Les modes d’acquisition de l’immobilier patrimonial de rapport
Le bien immobilier de rapport est celui donné en location, qu’il soit détenu directement par le contribuable ou au travers d’une société. Acquérir un bien en vue de sa location permet à son propriétaire de se procurer des revenus complémentaires, de diversifier ses investissements et éventuellement, à terme, de devenir un professionnel de la location, dans le cas du loueur en meublé professionnel.
Le régime d’imposition des loyers diffère selon que le contribuable détient son bien en direct ou au travers d’une société soumise à l’IR ou à l’IS. En outre, le type de location proposée, nue ou meublée, impacte le mode de calcul du revenu ainsi que son régime fiscal.
Mise en location nue ou meublée
Les loyers tirés d’une location nue d’un bien détenu directement, sont classiquement imposés en revenus fonciers, avec la possibilité sous condition de seuil1 d’opter pour le régime du micro-foncier.
Lorsque le bien loué est détenu au travers d’une société civile soumise au régime des sociétés de personnes (imposée à l’IR au niveau de ses associés), les règles d’imposition liées à la location nue seront sensiblement les mêmes qu’une détention directe, sous réserve, s’agissant du régime micro-foncier, de respecter la condition de seuil et de posséder au moins un autre bien en direct donné en location nue.
La cession du bien loué nu, détenu directement ou via une société civile à l’IR, est soumise aux règles des plus-values immobilières des particuliers, susceptible de bénéficier d’abattements pour durée de détention après la 5e année, permettant une exonération d’IR au-delà de 22 ans et de prélèvements sociaux après 30 ans de détention.
Le particulier qui retire des loyers de la mise en location meublée de ses propres biens immobiliers est imposé dans la catégorie des bénéfices industriels et commerciaux (BIC), à l’IR et aux prélèvements sociaux. Selon qu’il agit en tant que professionnel ou non, le mode de calcul des revenus et le taux des prélèvements sociaux peuvent différer. Cette activité peut être exercée au travers d’une SARL de famille sous le même régime d’imposition.
En revanche, une société civile soumise à l’IR, ayant une activité civile par nature, qui donnerait ses biens en location meublée, même occasionnellement, se livrerait à une activité commerciale susceptible de la soumettre de plein droit à l’IS, entraînant en sus une imposition des plus-values latentes éventuelles. Dans ce contexte, l’achat d’un bien immobilier qui serait mis ponctuellement en location meublée saisonnière à des tiers, combiné à une jouissance familiale gracieuse, devrait être réalisé en direct par le contribuable et non au travers d’une société. En effet, le recours à une société civile à l’IR n’est pas adapté à la location meublée et l’exercice au travers d’une SARL de famille d’une activité de loueur en meublé, même non professionnel, conduirait à verser un loyer pour les temps d’occupation du bien par le contribuable et sa famille.
La société civile à l’IR présente des atouts liés à la souplesse de son mode de gouvernance pour acquérir un bien de rapport, à condition de se limiter dans ce dernier cas à la location nue. Elle permet d’associer ses enfants tout en conservant un contrôle sur l’organisation de la gestion, aménagée selon une rédaction ad hoc des statuts et la qualité de gérant. L’achat du bien peut être réalisé au moyen de capitaux démembrés, apportés à la société, ou les parts de la société peuvent elles-mêmes faire l’objet d’une donation en pleine ou en nue-propriété, les donateurs se réservant la qualité de gérants et, le cas échéant, d’usufruitiers des parts de sociales.
Recours à une société soumise à l’impôt sur les sociétés
Il est rarement opportun de créer ex nihilo une société soumise à l’IS, que le contribuable doterait de capitaux, en vue d’acquérir de l’immobilier patrimonial de rapport. Il s’agit, le plus souvent, d’une acquisition immobilière comme source de diversification des investissements, au moyen de liquidités déjà existantes et disponibles au sein de la société à l’IS. Ses liquidités ou actifs financiers vont lui permettre de réaliser un effet de levier pour acquérir au moyen d’un emprunt bancaire, qui se trouvera garanti en partie sur ces actifs mobiliers et éventuellement le bien immobilier. A l’inverse, l’associé personne physique parviendrait difficilement à donner en garantie les titres de sa société pour obtenir lui-même un financement immobilier s’il désirait acquérir directement ce bien à titre privé.
Les loyers recueillis de la location d’immobilier détenu au travers d’une société à l’IS sont intégrés dans le bénéfice imposable à l’IS. Les amortissements pratiqués sur le bien et ses accessoires, ainsi qu’une éventuelle dette immobilière, peuvent conduire à une absence d’imposition des loyers sur une période de temps. Toutefois, contrairement aux revenus de la location qui sont imposés définitivement au niveau du contribuable dans la catégorie des revenus fonciers ou des BIC, les bénéfices accumulés dans la société à l’IS sont imposés une seconde fois s’ils sont appréhendés sous forme de distribution de dividendes par l’associé personne physique (dividendes soumis à la flat tax de 30%).
Rappelons que les biens immobiliers détenus par la société à l’IS ne peuvent être mis à la disposition gracieuse des associés. En effet, la société à l’IS gère son patrimoine propre, qui ne se confond pas avec celui des associés, elle doit l’employer dans une recherche de profit. A cet égard, l’absence de loyer ou un loyer faible selon les pratiques de marché, pourrait constituer un acte anomal de gestion pour la société et un abus de bien social pour les actionnaires occupants.
La revente du bien par la société à l’IS ne bénéficie pas du régime des plus-values immobilières des particuliers, les plus-values sont réintégrées, sans abattement, dans le bénéfice imposable à l’IS. La plus-value immobilière est alors déterminée par différence entre le prix de cession du bien et sa valeur nette comptable (prix d’acquisition déduction faite des amortissements pratiqués). Ainsi, la plus-value fiscale du bien ne cesse de croître avec les amortissements pratiqués.
Impôt sur la fortune immobilière
En matière d’IFI2, les biens locatifs détenus en direct non liés à une activité professionnelle sont imposables nets des crédits bancaires liés à leur acquisition. Par ailleurs, si le total des dettes contractées en direct par le contribuable excède 60% de son patrimoine brut lui-même supérieur à 5M€, la quote-part de dette supérieure à ce seuil est rabotée de 50%, sauf à démontrer des objectifs non-principalement fiscaux.
Lorsque ce même type de bien est détenu via une société (IR ou IS), la méthode de calcul de la base taxable à l’IFI diffère car c’est la fraction des titres de la société représentative des actifs immobiliers imposables à l’IFI qui est déclarée, et non le bien lui-même. La fraction imposable des titres est déterminée en appliquant un coefficient immobilier comme suit :
La mise en location de biens immobiliers est une activité patrimoniale par nature qui peut être assimilée fiscalement à une activité professionnelle dans le cas de la location meublée professionnelle. A cet égard, les actifs immobiliers détenus en direct par le contribuable loueur professionnel sont exonérés d’IFI. Il semble toutefois que la même activité, exercée au travers d’une SARL de famille détenant l’immobilier, ne permette pas d’exonérer les parts de société d’IFI. En effet, la SARL pourrait être analysée comme exerçant une activité patrimoniale de gestion de son propre patrimoine au sens des articles 34 et 35 du Code général des impôts, ne permettant pas son assimilation en bien professionnel exonéré pour le contribuable.
1 Micro-foncier : montant annuel des loyers inférieur ou égal à 15 000 €.
2 L’IFI est dû par les contribuables dont le patrimoine immobilier net est supérieur à 1,3M€.
L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 6 mai 2020 et est susceptible de changer.
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