Le point conjoncturel au format PDF – Avril 2025
Malgré la volte-face de l’administration américaine une semaine après le Liberation Day, le taux moyen des droits de douane américains pourrait augmenter de près de 15 points cette année. Il reviendrait alors à un niveau inédit depuis la seconde guerre mondiale. Appliquée au montant total des importations de biens (3.300 milliards de dollars en 2024), cette hausse des droits de douane représenterait un choc de l’ordre de 500 milliards USD à absorber pour l’économie américaine (1,7% du PIB). Des effets de second ordre (confiance, investissement, inflation) peuvent s’ajouter pour alourdir la facture économique. Le Peterson Institute chiffre à 1,3% l’effet négatif sur la croissance économique à l’horizon du deuxième trimestre 2026. Selon le Yale Budget Lab, le supplément d’inflation pourrait atteindre 2,3%.
L’incertitude demeure élevée alors que les négociations sur les droits de douane réciproques se poursuivent et que de nouvelles mesures spécifiques doivent encore être annoncées (produits pharmaceutiques et technologiques notamment).
Cette incertitude de politique économique pèse sur les enquêtes auprès des entreprises et des ménages, qui dans l’ensemble affichent des niveaux équivalents à ceux qui prévalaient historiquement avant l’entrée en récession de l’économie américaine. Ce pessimisme extrême ne se concrétise toutefois pas encore par une dégradation très marquée de l’activité ou du marché de l’emploi, mais la vulnérabilité de l’économie américaine face aux mesures douanières pourrait apparaître au second semestre. Le basculement en récession est donc possible plus tard dans l’année, sans pour autant constituer un scénario central.
Dans ce contexte, l’inflation a montré des signes de modération en mars, mais l’effet des barrières douanières sur les prix rend la lecture plus compliquée que prévu pour la Fed et amène une remontée des anticipations d’inflation chez les consommateurs et les entreprises.
La zone euro bénéficie d’une bonne dynamique après un quatrième trimestre meilleur que prévu.
Malheureusement, les droits de douane menacent le scénario d’une croissance du PIB proche de 1% en 2025. Pour autant, le risque de récession semble inférieur à celui estimé aux Etats-Unis. En effet, les exportations vers les Etats-Unis ne représentent que 2% environ du PIB de la zone euro. Il faudra toutefois rester vigilant vis-à-vis des effets de second ordre (confiance des acteurs économiques par exemple), plus difficiles à quantifier.
Cependant, l’Europe peut compter sur des forces de rappel. La cohésion retrouvée des Européens est très positive pour la confiance. Même si l’effet économique ne sera perçu que tard dans l’année, la confirmation de la relance par l’investissement dans les infrastructures et la défense en Allemagne est une annonce historique qui produit déjà ses effets sur le sentiment des entreprises, comme en atteste l’indice IFO du climat des affaires qui se redresse.
En outre, le rebond de l’euro et la baisse des hydrocarbures agissent de concert sur la réduction du coût de l’énergie, éloignant le spectre d’une seconde secousse de la crise énergétique de 2022 et accélérant le rythme de la désinflation. C’est une très bonne nouvelle pour le consommateur européen qui semble déjà commencer à répercuter le gain de revenus salariaux réels accumulés en augmentant sa consommation (voir graphique ci-dessous).
Avec le repli de l’inflation et des signes de ralentissement en matière de hausse des salaires, la BCE voit ses marges de manœuvre reconstituées. Elle bénéficie d’une amplitude d’action désormais plus souple que la Fed. Cette agilité pourrait constituer un stabilisateur supplémentaire pour l’économie européenne, qui semble s’être dotée de fortifications de poids pour affronter le tumulte des trimestres à venir.
Face à la hausse des droits de douane, la Chine se positionne avec fermeté dans une posture de conflit assumée, sans fermer les portes de la négociation, appliquant ainsi une stratégie pragmatique. Les exportations ayant joué un rôle majeur en 2024 face à la faiblesse de la consommation et de la demande domestique, la Chine est consciente de sa vulnérabilité vis-à-vis des tensions commerciales. Comme l’Europe, elle réalise 2% de son PIB à l’export vers les Etats-Unis. Cependant, avec des droits de douane plus de 5 fois supérieurs (plus de 100%), l’impact direct pourrait être beaucoup plus fort qu’en Europe et menacer l’objectif officiel de 5% de croissance économique.
En réponse, le pays se prépare à engager davantage de mesures de soutien budgétaire et monétaire. En mars, le gouvernement a ainsi réhaussé son seuil de tolérance en matière de déficit public. Des mesures directes de soutien à la consommation pourraient être envisagées. La banque centrale pourrait baisser ses taux de référence et les niveaux de réserves bancaires.
On notera que depuis le début de l’année, le pays profite d’une embellie économique bienvenue. L’activité est meilleure que prévue au premier trimestre. L’investissement croît de +4,1%. La production industrielle est soutenue en mars, notamment dans les hautes technologies. Les ventes au détail, à +5,9% en glissement annuel sur le dernier mois du trimestre, continuent de bénéficier des subventions portant sur les équipements domestiques. Elles restent néanmoins très en-deçà des niveaux pré-Covid, rappelant les défis structurels du pays. À ce titre, l’immobilier montre quelques signes positifs depuis mars (ralentissement de la baisse des ventes, légère diminution des stocks de logements vacants) mais il est trop tôt pour parler de sortie de crise. La Chine ne perd pas de vue ses deux grands objectifs : restaurer, protéger et maintenir la confiance populaire, continuer à marche forcée sur la voie de l’excellence et de l’indépendance technologique.
Voir aussi: https://latribune.lazardfreresgestion.fr/point-conjoncturel-fevrier-2025/
L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 22 avril 2025 et est susceptible de changer.
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