Nouveau durcissement des restrictions sanitaires
Alors que certains pays comme les États-Unis poursuivent la réouverture de leur économie, l’activité dans la zone euro reste pénalisée par les mesures de confinement. Les ventes au détail ont chuté de 5,9% sur le seul mois de janvier, en raison notamment de la fermeture des commerces en Allemagne. Des facteurs exceptionnels comme le retour de la TVA à 19% en Allemagne et le décalage des soldes d’hiver en France ont également pu peser. Ces facteurs avaient contribué à une forte accélération de l’inflation sous-jacente en janvier mais les chiffres de février montrent une normalisation (-0,3 point à +1,1% sur un an), les distorsions commençant à s’estomper. La faiblesse des ventes au détail contraste avec la bonne tenue de la production industrielle (+0,8% en janvier) qui a quasiment retrouvé son niveau d’avant crise.
Confrontés à une reprise de l’épidémie, plusieurs gouvernements européens ont annoncé un renforcement des restrictions sanitaires en mars. En Italie, 70% des régions sont classées en zone rouge depuis le 15 mars, ce qui implique la fermeture des commerces non-essentiels, des bars, des restaurants et des écoles. En France, depuis l’annonce du 18 mars, 16 départements dont l’île de France sont soumis à de nouvelles restrictions qui incluent la fermeture des commerces non-essentiels. En Allemagne, le gouvernement a annoncé, le 22 mars, une prolongation du régime actuel de restrictions jusqu’au 18 avril, alors qu’une nouvelle étape du plan de déconfinement était prévue le 5 avril. Cela signifie que le niveau des restrictions continuera de dépendre du taux d’incidence de chaque région. Le rythme de la vaccination dans les principaux pays européens avait accéléré pendant la première quinzaine de mars mais il a ralenti récemment et demeure très inférieur à ce que l’on peut observer au Royaume-Uni ou aux États-Unis.
Dans ce contexte, la nette amélioration des enquêtes PMI en mars était quelque peu surprenante. Le (1)PMI manufacturier a enregistré une hausse de +4,5 points pour atteindre un plus haut historique à 62,4, le PMI des services a progressé de +3,1 points à 48,8 et le PMI composite de +3,7 points à 52,5. Il est possible que l’enquête ne reflète pas totalement les restrictions annoncées en mars, ayant été menée entre le 12 et le 23 mars. L’amélioration doit donc être interprétée avec prudence en attendant la publication des chiffres finaux le 7 avril.
À l’issue de sa réunion de mars, la BCE a annoncé qu’elle allait augmenter de manière significative le rythme auquel elle investit l’enveloppe de 1850 milliards d’euros dédiée à son programme d’achats d’urgence contre la pandémie, pour éviter un durcissement précoce des conditions de financement. Elle n’a toutefois pas précisé d’objectif chiffré et s’est défendue de vouloir contrôler la courbe des taux. Les autres paramètres de la politique monétaire sont inchangés.
(1)PMI : les indices PMI sont des indicateurs de confiance qui synthétisent les résultats des enquêtes menées auprès des directeurs d’achats des entreprises. Une valeur supérieure à 50 indique un sentiment positif dans le secteur concerné. Il se décline en 3 sous indices : Manufacturier, Service ou Composite (qui combine les deux).
Vers un rebond de l’activité
Après deux mois décevants, le rapport sur l’emploi a surpris à la hausse en janvier. 465 000 emplois ont été créés dans le secteur privé contre un consensus +200 000. La surprise est d’autant plus forte que la mauvaise météo a pesé sur un certain nombre de secteurs comme la construction. On observe par ailleurs un net rebond des créations d’emplois dans le secteur des loisirs et de l’hospitalité, l’amélioration de la situation épidémique permettant un assouplissement des restrictions sanitaires. Le taux de chômage baisse légèrement pour atteindre 6,2%.
Le rapport sur la consommation et les revenus des ménages en janvier montre un effet positif du plan de relance de 900 Mds USD adopté en décembre. L’envoie de chèques de 600 USD a contribué à un fort rebond du revenu disponible (+10,0% sur le mois) et de la consommation des ménages (+2,0% sur le mois, en volume). Environ 80% du montant des transferts a été épargné, ce qui fait que le taux d’épargne a augmenté de 13,4% à 20,5% du revenu disponible.
Les ventes au détail ont été pénalisées par le mauvais temps en février (-3,0% sur le mois), un effet que l’on observe également sur les autres statistiques de février, notamment la production industrielle et les données relatives au secteur de la construction. Le retour à des conditions météorologiques plus normales et le nouveau plan de relance de 1900 Mds USD (environ 9% du (1)PIB) devraient toutefois permettre un fort rebond de l’activité, en particulier de la consommation.
Baptisé « plan de sauvetage américain », le plan de relance comprend des transferts directs d’un montant de 1400 USD par personne, une bonification des indemnisations chômage de 300 USD par semaine jusqu’en septembre 2021, une hausse des crédits d’impôts pour garde d’enfants, des aides aux États et aux écoles ainsi que des mesures pour renforcer la lutte contre la pandémie.
Le déficit budgétaire devrait être de la même ampleur que l’année dernière, autour de -16% du PIB.
La réunion de la Fed n’a pas apporté de surprise. Le comité de politique monétaire a maintenu le taux des Fed Funds dans la fourchette de 0%-0,25% et Jérôme Powell a indiqué que cela devrait rester le cas tant que l’économie ne sera pas au plein-emploi et que l’inflation ne dépassera pas 2% pendant un certain temps. La prévision médiane des membres du comité reste à un maintien du taux directeur à son niveau actuel jusqu’à la fin de 2023 malgré des prévisions économiques plus optimistes.
Jérôme Powell estime qu’il est encore trop tôt pour discuter d’une réduction des achats d’actifs qui se poursuivront au rythme de 120 Mds USD par mois. Il invite également à relativiser les développements sur l’inflation cette année (+1,7% sur un an en février), jugeant que les mouvements devraient être transitoires. En effet, la comparaison avec des prix exceptionnellement bas l’année dernière va mécaniquement générer des chiffres d’inflation très élevés en mars et en avril.
(1)PIB : Produit Intérieur Brut, indicateur des richesses produites par un pays. Indicateur économique principal de mesure de la production économique réalisée à l’intérieur d’un pays donné
La reprise économique ouvre la voie à une réduction du soutien
Le mois de mars a été marqué par la reprise de la session annuelle du parlement chinois à la date habituelle, après son annulation l’an dernier pour cause de Covid-19. Cette session constitue un temps fort de la vie économique chinoise car le gouvernement présente ses priorités pour les douze prochains mois. Cette session parlementaire devait également voire approuver le prochain plan quinquennal qui détermine les grandes orientations économiques et sociales du pays pour la période 2021-2025.
Le gouvernement a finalement annoncé viser une croissance du (1)PIB « au-dessus de 6% », un chiffre très prudent au regard des prévisions du consensus qui sont supérieures à 8%. Cette flexibilité pourrait permettre aux autorités de renforcer le contrôle des risques financiers mais la politique économique ne devrait pas être resserrée trop brutalement, la croissance et l’emploi demeurants des objectifs importants.
Le déficit budgétaire devrait ainsi diminuer de 3,7% à 3,2% du PIB. La politique monétaire devrait rester « prudente, appropriée et flexible » pour trouver le bon équilibre entre soutien à la croissance et réduction des risques financiers. L’objectif est de stabiliser l’endettement du secteur non-financier à 295% du PIB (+24 points de PIB en 2020), en ramenant la croissance du crédit sur un rythme en ligne avec celui de la croissance nominale. En ce qui concerne le taux de change, le discours est celui d’un yuan à peu près stable sur un niveau en ligne avec les fondamentaux.
Le prochain plan quinquennal ne contient pas non plus de cible de croissance précise. Il prévoit entres autres de poursuivre les réformes structurelles (renforcement des filets de sécurité sociaux, assouplissement du système « (2)hukou », développement des partenariats privés-publics, ouverture de l’économie, …) et fait de l’innovation une priorité absolue, pour gagner en indépendance technologique et limiter le risque de rupture des chaînes d’approvisionnement.
Du côté de la conjoncture, la publication des données d’activité chinoises de janvier-février montre une forte progression des trois principaux indicateurs : sur un an, la production industrielle a augmenté de +35,1%, les ventes au détail de +33,8% et l’investissement de +35,0%. Les données de commerce extérieur affichaient également de fortes hausses, en particulier les exportations qui progressaient de +60,6%.
Le rebond est en partie mécanique car l’activité était partiellement arrêtée à la même époque de l’année dernière. Cependant, les données ajustées des variations saisonnières indiquent que la production industrielle conserverait un rythme de croissance soutenue en janvier-février (+4,1% en rythme annualisé), de même que l’investissement (+15,1% en rythme annualisé). À l’inverse, les ventes au détail marqueraient le pas (-2,5% en rythme annualisé), en raison des restrictions de mobilité mises en place autour de la période du Nouvel an.
(1)PIB : Produit Intérieur Brut, indicateur des richesses produites par un pays. Indicateur économique principal de mesure de la production économique réalisée à l’intérieur d’un pays donné
(2)Le hukou est un document juridique regroupant les informations personnelles de chaque citoyen à savoir le nom, la date de naissance, le nom des parents et la situation matrimoniale.
L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 24 mars 2021 et est susceptible de changer.
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