Un jeune, une œuvre : nos questions à Diane Marchioni

À l’occasion de sa cinquième année d’études à l’Institut National du Patrimoine, Diane Marchioni a réalisé la restauration d’un tableau du XVème siècle conservé au musée Jacquemart-André. Retour sur le projet de cette étudiante soutenue par la Fondation Lazard Frères Gestion – Institut de France.

Pouvez-vous nous rappeler ce qui vous a amenée à choisir cette œuvre pour votre projet de restauration à l’INP ?

J’ai un attrait particulier pour la peinture ancienne, notamment celle qui précède la Renaissance. Ces peintures présentent des problématiques de restauration complexes, dues à leur ancienneté et leurs remaniements. De plus, ces œuvres ont souvent perdu leur identité. C’est le cas pour la Vierge de douleur du musée Jacquemart-André : on ne savait ni quand ni même dans quel pays elle fut produite. Cela rend la recherche historique passionnante !

Vous avez donc mené l’enquête sur l’histoire de cette œuvre, qu’avez-vous pu en conclure ?

Grâce à l’identification des matériaux par les laboratoires partenaires, nous avons pu retrouver l’origine probable de l’œuvre, jusqu’alors inconnue. Les historiens de l’art au siècle dernier hésitaient entre une production flamande, française ou espagnole ; en réalité, les matériaux et techniques employés trahissent une provenance Bavaroise. Ensuite, une comparaison stylistique avec les peintures de cette région à la fin du XVème siècle permet de se rapprocher d’un cercle d’artiste. C’est ainsi que nous avons conclu, en collaboration avec les musées régionaux, que notre Vierge de douleur sort très probablement d’un atelier à Nuremberg, dans lequel s’est notamment initié Dürer à la peinture quelques décennies plus tard !

Quelles ont été les principales étapes de la restauration ?

La restauration a répondu à trois objectifs principaux :

  • la stabilisation des matériaux, qui assure la pérennité de l’objet sur le long terme. Les interventions permettant cette stabilisation étaient par exemple le déblocage du parquetage, qui contraignait le panneau ; la consolidation des fentes du panneau ; ou le refixage des écailles de dorure du cadre.
  • la lisibilité de l’œuvre, ce qui permet au spectateur contemporain de pouvoir admirer et comprendre l’image. Comme disait Picasso, « un tableau ne vit que par celui qui le regarde ». Il a donc fallu retirer les matériaux non-originaux qui occultaient la peinture, comme la crasse, les vernis et les repeints. Cette opération se fait petit à petit et s’arrête au moment où la lisibilité de l’image est satisfaisante. Ensuite, dans les zones où la peinture originale manque, un apport de couleur permet de retrouver une continuité des formes et des volumes.
  • La cohérence du panneau peint et du cadre. Ces deux objets ont été assemblés tardivement (au XIXème siècle), et ils coexistent aujourd’hui au péril de l’un et de l’autre. Le cadre ne remplissait pas sa fonction première de protection du panneau. Il a donc fallu protéger les zones de contact, et revoir le système de maintien du panneau.

Quels ont été les défis techniques, peut-être inattendus, auxquels vous avez été confrontée ?

Le plus grand défi était sans conteste la restauration du cadre. En effet, les restaurateurs de peinture sont rarement confrontés à des objets en trois dimensions. La dorure également demande une expertise particulière. Je me suis entourée de professionnels en la matière qui m’ont aiguillé pour parvenir à comprendre cet objet et à sélectionner les traitements de restauration adéquats.

Qu’avez-vous appris grâce à ce projet ?

Ce projet d’un an fut très riche en échanges avec des professionnels du patrimoine de tous horizons : conservateurs, restaurateurs, scientifiques, historiens de l’art, commissaires-priseurs… Je me rends compte à quel point une oeuvre doit être vue par différents yeux pour être totalement comprise. L’approche est forcément interdisciplinaire, cela s’est particulièrement manifesté cette année.

Avez-vous déjà en tête de prochaines œuvres sur lesquelles vous aimeriez travailler à l’avenir suite à votre diplomation ?

J’ai une préférence personnelle pour les peintures anciennes, mais pour autant, toute peinture, quelle que soit son époque, possède des particularités techniques, artistiques ou historiques qui sont à explorer. C’est cela qui rend notre métier passionnant : la diversité patrimoniale et la singularité de chaque œuvre. Je souhaite donc rester « généraliste » et j’espère travailler sur des peintures toujours un peu différentes.

 

Une nouvelle action en faveur du patrimoine culturel, historique et artistique de la fondation Lazard Frères Gestion – Institut de France. Pour en savoir plus sur la fondation : https://latribune.lazardfreresgestion.fr/lancement-de-la-fondation-lazard-freres-gestion-institut-de-france/