Etats-Unis : un contexte favorable à une poursuite des hausses de taux
Le rapport sur l’emploi de septembre montre une économie américaine qui résiste bien, alors que la Fed cherche au contraire à la faire plier pour juguler l’inflation. Les créations d’emplois ralentissent mais restent sur un niveau élevé, à 263 000 au global et 288 000 dans le secteur privé. Le taux de chômage revient sur ses points bas d’avant la pandémie à 3,5%, aidé par la baisse du taux de participation à 62,3%. La hausse du salaire horaire a ralenti par rapport à l’été 2021 et 2022, mais reste supérieur à la moyenne pré-Covid.
Le mois d’août a vu une forte baisse des offres d’emplois. Il pourrait s’agir du premier signe d’un desserrement des tensions sur le marché du travail, mais cela reste à confirmer. Il faudra surveiller l’évolution du ratio d’offres par demandeur d’emploi, qui atteignait 1,8 en août. Lors de son discours à Jackson Hole fin août, Jérôme Powell avait déclaré vouloir ramener ce ratio autour de 1, en indiquant qu’une récession serait sans doute nécessaire pour y parvenir.
Pour l’instant, le contexte n’est pas du tout celui d’une récession. De nombreux indicateurs restent bien orientés et le modèle de prévision en temps réel de la Fed d’Atlanta anticipe un retour à la croissance dès le troisième trimestre. La consommation des ménages évolue sur un rythme correct, mais c’est surtout le commerce extérieur qui devrait contribuer à soutenir la croissance. A contrario, l’investissement résidentiel devrait encore peser, l’activité continuant à se replier dans le secteur de l’immobilier. La hausse des taux d’intérêt pèse sur la demande de logements et les prix ont commencé à baisser en juillet.
Les chiffres d’inflation de septembre étaient une nouvelle fois très élevés. Le glissement sur un an a ralenti de +8,3% à +8,2%, mais est passé de +6,3% à +6,6% hors énergie et alimentation, un plus haut depuis 1982. L’apaisement des tensions sur les chaînes de production a permis une poursuite du ralentissement de l’inflation des biens, mais l’inflation des services a continué d’accélérer. On observe notamment une hausse du coût du logement, des transports et des services médicaux.
En l’absence de réels signes de ralentissement du marché de l’emploi et de l’inflation, la Fed devrait maintenir un rythme soutenu de hausse des taux. Les membres du comité de politique monétaire attendent encore 125 points de base de hausses d’ici la fin de l’année. À l’horizon fin 2023, les taux courts évolueraient dans une fourchette de 4,50-4,75%. Un an plus tôt, le même panel anticipait des taux autour de 1,00%, ce qui illustre l’ampleur du changement intervenu pour les banquiers centraux, désormais focalisés sur la lutte contre l’inflation.
Zone euro : des signes de ralentissement qui se multiplient
Les dernières statistiques montrent une poursuite de la dégradation progressive de la conjoncture. L’indice PMI* composite pour la zone euro a baissé de 48,9 à 48,1 en septembre, un niveau cohérent avec une légère contraction de l’activité. Le ralentissement de la croissance ne se traduit pas encore par une remontée du taux de chômage, qui se maintient au plus bas à 6,6%. On commence néanmoins à observer un retournement du marché de l’emploi dans les pays les plus prompts à publier leurs données. Tel est le cas de l’Allemagne, où 4000 emplois ont été détruits au mois d’août. Si la dégradation de la conjoncture reste pour le moment modérée, l’impact de la crise énergétique ne s’est pas encore pleinement fait sentir, les gouvernements multipliant les mesures de soutien.
En Allemagne, le gouvernement a annoncé un plan d’aide énergétique massif d’un montant maximum de 200 milliards d’euros sur deux ans (plus de 5% du PIB). Celui-ci servira à la fois à plafonner les prix de l’énergie et à renflouer les entreprises du secteur énergétique. Il sera financé par de nouveaux emprunts, mais les fonds transiteront par le Fonds de stabilisation économique, une structure hors budget mise en place pendant la pandémie. À l’échelle européenne, la Commission a proposé de nouvelles mesures pour faire face à la hausse des prix et garantir la sécurité de l’approvisionnement en gaz. Celles-ci prévoient l’achat commun de gaz, des mécanismes de limitation des prix, des mesures concernant la solidarité entre les États membres et la poursuite des efforts pour réduire la demande de gaz.
Les boucliers tarifaires permettent de limiter la hausse des prix de l’énergie, mais l’inflation reste toutefois très élevée.
En septembre, l’inflation sur un an est passée de +9,1% à +9,9% et de +4,3% à +4,8% hors énergie et alimentation. L’écart entre ces deux mesures montre que l’accélération de l’inflation doit beaucoup à l’énergie, mais un nombre croissant de biens et services sont en forte hausse. Si l’on décompose l’inflation en 94 catégories de produits, plus de la moitié augmentaient de plus de 5% en septembre, témoignant de pressions inflationnistes généralisées.
Bien que l’inflation reste très élevée, une poursuite de la dégradation de la conjoncture pourrait amener la BCE à faire une pause dans son cycle de hausse de taux à la fin de l’année, après deux hausses supplémentaires en octobre et en décembre qui seront sans doute significatives (50 ou 75 points de base), le temps d’évaluer les conséquences du resserrement passé. Actuellement, le marché anticipe toujours 100 points de base de hausses supplémentaires sur le premier semestre 2023, ce qui porterait le taux de rémunération des dépôts autour de 3%.
** PMI : Purchasing Managers Index. Les indices PMI sont des indicateurs de confiance qui synthétisent les résultats des enquêtes menées auprès des directeurs d’achats des entreprises. Une valeur supérieure à 50 indique un sentiment positif dans le secteur concerné (manufacturier ou service).
Chine : une reprise fragile
Les statistiques récentes montrent un rebond progressif de la croissance chinoise au troisième trimestre, après une baisse du PIB de 10% en rythme annualisé au deuxième trimestre. On observe notamment une poursuite de la hausse des investissements en infrastructures, qui progressent de plus de 15% sur un an, signe que les mesures de soutien du gouvernement portent leurs fruits. En avril dernier, Xi Jinping avait appelé à déployer tous les efforts possibles pour renforcer la construction d’infrastructures.
La reprise semble toutefois fragile, à l’image de la dégradation des enquêtes PMI au mois de septembre. Le recul de cet indicateur a été plus marqué dans le secteur des services que dans le secteur manufacturier, dans un contexte de renforcement des restrictions sanitaires. En septembre, plusieurs métropoles ont été confinées partiellement ou totalement (Shenzhen, Chengdu). La plupart des restrictions ont depuis été levées, mais on observe une nouvelle augmentation du nombre de nouveaux cas depuis début octobre.
Pour l’instant, nous n’observons pas encore de réels signes d’amélioration dans le secteur immobilier, tout au plus une stabilisation. En août, en glissement annuel, l’investissement en immobilier reculait de 13,8%, les ventes de logements baissaient de 24,5%, les mises en chantiers de 45,7% et les prix de 2,1%. Pour atténuer la crise de liquidité des promoteurs, le gouvernement a annoncé la mise en place d’un programme spécial de prêts ainsi que des garanties publiques pour certaines émissions obligataires. Des mesures ont également été prises au niveau local pour relancer les ventes.
C’est dans cet environnement que s’est ouvert le 20ème Congrès du Parti communiste chinois. Le discours d’ouverture de Xi Jinping s’est concentré sur les objectifs de long terme et ne donnait pas vraiment d’indication sur l’orientation de la politique économique en 2023. Xi Jinping a indiqué que le développement économique restait une priorité absolue et a renouvelé son ambition de porter le PIB chinois au niveau de celui des pays « moyennement développés » en 2035. Cette formulation a été interprétée comme une volonté renouvelée de doubler le PIB à cet horizon, ce qui impliquerait une croissance annuelle moyenne de +4,7%, un rythme ambitieux. Xi Jinping a défendu les bienfaits de la politique du zéro-Covid et le discours à l’égard du marché de l’immobilier est resté globalement inchangé, réitérant l’idée qu’un logement sert à se loger et non pas à spéculer. Concernant la politique étrangère, Xi Jinping a réitéré sa volonté de réunification avec Taiwan. Le Parti continuera à faire son possible en vue de réaliser une réunification pacifique mais n’exclut pas pour autant un recours à la force.
Voir aussi : https://latribune.lazardfreresgestion.fr/point-conjoncturel-juillet-2022/
L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 21 octobre 2022 et est susceptible de changer.
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