Que penser de la contraction du PIB au premier trimestre ?
Le PIB américain s’est contracté de 1,4% au premier trimestre, sa première baisse depuis 2020. Ce chiffre masque toutefois une dynamique très favorable pour l’économie américaine. En effet, la demande privée finale progresse nettement, en hausse de 3,7% en rythme annualisé sur le trimestre. En revanche, la dépense publique a baissé, signe de normalisation après une période de soutien extrême. Après la très forte hausse du stockage au dernier trimestre 2021, celui-ci s’est un peu tassé. Enfin la croissance a été pénalisée par le commerce extérieur, en lien avec la forte hausse des importations qui se poursuit. En effet, lorsqu’une augmentation de la demande finale est satisfaite par les importations, cela ne constitue pas une production domestique et n’entre donc pas dans la croissance du PIB. Pour le deuxième trimestre consécutif, les importations retranchent donc 2,5 points à la croissance annualisée. Il faut sans doute y voir un signe de plus que l’économie américaine est en surchauffe, la demande ne pouvant plus être satisfaite par la production domestique.
Les autres indicateurs montrent une économie américaine toujours bien orientée. Le taux de chômage a baissé à 3,6% en mars et devrait rester sur une tendance baissière, à en juger par les dernières inscriptions hebdomadaires. Les commandes de biens d’investissement restent bien orientées et la construction de logements conserve une tendance haussière. Le marché immobilier montre par ailleurs de nombreux signes de tensions, avec des stocks de logements à vendre très bas et des prix en forte hausse.
En mars, les prix à la consommation progressaient en grande partie du fait de la hausse des prix de l’énergie. L’inflation hors énergie et alimentation semblait ralentir, mais ce phénomène provient en réalité de la baisse du prix des voitures d’occasion qui avait bondi l’an passé. Il est d’ailleurs probable que les chiffres d’inflation ralentissent au cours des prochains mois du fait des effets de base, mais cela ne signifierait pas pour autant la fin des pressions inflationnistes.
Dans ce contexte, la Réserve Fédérale a continué à durcir son discours à l’approche de la réunion de début mai. Plusieurs membres du comité de politique monétaire ont pris la parole pour préparer le marché à une série de hausses de taux de 50 points de base. James Bullard a même évoqué la possibilité d’aller jusqu’à 75 points de base. La Réserve Fédérale est également attendue sur les annonces concernant la réduction de la taille de son bilan, actuellement de 9000 Mds USD. Le compte rendu de la réunion de mars avait indiqué que celle-ci pourrait débuter en mai.
Première hausse des taux en juillet ?
Pour l’instant, l’activité semble bien résister à la guerre en Ukraine et à la hausse des prix des matières premières, comme le montre la publication préliminaire des enquêtes PMI* d’avril. L’indice composite a augmenté de 0,9 point sur le mois pour atteindre un plus haut depuis sept mois à 55,8, ce qui était au-dessus des attentes. Ce niveau est cohérent avec une croissance du PIB de l’ordre de +2,5% en rythme annualisé.
On observe toutefois une divergence entre le PMI des services, qui a augmenté de 55,6 à 57,7, et le PMI manufacturier, qui a baissé de 56,5 à 55,3. Les commentaires accompagnant la publication indiquent que l’activité dans les services est soutenue par la levée des restrictions sanitaires tandis que l’activité manufacturière est freinée par les tensions d’approvisionnement liées à la guerre en Ukraine et aux confinements en Chine, ainsi que par une diminution de la demande de biens.
Les composantes prix des enquêtes PMI se maintiennent sur des niveaux très élevés. L’indice global des coûts a affiché son deuxième plus haut niveau depuis 1998 sous l’effet d’une augmentation inédite des prix payés en Allemagne. Outre les tensions d’approvisionnement et la hausse des cours de l’énergie et des matières premières, les entreprises mentionnent des hausses de salaires. Cette augmentation des coûts est répercutée sur les prix facturés qui ont enregistré de nouveaux records.
Les chiffres de mars confirment l’augmentation des pressions inflationnistes. L’inflation annuelle dans la zone euro est passée de +5,9% à +7,4%, notamment sous l’effet de l’augmentation des prix de l’énergie qui progressent de +44,4% sur un an. L’inflation hors énergie et alimentation accélère moins, passant de +2,7% à +2,9% sur un an. Grâce au bouclier énergétique, la France enregistre l’un des taux d’inflation les plus faibles d’Europe à +5,1%. À titre de comparaison, l’inflation s’élève à +6,8% en Italie, +7,6% en Allemagne et +9,8% en Espagne.
Lors de sa réunion du 14 avril, la BCE a confirmé son intention de mettre un terme à son programme d’achats d’actifs au troisième trimestre et de relever ses taux « quelques temps après », ce qui doit se comprendre comme « d’une semaine à plusieurs mois ». Certains responsables, en particulier le vice-président de la BCE, ont déclaré être favorables à un arrêt des achats de titres dès le mois de juillet sans exclure une remontée des taux dans la foulée. La BCE devrait préciser son calendrier lors de sa réunion de juin, après l’actualisation de ses prévisions d’inflation et de croissance.
*PMI : Purchasing Managers Index. Les indices PMI sont des indicateurs de confiance qui synthétisent les résultats des enquêtes menées auprès des directeurs d’achats des entreprises. Une valeur supérieure à 50 indique un sentiment positif dans le secteur concerné (manufacturier ou service).
Augmentation des risques sur la croissance
La croissance chinoise a surpris favorablement au premier trimestre en atteignant +5,3% en rythme annualisé, malgré un ralentissement face au trimestre précédent (+6,1%). Le bon chiffre de ce début d’année masque un ralentissement notable au mois de mars, de nombreuses villes ayant renforcé les restrictions pour freiner la propagation du variant Omicron, à l’image de Shanghai et de Shenzhen.
Les confinements ont fait chuter la consommation et l’activité des services, même si le choc est moins fort qu’au printemps 2020. Les ventes au détail se sont contractées pour la première fois depuis juillet 2020, passant d’un rythme annuel de +6,7% en janvier-février à -3,5%. La croissance annuelle de la production de services a ralenti de +4,2% à -0,9%, sa première baisse depuis avril 2020.
La production industrielle a plutôt bien résisté avec une hausse de +5,0% sur un an, après +7,5% en janvier-février. Les exportations sont restées solides. L’impact des confinements sur l’industrie a pu être atténué par la mise en place de « bulles sanitaires », qui permettraient le maintien d’une activité minimale. Les dépenses d’investissement sont également ressorties supérieures aux attentes, grâce à la hausse des dépenses d’infrastructures.
L’activité dans le secteur immobilier est repartie à la baisse. La croissance sur un an de l’investissement en immobilier est passée de +3,7% à -2,4%, de -13,8% à -23,2% pour les ventes de logements et de -12,2% à -22,2% pour les mises en chantiers. Les prix de l’immobilier étaient en léger repli sur le mois de mars et en hausse de +0,7% sur un an.
Les données à publication fréquente (mobilité, transport, transactions immobilières, …) montrent que l’activité restait très perturbée au début du deuxième trimestre, dans un contexte où un nombre croissant de villes ont été soumises à des restrictions. Au 11 avril, 45 villes auraient mis en place des confinements totaux ou partiels, affectant 373 millions de personnes, soit plus du quart de la population. Ces villes représenteraient un peu plus de 40% du PIB chinois.
Les risques baissiers sur la croissance amènent les autorités à amplifier leurs mesures de soutien. La banque centrale a annoncé, le 15 avril, une baisse de 25 points de base du ratio de réserves obligatoires des banques. La banque centrale a également détaillé, le 18 avril, un paquet de mesures visant à soutenir la croissance du crédit et à atténuer l’impact des restrictions sur l’économie. Ce paquet comprend notamment des prêts ciblés à taux préférentiels pour les secteurs en difficulté, ainsi que des directives pour que les banques décalent les remboursements de prêts en cas de besoin. Parallèlement, de nombreuses municipalités ont assoupli les restrictions à l’achat de logements.
Voir aussi : https://latribune.lazardfreresgestion.fr/point-conjoncturel-mars-2022/
L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 4 mai 2022 et est susceptible de changer.
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