Tout avait si bien commencé…

REMISE EN CAUSE OU REPORT DU SCENARIO POSITIF ?

 

Le comportement erratique du marché au premier trimestre marque une rupture après une année 2017 particulièrement paisible. Les importantes variations à la hausse comme à la baisse des derniers jours décrivent un marché hésitant.
Alors que l’année avait commencé sous les meilleurs auspices sur les marchés, ceux-ci prolongeant les tendances de 2017 pour afficher jusqu’à 5%-7% de hausse en l’espace de quelques semaines, les mois de février et de mars ont refroidi les ardeurs des investisseurs. Une baisse cumulée de près de 10% depuis les points hauts de fin janvier a ramené la progression des principaux indices en territoire négatif pour le premier trimestre (-3,0% pour l’Euro Stoxx, -4,2% pour le MSCI World en euro). Le crédit n’est pas resté insensible à ce mouvement, avec des spreads qui se sont écartés.

 

Un changement de régime des marchés ?

Le choc pour les investisseurs est d’autant plus brutal qu’il intervient après une période de volatilité exceptionnellement faible. En 2017, seules 3 séances ont vu l’indice MSCI World varier de plus de 1%, à la hausse comme à la baisse, contre une moyenne de 40 séances par année depuis 1972. Comme nous l’évoquions début février, cette faible volatilité avait pu contribuer à une certaine complaisance et à des excès dont le débouclage a amplifié une première correction. Le mois de mars a vu émerger de nouvelles inquiétudes qui ont déclenché une deuxième phase de baisse. Les motifs en sont la baisse des valeurs technologiques et aussi l’éventualité d’une guerre commerciale.
Sommes-nous pour autant en train d’évoluer vers un régime de volatilité plus élevée ? L’avenir le dira, mais cela ne signifierait pas pour autant la fin de la hausse des marchés. Rappelons qu’entre fin 1996 et août 2000, le VIX (indice de volatilité) a passé 80% de la période au-dessus de 20, ce qui n’a pas empêché le marché actions de progresser ! Cet épisode est sans doute plus un retour à la normale après une période exceptionnellement calme.

 

Un environnement économique toujours favorable

Les fondamentaux économiques restent favorables. Certes, certains indicateurs peuvent décevoir, comme les indices PMI d’activité manufacturière de la zone euro qui baissent depuis deux mois. Ils étaient à des niveaux cohérents avec une croissance de 3,5-4,0%. Ils sont aujourd’hui plus en ligne avec le niveau récent de la croissance de la zone euro, à savoir 2,0-2,5%. Aux Etats- Unis, la consommation a déçu sur les deux premiers mois, mais cela vient après une fin d’année 2017 très forte et le rebond des ventes de voitures en mars rassure. Ces évolutions relèvent davantage de la volatilité normale que d’un changement de tendance. Les inscriptions hebdomadaires au chômage, un des meilleurs indicateurs conjoncturels américains, sont à leur plus bas niveau depuis 1973 !
Sur le plan économique, la principale nouveauté est à trouver du côté de la politique budgétaire américaine. Les effets conjugués des baisses d’impôts et de l’accord budgétaire de début février vont porter le déficit budgétaire à plus de 5,0% sur l’année fiscale 2019 contre 3,4% en 2017. Une telle augmentation du déficit devrait constituer un soutien notable à la demande finale. Reste à savoir si les effets se retrouveront aux Etats-Unis ou dans les importations.

 

Une trajectoire de politique monétaire clarifiée

Avec l’arrivée de Jerome Powell à la tête de la Fed, la continuité devrait prévaloir pour la politique monétaire de la Fed. La banque centrale américaine va continuer de relever graduellement ses taux directeurs, sans accélérer brutalement le mouvement, du moins tant que l’inflation reste sous contrôle. La principale différence est que les marchés se sont rapprochés de la trajectoire médiane des prévisions de la Fed. En septembre 2017, les anticipations implicites des marchés montraient moins de deux hausses au total sur 2018 et 2019. Aujourd’hui, les marchés anticipent trois hausses sur 2018, dont une ayant déjà eu lieu fin mars, et une à deux attendue(s) en 2019. Cet ajustement a contribué à la remontée des taux longs, qui ont tutoyé 3,0% à dix ans aux Etats Unis. La poursuite de cette normalisation devrait donc continuer de tirer les taux à la hausse, même si le mouvement se fera sans doute plus lentement qu’entre septembre et février.

 

La guerre commerciale : une posture ?

Les Etats-Unis ont annoncé le détail des 1333 produits chinois touchés par les augmentations de droits, représentant près de 50 Mds USD d’importations. Quelques jours plus tard, les autorités chinoises ont publié une liste de produits américains qui seraient l’objet de nouveaux droits de douane pour un montant équivalent. Ces actions étaient prévisibles. Donald Trump avaient fait du protectionnisme un de ses principaux arguments de campagne et il devait montrer qu’il agit sur ce plan-là. Les dirigeants chinois devaient riposter vis-à-vis d’une population très nationaliste. Mais derrière des discours très durs, ceux-ci ont laissé la porte ouverte aux négociations des deux côtés. Lorsque Donald Trump a annoncé des droits de douane de 25% sur l’acier et 10% sur l’aluminium début mars, tous les pays devaient être concernés initialement. Plusieurs pays ont depuis été exemptés. Sur plusieurs sujets, on avait déjà pu voir des actions plus modérées suivre des premières déclarations retentissantes.

Même si les mesures annoncées devaient être mises en oeuvre, l’impact sur la croissance devrait être limité.

 

Un premier trimestre contrasté sur les marchés de crédit

Après avoir démarré 2018 de façon très positive, les marchés ont changé de tendance à partir de fin janvier, éliminant la performance des premières semaines de l’année et passant depuis en territoire négatif. Au sein des marchés de crédit, la dette financière subordonnée qui avait très bien performé en début d’année a été plus chahutée.

Le 1er facteur ayant pesé sur les marchés obligataires fut le mouvement de remontée des taux que nous avons connu en janvier et février. L’écartement des spreads et la baisse des marchés actions composent le 2ème facteur qui a pénalisé les dettes hybrides financières. Enfin, un 3ème facteur est venu accentuer ce phénomène d’écartement des spreads : un marché primaire abondant.

La bonne nouvelle est que le primaire récent performe bien. La plupart des émissions récentes cotent au-dessus du prix d’émission. La seconde bonne nouvelle est que la correction récente ne provient pas des fondamentaux, ni de l’économie, ni du secteur financier, ni du marché des dettes hybrides financières en particulier.

La pression technique connue en mars devrait probablement connaître une pause à partir d’avril. Les entreprises vont commencer à publier leurs résultats trimestriels et les nouvelles émissions à la veille des publications de résultats sont généralement limitées. Nous pensons que l’évolution récente des spreads est davantage le reflet d’une pression technique temporaire et d’une faible liquidité.

Le regain de confiance des investisseurs passera sans doute par une diminution de l’incertitude sur les marchés et une réduction de la volatilité de ses  principaux indices. Malgré un début d’année prometteur puis plus chaotique nous confirmons nos prévisions annuelles de resserrement modéré des spreads et de performances positives, essentiellement liées au portage des fonds. Le retour de cette confiance serait lié à la réduction plus durable de la volatilité générale des marchés.

 

 

L’opinion exprimée ci-dessus est datée du mois d’avril 2018 et est susceptible de changer.

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