Perspectives économiques janvier 2023 : des marchés trop optimistes ?

Le cycle économique mondial devrait rester dépendant de ce qui se passera aux Etats-Unis. Pour l’instant, du moins jusqu’à récemment, l’économie américaine semblait très résistante. Une récession nous semble toutefois inéluctable à l’horizon d’un an. Dans ce contexte, nous pensons que la patience reste de mise sur les marchés actions. En revanche, la remontée des taux d’intérêt est créatrice d’opportunités sur les marchés obligataires.

Etats-Unis : une lutte de longue haleine contre l’inflation

Après deux années de progression, l’inflation semble avoir passé un pic. La baisse du prix des carburants a permis à l’inflation globale de ralentir, et l’inflation hors énergie et alimentation s’est stabilisée autour de 6,0% sur un an (graphique 1).

Ce ralentissement de l’inflation sous-jacente reflète surtout la normalisation des prix des biens (graphique 2). Il s’agit de l’inflation perçue comme étant la conséquence temporaire de la pandémie, qui avait créé des désajustements entre l’offre et la demande. Cette normalisation des prix des biens devrait se poursuivre grâce à l’amélioration des chaînes de production. Il faudra toutefois surveiller les conséquences de l’épidémie de Covid-19 en Chine.

En revanche, l’inflation des services se maintient à des niveaux élevés. Pour qu’elle retrouve un niveau normal, il faudrait une détente majeure du marché du travail, les prix des services étant très liés à l’évolution des salaires (graphique 3).

Historiquement, il est difficile de réduire la tension du marché du travail sans récession. Pour l’instant, du moins jusqu’à la baisse des enquêtes ISM de décembre, l’économie américaine semblait très résistante. Les inscriptions hebdomadaires demeurent très faibles et nous n’assistons pas encore à la baisse des profits qui précède généralement les récessions (graphique 4).

Ce contexte ouvre la voie à trois scénarios. Le premier est celui d’un ralentissement économique sans récession (« soft landing ») qui permettrait de réduire progressivement les tensions sur le marché du travail. Le second est celui d’une récession mi-2023, provoquée par le resserrement monétaire déjà réalisé, ainsi que de nouvelles hausses de taux au premier semestre. Le troisième scénario est celui d’une résistance plus durable de l’économie américaine qui amènerait la Fed à poursuivre son cycle de hausse des taux au second semestre, provoquant une récession début 2024. Le premier scénario nous semble peu probable (10%). Nous attribuons une probabilité égale aux deux autres (45%).

Zone euro : résistance de l’activité

L’inflation dans la zone euro reste très élevée. À la différence des Etats-Unis, celle-ci est très liée à la hausse des prix de l’énergie et de l’alimentation, comme le montre l’écart important entre l’inflation globale et l’inflation sous-jacente (graphique 5).

Le plus probable est que l’inflation globale décélère nettement dans les prochains mois. En effet, l’envolée des prix de l’énergie au printemps dernier constitue une base de comparaison très élevée. Il faudrait une nouvelle forte hausse pour générer autant d’inflation (graphique 6).

Un ralentissement de l’inflation globale ne signifie pas pour autant que le problème de l’inflation est résolu. L’inflation hors énergie et alimentation est forte et les pressions salariales pourraient persister en l’absence de réelle détente du marché du travail (graphique 7).

Allant dans le sens d’une tension persistante du marché de l’emploi, l’activité économique résiste mieux que prévu, du fait d’un choc énergétique moins violent qu’anticipé. Les données semblent effectivement décrire une économie en ralentissement, mais modéré.

Les gouvernements ont adopté de nombreuses mesures pour accompagner les ménages et les entreprises. La consommation de gaz a été nettement réduite et la politique de stockage a été très dynamique, ce qui a contribué à réduire les risques de rationnement pour cet hiver, permettant une baisse des prix de l’énergie (graphique 8).

Outre la réduction de la consommation, l’importation massive de GNL a été déterminante pour éviter les pénuries. Dans un contexte où la croissance de l’offre de GNL est limitée jusqu’en 2025, la moindre demande en provenance d’Asie, et notamment de Chine a facilité ces importations. La réouverture de l’économie chinoise pourrait donc tendre le marché du gaz. En somme, les incertitudes persistent et l’hiver 2023-2024 pourrait être compliqué.

Le risque d’une crise énergétique semble ainsi s’éloigner pour cet hiver et la BCE va donc sans doute devoir continuer à resserrer sa politique monétaire. De manière classique, le cycle européen risque de rester très dépendant de ce qui se passera aux États-Unis.

Chine : vers une reprise de l’activité

Les décisions des autorités au cours des dernières semaines indiquent un pivot vers une politique plus favorable à la croissance. Le gouvernement a levé subitement les restrictions sanitaires qui perturbaient l’activité depuis trois ans et le soutien au marché de l’immobilier a été renforcé.

Paradoxalement, l’assouplissement des restrictions sanitaires se traduit dans un premier temps par un ralentissement de l’activité (graphique 9), la propagation du virus amenant la population à réduire ses déplacements, pour cause de maladie ou par prudence.

À terme, la réouverture de l’économie va permettre un rebond mécanique de la consommation. Néanmoins, le calendrier est incertain et reste tributaire de l’évolution de la situation sanitaire, laquelle est difficile à lire et à anticiper. Le rebond des indices de mobilité suggère qu’un pic est passé, mais d’autres vagues ne sont pas à exclure.

Se posent également les questions de l’ampleur et de la pérennité du rebond. Dans quelle mesure les consommateurs vont-ils redéployer l’épargne excédentaire accumulée pendant la pandémie ? Les vents contraires structurels, tels que la diminution de la population, ne risquent-ils pas de limiter la capacité du secteur immobilier à rebondir ? (graphique 10).

Conclusion macroéconomique

Le passage du pic de l’inflation ne signifie pas que le problème de l’inflation est résolu. Tant que les salaires ne ralentiront pas significativement, ou que les conditions de leur ralentissement ne seront pas réunies, les banques centrales ne seront pas convaincues d’avoir gagné la bataille contre l’inflation. Dès lors, la résistance de l’activité économique à court terme représente un problème pour elles et devrait les amener à maintenir un biais haussier.

Historiquement, à l’échelle du cycle économique, il est difficile de réduire significativement les tensions du marché du travail sans récession. Le chemin du scénario favorable (soft landing et réduction forte des tensions du marché du travail) nous semble très étroit. Après une première période chaotique, la croissance chinoise va réaccélérer, mais sans doute insuffisamment pour compenser la très probable récession des pays occidentaux.

 

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LEXIQUE

Indices PMI et ISM : les indices PMI (Purshasing Manager’s Indices) et ISM (Insitute for Supply Management) sont des indicateurs de confiance qui synthétisent les résultats des enquêtes menées auprès des directeurs d’achats des entreprises. Une valeur supérieure à 50 indique un sentiment positif dans le secteur concerné (manufacturier ou service) et inversement si l’indicateur se situe en-dessous de 50.

Prime de risque (actions) : la prime de risque des actions traduit le supplément de rendement offert par les marchés actions par rapport au « taux sans risque » des marchés obligataires (en général : taux des emprunts souverains à 10 ans). Ce rendement supplémentaire rémunère l’investisseur pour sa prise de risque.

Spread de crédit : correspond à l’écart de rendement d’une obligation avec celui d’un emprunt « sans risque » de même maturité. Le terme « spread » désigne donc un « écart de taux » ou « différentiel de taux ». Plus la solvabilité de l’émetteur est perçue comme bonne, plus faible est le spread.

MSCI World : le MSCI World Index est un indice boursier produit par MSCI permettant de mesurer la performance des marchés actions au niveau mondial.

BPA : bénéfices par action. BPA prospectifs 12 mois : anticipations des bénéfices par action, liées aux prévisions de bénéfices sur les 12 prochains mois.

€STER (Euro short-term rate) : taux interbancaire au jour le jour des banques de la zone euro (marché monétaire).

L’opinion exprimée ci-dessus est datée du mois de janvier 2023 et est susceptible de changer. Données les plus récentes à la date de publication.

 

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