Point conjoncturel – juin 2024

Signaux mitigés sur la conjoncture

Après un net ralentissement en avril, les créations d’emplois ont rebondi plus que prévu en mai, atteignant 272 000 selon l’enquête auprès des entreprises, avec une bonne répartition entre les secteurs. Le salaire horaire a également été solide, avec une progression de +0,4% sur le mois et de +4,1% en glissement sur un an. A contrario, l’enquête auprès des ménages a fait état de 408 000 destructions d’emplois (voir graphique) et d’une poursuite de la remontée du taux de chômage à 4,0%, mais cette enquête est très volatile et a déjà affiché de fortes baisses suivies de rebond. Aussi, le nombre d’offres d’emplois a marqué le pas en avril et les inscriptions hebdomadaires au chômage ont continué d’augmenter.

Allant dans le sens d’une modération de la croissance américaine, les chiffres de la consommation ont été moins bons. Après deux mois forts, les ménages ont réduit leurs dépenses de 0,1 % en avril, et les ventes au détail de mai ont été inférieures aux attentes. La catégorie servant à calculer la consommation de biens dans le PIB a progressé de +0,4% sur le mois, mais les chiffres du mois précédent ont été revus en baisse. On observe également une dégradation de l’activité dans le secteur de l’immobilier, notamment au niveau des permis de construire, de la confiance des promoteurs immobiliers et des ventes de maisons.

Les enquêtes PMI de juin offrent une perspective plus rassurante pour l’économie américaine. En effet, le PMI composite s’est stabilisé à 54,6, un niveau cohérent avec une croissance proche de 2%. La légère amélioration du PMI manufacturier sur le mois contraste avec la dégradation de l’enquête ISM de mai. Dans les services, le PMI s’est amélioré pour atteindre un plus haut depuis plus de deux ans. Autre signe que la demande domestique reste bonne : les importations réaccélèrent.

Cela pourrait continuer à exercer une pression haussière sur les prix. Le déflateur de la consommation d’avril était un peu plus faible que sur les trois premiers mois de l’année, mais cette mesure de l’inflation restait encore élevée à +0,25% sur un mois. La bonne nouvelle est que la hausse des prix à la consommation, qui entre dans le calcul du déflateur, s’est nettement modérée en mai. Hors énergie et alimentation, les prix n’ont augmenté que de +0,16% sur le mois, la plus faible hausse depuis août 2021. Les prix des services hors logement ont même diminué, ce qui n’était plus arrivé depuis trois ans.

Malgré ce rapport encourageant, publié avant la dernière réunion de la Fed, les membres du comité de politique monétaire sont restés assez prudents. La prévision médiane de taux directeur indique désormais une seule baisse de 25 points de base d’ici la fin de l’année, contre trois en mars dernier, ce qui ramènerait le taux directeur entre 5,00 % et 5,25 %. Toutefois, les avis sont partagés : huit membres anticipent deux baisses, sept une seule et quatre aucune. Les marchés misent plutôt sur deux baisses.

 

 

Poursuite de la reprise économique

Les élections européennes du 9 juin n’ont pas modifié l’équilibre du Parlement européen, la coalition sortante composée des conservateurs, des sociaux-démocrates et des centristes conservant la majorité avec près de 400 sièges sur 720. Ces trois groupes ont trouvé un accord de principe pour l’attribution des principaux postes européens, notamment pour reconduire Ursula von der Leyen à la tête de la Commission européenne. Cela devrait assurer la continuité des politiques mises en place.

La situation est plus incertaine en France depuis l’annonce de la dissolution de l’Assemblée, le 9 juin. Les sondages continuent d’indiquer un scénario d’absence de majorité, attribuant entre 33% et 35% des voix au Rassemblement National, entre 26% et 29% au Nouveau Front Populaire et entre 18% et 22% au bloc macroniste. Dans ce scénario, la France risque un blocage institutionnel si aucun gouvernement ne peut être formé, une nouvelle dissolution n’étant pas possible avant un an.

Cependant, il est très difficile d’estimer avec une grande confiance ce que sera l’Assemblée au lendemain du 7 juillet et quel gouvernement émergera des urnes. On ne peut pas exclure l’arrivée au pouvoir de gouvernements aux plans très dispendieux, ce qui risque de provoquer des tensions avec la Commission Européenne. Vu d’aujourd’hui, l’hypothèse d’un gouvernement du Nouveau Front Populaire constituerait le scénario le plus négatif pour l’économie française et les marchés en raison des importantes dépenses envisagées. Dans la perspective des présidentielles de 2027, un éventuel gouvernement RN pourrait ne pas prendre trop de risque, mais ceci reste très incertain et le climat social pourrait pâtir d’un tel scénario.

Dans ce contexte, le supplément de rendement demandé par les investisseurs pour détenir des obligations du Trésor français plutôt que des obligations d’État allemandes s’est

nettement écarté pour dépasser 75 points de base contre 45 avant les élections. En réalité, cela s’explique surtout par la baisse des taux d’intérêt allemands. Les taux français sont à peu près stables sur les dernières semaines, évitant un surcoût susceptible de peser davantage sur les perspectives de croissance.

Actuellement, l’économie française connaît une croissance proche de son potentiel, le glissement annuel du PIB étant stable autour de 1,0%-1,3% depuis fin 2022. Toutefois, les indicateurs récents sont plus mitigés, à l’image du PMI composite français de juin, qui est resté en territoire de contraction à 48,2. Le PMI composite de la zone euro baisse aussi en juin mais demeure en territoire d’expansion à 50,8. À ce stade, le scénario d’une reprise économique graduelle dans la zone euro n’est pas remis en cause.

Si cela se confirme, la BCE pourrait adopter une approche assez prudente dans la normalisation de sa politique monétaire, pour ne pas risquer un rebond de l’inflation. Une à deux baisses des taux directeurs d’ici à la fin de l’année sont envisageables, mais l’assouplissement du 6 juin ne marque peut-être pas le début d’un cycle aussi important que ce que prévoient les marchés (-130 points de base).

 

 

Économie fragmentée

Les chiffres de mai offrent une image contrastée de l’économie chinoise, avec un secteur manufacturier exportateur toujours dynamique mais une crise immobilière qui perdure malgré le nouveau plan de sauvetage. Bien que la consommation montre une légère reprise, des facteurs temporaires ont pu jouer. Le déséquilibre entre la production et la demande reste important, ce qui nourrit des pressions déflationnistes. Le troisième plénum et la réunion du politburo prévus en juillet pourraient offrir au gouvernement l’occasion d’annoncer de nouvelles mesures de soutien à l’économie.

La production industrielle a ralenti à +5,6% en glissement sur un an, un rythme encore relativement soutenu. L’investissement global est resté stable à +3,5%. L’investissement manufacturier est resté solide (+9,4% sur un an), mais l’investissement immobilier a continué de reculer (-11,0% sur un an). Les autres indicateurs de l’immobilier étaient également orientés à la baisse. Les ventes de logements ont continué de diminuer, et la baisse des prix s’est intensifiée. Les prix de l’immobilier ancien ont reculé de 12% par rapport à leur point haut de l’été 2021.

Après un ralentissement marqué sur les derniers mois, la consommation et la production de services ont rebondi, les ventes au détail augmentant à +3,7% sur un an et la production de services à +4,8%. Toutefois, ces taux de croissance restent modestes par rapport à ceux d’avant la pandémie et des effets de base ont joué positivement.

La demande extérieure est restée robuste, avec des exportations en dollars courants en hausse de +7,6% sur un an, un rythme supérieur aux attentes. Cependant, la pérennité de cette tendance est incertaine alors que de plus en plus de partenaires commerciaux, notamment les États-Unis et l’Europe, renforcent leurs barrières douanières. Dans le même temps, les importations ont ralenti à +1,8%, un mauvais signal pour la demande domestique.

Celui-ci est renforcé par les données de crédit du mois de mai, qui ont montré un nouveau ralentissement du crédit aux ménages et aux entreprises. Mais le crédit total à l’économie s’est stabilisé grâce au rebond des émissions d’obligations publiques, indiquant un soutien budgétaire accru. De son côté, la banque centrale a maintenu son taux directeur à 2,5%, malgré une inflation très faible à +0,3% sur un an, probablement pour éviter une pression supplémentaire à la baisse sur le yuan alors que la Fed ne semble pas pressée de baisser ses taux.

Voir aussi: https://latribune.lazardfreresgestion.fr/point-conjoncturel-mai-2024/

L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 28 juin 2024 et est susceptible de changer.

 

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