Faut-il s’attendre à une augmentation de la fiscalité des successions et des donations ?
La question du niveau de taxation des transmissions de patrimoine, par donation ou succession, s’est invitée dans le débat entre les candidats à l’élection présidentielle. Ces derniers ont été incités à se saisir de ce sujet par plusieurs rapports publiés au cours des derniers mois.
Ainsi, le Conseil d’analyse économique a publié, en décembre 2021, une note intitulée Repenser l’héritage. Le sujet de la taxation des successions est également traité, parmi de nombreux autres, dans le rapport de la commission sur les défis économiques présidée par Olivier Blanchard et Jean Tirole. L’imposition des successions y est présentée comme importante « pour améliorer la mobilité intergénérationnelle et contribuer à égaliser les chances ». Enfin, ces travaux ont été précédés de la publication, en 2021, d’une étude de l’Organisation de Coopération et de Développement Economique (OCDE) sur l’impôt sur les successions dans les pays membres de l’organisation.
Toutes ces publications émettent des recommandations qui peu ou prou vont dans le même sens.
Ainsi, elles envisagent toutes les trois une restructuration en profondeur de l’imposition des transmissions afin de taxer le bénéficiaire en fonction de ce qu’il reçoit par succession ou donation tout au long de sa vie. L’idée d’une telle réforme serait de taxer selon un barème progressif toutes les transmissions reçues par une même personne quelle que soit la façon dont du patrimoine lui est transmis (donation ou succession) et quel que soit le nombre de personnes à l’origine de la transmission (un ou plusieurs parents). La finalité d’un tel régime de taxation serait que deux personnes ayant reçu au cours de leur vie un même montant de patrimoine aient supporté le même montant d’impôts même si l’une a hérité en une fois d’un seul parent alors que l’autre a reçu ce patrimoine de manière fractionnée à l’occasion de plusieurs donations et successions de différents parents (père, mère, grands-parents…).
Une telle réforme est présentée comme d’ampleur par Olivier Blanchard et Jean Tirole. Ils relèvent qu’un système de taxation fondé sur l’acquisition de capital par l’héritier est complexe et qu’à ce jour il n’a été mis en œuvre que par un seul pays, l’Irlande. De son côté, l’OCDE pointe le fait que taxer les transmissions de patrimoine à l’échelle d’une vie « pourrait augmenter les coûts d’administration pour les autorités fiscales et les obligations fiscales des contribuables ».
Aussi, conscients qu’une telle réforme est difficilement envisageable, l’OCDE et la commission présidée par Olivier Blanchard et Jean Tirole proposent d’améliorer les systèmes de taxation existants.
Ainsi, l’OCDE recommande aux pays membres de l’organisation d’envisager de réduire les exonérations et les allègements fiscaux existants. Le rapport cite l’épargne retraite et l’assurance-vie. L’organisation relève également que la transmission d’actifs professionnels bénéficie de régimes préférentiels dans de nombreux pays. Elle indique que si le maintien d’avantages fiscaux pour favoriser la transmission des entreprises familiales peut se justifier, il doit s’accompagner de mesures empêchant de transférer du patrimoine privé sous couvert de patrimoine professionnel.
L’OCDE relève également que dans un certain nombre de pays, les plus-values latentes sont effacées au moment du décès, et constate qu’en l’absence d’imposition sur les successions, ces plus-values sont totalement exonérées.
Enfin, la note du Conseil d’analyse économique s’interroge sur le bien-fondé des avantages fiscaux liés au démembrement de propriété et envisage la taxation de la réunion de l’usufruit et de la nue-propriété.
Dès lors, faut-il s’attendre à une augmentation de la fiscalité des successions et des donations ?
Tout d’abord soulignons, comme le précisent Olivier Blanchard et Jean Tirole, que ces écrits ne constituent que des éléments d’inspiration pour les décideurs politiques qui doivent être complétés par d’autres points de vue.
Ajoutons que l’OCDE indique dans son rapport que les réformes retenues devront dépendre des circonstances propres à chaque pays. À cet égard, l’organisation relève que si les recettes générées par les impôts sur les successions et les donations représentent une très faible part du total des recettes fiscales dans les pays de l’OCDE (environ 0,5% en moyenne en 2019 dans les 24 pays où ces impôts s’appliquent), elles dépassent en France 1% du total des recettes fiscales. Seuls trois autres pays dépassent ce seuil de 1% : la Belgique, la Corée et le Japon.
L’organisation souligne également que « l’argument en faveur d’un impôt sur les successions est particulièrement solide dans les pays où l’imposition effective des revenus du capital et du patrimoine est généralement faible ». A cet égard, rappelons que la France se place à la deuxième place parmi les 37 pays membres de l’OCDE pour le ratio recettes fiscales sur Produit Intérieur Brut (PIB) et occupe également la deuxième place du classement pour le ratio impôts sur le patrimoine sur PIB. Ces ratios étaient respectivement de 45,4% et 4,0% pour la France en 2019.
La France taxe donc déjà très largement le patrimoine et les successions. Notre deuxième place dans le classement de l’OCDE devrait donc, en bonne logique, nous protéger contre une augmentation des droits de donation et de succession, voire inciter les décideurs politiques à les réduire.
À cet égard, le Président de la République a déclaré qu’il ne faisait pas partie « de ceux qui pensent qu’il faut augmenter les droits de succession à tout va, au contraire ». Valérie Pécresse indique quant à elle dans son programme qu’elle « facilitera la transmission de patrimoine vers les jeunes pour financer leurs études ou leur projet de vie avec un don défiscalisé possible tous les 6 ans pour un montant maximum de 100 000 € pour les parents et les grands-parents et de 50 000 € pour les oncles, tantes et fratries ».
Les élections présidentielle et législative pourraient donc être suivies non pas d’un alourdissement de la fiscalité des successions mais plutôt d’un allègement de la fiscalité des donations. Cet allègement prendrait notamment la forme d’une augmentation et d’un élargissement de l’abattement sur les dons de sommes d’argent (aujourd’hui de 31 865 €) et/ou d’une réduction du délai au-delà duquel il peut être réutilisé (actuellement de 15 ans).
Cela irait dans le sens d’une recommandation de l’OCDE, qui indique dans son rapport que « les donations aux jeunes générations pourraient bénéficier d’un traitement fiscal plus favorable afin d’encourager les transmissions de patrimoine anticipées et de réduire les inégalités intergénérationnelles découlant de la concentration du patrimoine entre les ménages les plus âgés ».
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Voir aussi : https://latribune.lazardfreresgestion.fr/entre-nous-lettre-de-la-gestion-privee-q4-2021/
L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 21 janvier 2022 et est susceptible de changer.
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