Diminution de la probabilité d’un « soft landing »
Sans surprise, la Fed* a remonté en mars son taux directeur de 25 points de base à 0,25%-0,50%. Il s’agit de la première hausse des taux depuis 2018. La prévision médiane des membres du FOMC est désormais de 6 hausses supplémentaires de 25 points de base en 2022, entre trois et quatre hausses en 2023 et aucune hausse en 2024. Cela porterait les taux Fed Funds autour de 2,8% à fin 2023. La question du niveau final dans ce cycle de remontée reste toutefois ouverte.
Pendant la conférence de presse, Jerome Powell n’a pas exclu de procéder à des hausses de taux supérieures à 25 points de base si l’inflation s’avérait plus forte que prévue, un message qu’il a réitéré avec plus de force une semaine plus tard lors d’un discours intitulé « rétablir la stabilité des prix ». En ce qui concerne la question de la réduction du bilan, actuellement de 9 000 milliards de dollars, le président de la Fed a indiqué que l’institution devrait intervenir dans les prochains mois.
Lors de son discours sur la stabilité des prix, Jerome Powell a reconnu que le contexte actuel ne rendait pas évident un « soft landing » de l’économie. Autrement dit, la Fed pourrait devoir mettre en œuvre un très fort ralentissement de la croissance pour calmer les tensions sur le marché du travail et juguler les pressions inflationnistes, qui continuent de se renforcer.
En février, le taux de chômage a baissé de 4,0% à 3,8% pour se rapprocher de son point historique de 3,5%. Les créations d’emplois sont très dynamiques, mais le nombre d’emplois vacants demeure proche des plus hauts, ce qui montre un déséquilibre toujours important entre l’offre de
travail et la demande. Ce contexte est propice à des hausses de salaires, mais les derniers chiffres indiquaient une stabilisation, après une nette accélération lors des mois précédents. L’inflation a continué d’accélérer en février pour atteindre +7,9% sur un an et +6,4% hors énergie et alimentation, des rythmes inédits depuis plusieurs décennies.
Pour l’instant, la guerre en Ukraine ne semble pas perturber outre mesure l’activité et le marché du travail. L’indice PMI composite a augmenté de 55,9 à 58,5 en estimation préliminaire au mois de mars et les inscriptions hebdomadaires au chômage ont atteint un plus bas depuis 1969 à 187 000 sur la semaine du 14 mars. En revanche, les indices de confiance des consommateurs montraient un fort impact sur les anticipations d’inflation en mars.
*Fed : La réserve fédérale des Etats-Unis, soit la banque centrale des Etats-Unis.
Dégradation des perspectives de croissance et d’inflation
À première vue, la publication des enquêtes PMI* du mois de mars montrait une bonne résistance de l’activité face à la guerre en Ukraine et à la hausse des cours des matières premières. Le PMI composite pour l’ensemble de la zone euro a baissé de 55,4 à 54,5 en estimation préliminaire, alors que le consensus craignait une baisse plus forte à 53,8. Le PMI manufacturier a baissé de 58,2 à 57,0 et le PMI des services de 55,5 à 54,8, des niveaux cohérents avec un bon niveau de croissance.
Plus en détail, cette publication contenait des éléments moins encourageants. Les indices PMI relatifs aux prix ont augmenté à des rythmes sans précédent et les tensions d’approvisionnement se sont renforcées, alors qu’elles commençaient à se résorber. On observe également un fort repli de l’indice mesurant les perspectives d’activité, qui n’entre pas dans le calcul du chiffre global. En revanche, la composante emploi restait bien orientée.
À court terme, la hausse des cours des matières premières va continuer d’alimenter l’inflation, qui s’est établie à +5,9% sur un an en février (+2,7% hors énergie et alimentation). Les chiffres préliminaires de mars pour l’Allemagne, la France et l’Espagne étaient déjà plus forts que les attentes, atteignant respectivement +7,3%, +4,5% et +9,8%. Dans ce contexte de hausses de prix, la confiance des consommateurs a chuté en mars. L’indice de la Commission européenne a baissé de près de 10 points sur le mois à -18,7. Il s’agit de la deuxième plus forte baisse mensuelle après celle de la crise du Covid-19 au printemps 2020.
Pour réduire l’impact négatif de l’inflation sur le pouvoir d’achat des ménages, les gouvernements amplifient leurs mesures de soutien. Par exemple, le gouvernement français a annoncé une remise sur le prix du carburant de 18 centimes par litre à partir du 1er avril, pour une période de quatre mois. D’autres pays ont pris des mesures semblables, notamment l’Allemagne et l’Italie.
Si la guerre en Ukraine a considérablement augmenté l’incertitude, la BCE a néanmoins confirmé l’orientation moins accommodante de sa politique monétaire. Le 10 mars, Christine Lagarde a annoncé que le programme d’achats d’actifs pourrait se terminer dans le courant du troisième trimestre et que la hausse des taux interviendrait « quelques temps après », ce qui ouvre la voie à une première hausse des taux cette année tout en laissant une certaine flexibilité.
Dans le scénario central de la BCE, qui prévoit une baisse progressive des prix de l’énergie, la croissance annuelle du PIB devrait rester au-dessus de son potentiel en 2022 et 2023 et l’inflation reviendrait sur un rythme proche de 2% à partir de 2023. Dans son scénario le plus sévère, qui prend l’hypothèse d’un maintien des prix de l’énergie sur des niveaux élevés, mais qui ne couvre pas l’arrêt des importations d’énergie depuis la Russie, la croissance serait légèrement négative sur les trimestres à venir et l’inflation ne reviendrait sous les 2% qu’en 2024.
*PMI : Purchasing Managers Index. Les indices PMI sont des indicateurs de confiance qui synthétisent les résultats des enquêtes menées auprès des directeurs d’achats des entreprises. Une valeur supérieure à 50 indique un sentiment positif dans le secteur concerné (manufacturier ou service).
Bon début d’année avant le regain épidémique
Les statistiques des deux premiers mois de l’année ont surpris positivement. La production industrielle a accéléré de +4,3% à +7,5% sur un an, grâce notamment à un rebond de la production automobile. En revanche, la production des secteurs exposés à l’immobilier, comme l’acier ou le ciment, est restée faible. Malgré les restrictions mises en place pour le Nouvel an lunaire, les ventes au détail ont rebondi de +1,7% à +6,7% sur un an.
L’investissement a fortement accéléré pour s’établir en hausse de +12,2% sur un an, contre +2,0% en décembre. En détail, l’investissement dans le secteur manufacturier est passé de +11,8% à +20,9%, l’investissement en infrastructure de +3,7% à +8,6% et l’investissement dans le secteur immobilier de -13,9% à +3,7% sur un an. Les ventes de logements et les mises en chantiers se sont également améliorées, tout en restant en baisse de respectivement 9,6% et 12,1% par rapport à l’an passé. Les prix de l’immobilier sont à peu près stables depuis deux mois.
Malgré ce bon début d’année, les risques sur la croissance chinoise sont importants à court terme. La propagation du variant Omicron a entraîné un net rebond du nombre de cas de Covid-19 et un renforcement des restrictions sanitaires dans plusieurs grandes villes, en particulier à Shenzhen et à Shanghai. Fin mars, les villes comportant des zones considérées par les autorités chinoises comme étant à haut risque et à risque moyen de restrictions, représentaient environ un tiers du PIB chinois.
La grande contagiosité du variant Omicron met à rude épreuve la stratégie « zéro Covid » du gouvernement, mais un changement d’approche ne semble pas à l’ordre du jour. Lors de la réunion du Politburo du 17 mars, Xi Jinping a déclaré que la Chine poursuivrait dans cette voie, tout en mettant l’accent sur l’importance de minimiser le coût économique des restrictions.
L’augmentation de la couverture vaccinale des seniors pourrait être une première étape vers une évolution de cette stratégie. Mi-mars, 88% de la population chinoise avait reçu au moins deux doses de vaccins, mais moins de la moitié des 264 millions de personnes âgées 60 ans et plus avait reçu une troisième dose. Cette proportion descendait à 20% pour les personnes âgées de plus de 80 ans. Le risque de pertes humaines liées à un relâchement de la politique « zéro Covid » est sans doute jugé encore trop important.
Ce contexte rend particulièrement ambitieux les objectifs économiques présentés par le gouvernement lors de la session annuelle du parlement qui s’est achevée le 11 mars. Les autorités ont notamment annoncé viser une croissance « d’environ 5,5% » cette année. Les mesures de soutien à l’activité pourraient ainsi être renforcées dans les prochains mois.
Voir aussi : https://latribune.lazardfreresgestion.fr/point-conjoncturel-fevrier-2022/
L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 4 avril 2022 et est susceptible de changer.
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