournée la page de la crise sanitaire. L’amélioration de la situation des finances publiques et les moyens pour y parvenir constitueront, à n’en pas douter, un des thèmes des campagnes pour les élections présidentielles et législatives de l’an prochain. Dès lors faut-il craindre un retour de l’ISF ?

En premier lieu, soulignons que l’impôt sur la fortune n’a pas été supprimé en 2017 mais qu’il a été limité aux seuls actifs immobiliers. Cette réduction de l’assiette de l’impôt a eu pour effet d’entraîner une baisse de recettes de 3,5 milliards d’euros environ. En effet, les recettes de l’impôt sur la fortune étaient proches de 5 milliards d’euros en 2017, dernière année d’application de l’ISF, alors que les recettes de l’IFI en 2019 se sont élevées à 1,5 milliard d’euros.

Il apparaît donc qu’un retour de l’ISF dans sa version antérieure n’aurait que peu d’impact sur l’amélioration de la situation budgétaire puisque la perte de recettes liée à sa limitation aux seuls actifs immobiliers représente 1,1 % des recettes du budget de l’État.

À ceux qui pourraient être tentés de proposer plus globalement un alourdissement de la fiscalité du patrimoine, soulignons que la France se place déjà à la deuxième place parmi les 37 pays membres de l’Organisation de Coopération et de Développement Économique (OCDE) pour le ratio recettes fiscales sur Produit Intérieur Brut (PIB) et occupe également la deuxième place du classement pour le ratio d’impôts sur le patrimoine rapporté au PIB. Ces ratios étaient respectivement de 45,4 % et 4,0 % pour la France en 2019.

Ajoutons qu’un retour à une assiette plus large de l’impôt sur la fortune, ou plus globalement un alourdissement de la fiscalité du patrimoine, pourrait ne pas avoir l’effet escompté en matière de recettes fiscales. En effet, les derniers changements intervenus en matière de fiscalité du capital tendent à montrer que, pour obtenir une augmentation des recettes fiscales, il faille baisser la fiscalité et non l’augmenter.

Ainsi, France Stratégie dans un rapport publié en octobre 2020 relève que le passage de l’ISF à l’IFI a entraîné « une baisse du nombre d’expatriations et une hausse du nombre d’impatriations fiscales de ménages français fortunés ». Cette étude, basée sur les chiffres de la Direction Générale des Finances Publiques (DGFIP), relève notamment qu’en 2018 le nombre de retours de redevables de l’impôt sur la fortune excède le nombre de départs.

Souvenons-nous également que l’alourdissement de la fiscalité patrimoniale à partir de 2013 n’avait pas eu les effets escomptés en termes de recettes fiscales.

Dans son rapport d’octobre dernier, France Stratégie revient sur cette période et relève que la suppression du prélèvement libératoire sur les dividendes et leur imposition au barème de l’impôt sur le revenu par la loi de finances pour 2013 « aurait dû entraîner mécaniquement une augmentation des recettes fiscales de 400 millions d’euros à comportements inchangés » mais qu’elle s’est au contraire « probablement traduite par une perte de recettes fiscales du fait de la contraction d’assiette qu’elle a engendrée ».

Ce constat avait déjà été fait par Christian Eckert, Secrétaire d’État chargé du budget entre 2014 et 2017, qui avait déclaré au Sénat le 11 décembre 2014 « nous anticipons une importante moins-value sur les revenus de capitaux mobiliers, qui ont fortement chuté en 2013, ainsi que sur les plus-values mobilières (…). Le moindre dynamisme de ces revenus a fortement limité la croissance de l’impôt ».

Les changements dans la fiscalité du capital en France semblent donc illustrer parfaitement les conclusions des travaux de l’économiste Arthur Laffer qui montrent qu’au-delà d’un certain seuil de prélèvement fiscal toute nouvelle augmentation entraîne une baisse des recettes. Ces travaux sont parfois résumés par les formules « trop d’impôts tuent l’impôt » ou « les hauts taux tuent les totaux ».

En bonne logique, notre deuxième place dans le classement de l’OCDE et les impacts constatés des réformes de 2012 et 2017 devraient donc nous protéger d’un alourdissement de la fiscalité
du patrimoine.

 

L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 27 janvier 2021 et est susceptible de changer.

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