Perspectives économiques – septembre 2023

Alors que l’économie américaine présentait des signes de dégradation au printemps, l’activité fait preuve de résistance. En parallèle, l’inflation a nettement ralenti depuis ses points hauts. Ce contexte alimente l’idée qu’un atterrissage en douceur de l’économie américaine est possible. L’expansion économique va-t-elle perdurer au cours des prochains mois ? Les banques centrales vont-elles poursuivre leur cycle de hausse de taux ? Quelles sont les classes d’actifs à privilégier ?

Etats-Unis : une économie qui résiste mais des signes de faiblesse

Après une dégradation de l’économie au printemps, l’activité a fait preuve de résistance. Celle-ci est liée notamment à la consommation des ménages (graphique 1). Nous considérons malgré tout que l’activité économique présente des signes de fragilités.

Le marché de l’emploi commence à se retourner. L’accélération des inscriptions hebdomadaires au chômage du printemps ne s’est pas poursuivie mais d’autres indicateurs tels que le taux de chômage se dégradent (graphique 2). Historiquement, lorsque le marché du travail commence à ralentir, cette tendance se poursuit jusqu’à basculer en récession.

Une poursuite de ce mouvement pourrait exercer une pression sur la consommation. D’autant que le matelas d’épargne constitué par les ménages durant le Covid est en train de s’épuiser (graphique 3) et que la fin du moratoire sur les prêts étudiants aura également un impact négatif. À terme, les ménages devront normaliser leur taux d’épargne (3,5% actuellement contre 7,5% en moyenne avant le Covid), ce qui pèsera sur la consommation.

Le rebond de la construction résidentielle a également constitué un facteur de résistance. Celui-ci nous semble toutefois fragile dans un environnement de hausse des taux d’intérêt.

Par ailleurs, l’économie américaine n’a pas fini d’absorber les conséquences du resserrement monétaire, qui produit généralement ses effets avec des délais de 12 à 18 mois. Or, il y a un an, les taux étaient à 2,5% contre 5,5% actuellement. La décélération du crédit a déjà atteint une ampleur similaire à celle observée lors des récessions (graphique 4).

Le scénario le plus probable selon nous reste celui d’un basculement de l’économie américaine en récession. Si celle-ci maintient sa croissance à un rythme soutenu, la Fed devrait de nouveau monter ses taux en raison de l’inflation, provoquant une récession. L’inflation globale a ralenti mais les prix des services restent sur une tendance trop élevée pour lui permettre de revenir vers la cible de la Fed. Malgré la résistance actuelle, le scénario du « soft landing », nous semble très peu probable.

Zone euro : ralentissement de la demande

L’évitement de la crise énergétique n’a pas suffi à relancer la croissance dans la zone euro. Après un bref rebond en début d’année, les enquêtes d’activité se sont nettement dégradées durant l’été et sont maintenant cohérentes avec une contraction du PIB (graphique 5).

Le durcissement monétaire de la BCE s’est rapidement répercuté sur les taux de prêts et la création de crédit a très fortement ralenti. Malgré les hausses de salaires, les revenus salariaux des ménages ont subi un fort choc inflationniste.

Certains facteurs qui avaient permis aux entreprises et aux ménages d’absorber ce double choc ne sont aujourd’hui plus présents, faisant craindre davantage d’effets de second tour sur l’économie.

Pendant la pandémie, les entreprises avaient accumulé un excédent de commandes par rapport à la production, ce qui avait eu pour effet de rendre la production insensible aux baisses des commandes. Désormais, les commandes sont revenues à un niveau cohérent avec la production et la baisse des commandes observée dans les enquêtes pourrait avoir un impact plus important sur l’activité (graphique 6).

Par ailleurs, jusqu’au printemps, les entreprises étaient dans une logique de maintien de l’emploi face à la baisse de la demande, dans un contexte de pénurie de main d’œuvre. Cela ne semble plus être le cas, à en juger par la resynchronisation des composantes « emploi » et « nouvelles commandes » des enquêtes d’activité (graphique 7). Le taux de chômage est encore au plus bas mais commence à remonter dans certains pays.

Les indicateurs les plus avancés montrent une progression toujours rapide des salaires mais la hausse commence à se tasser (graphique 8) et le ralentissement économique en cours va certainement amplifier cette tendance.

Nous pensons que les cercles vicieux entre activité et emploi se mettent en place et que l’économie de la zone euro est en train de basculer en récession.

Chine : croissance limitée

Alors que la levée des restrictions sanitaires laissait entrevoir une reprise durable de l’activité économique, la croissance chinoise a commencé à ralentir dès le deuxième trimestre et les enquêtes d’activité suggèrent que le ralentissement se poursuit (graphique 9).

L’activité continue de se détériorer dans le secteur de l’immobilier (graphique 10) qui est particulièrement important pour l’économie chinoise (environ 25% du PIB en incluant l’activité induite dans les autres secteurs). La situation pourrait demeurer compliquée à court terme, les difficultés du promoteur immobilier Country Garden suscitant des inquiétudes quant à un nouveau choc de confiance pour les acheteurs.

La consommation des ménages n’a pas encore retrouvé la tendance qui prévalait avant la pandémie et les ménages maintiennent encore un taux d’épargne élevé (graphique 11). L’environnement économique plus incertain pourrait les inciter à rester prudents.

Les autorités augmentent leur soutien à l’économie, mais un plan de relance à grande échelle ne semble pas d’actualité. D’une part, l’objectif gouvernemental d’une croissance de 5% est encore atteignable. D’autre part, les autorités ne disposent pas des mêmes marges de manœuvre que par le passé. La dette publique a déjà fortement augmenté et le gouvernement affiche une volonté de la réduire.

Dans ce contexte, nous pensons que la croissance chinoise ne devrait pas être suffisante pour compenser la récession à venir dans les économies occidentales.

Conclusion macroéconomique

La résistance de l’économie américaine n’est pas la garantie d’un « soft landing ». Certaines fragilités s’aggravent et les effets des taux élevés vont continuer d’impacter l’économie. Le scénario le plus probable reste selon nous celui d’une entrée en récession des Etats-Unis à brève échéance, les conditions d’une expansion économique durable n’étant pas réunies. Les dernières récessions se sont produites après l’arrêt des hausses de taux de la Fed, le resserrement de la politique monétaire continuant d’agir avec retard. Le reste du monde poursuit son ralentissement.

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LEXIQUE

BCE : Banque Centrale Européenne.

Fed : La réserve fédérale des Etats-Unis, soit la banque centrale des Etats-Unis.

PIB : Le produit intérieur brut est l’indicateur économique qui permet de quantifier la valeur totale de la « production de richesse » annuelle effectuée par les agents économiques résidant à l’intérieur d’un territoire.

Indices PMI : Les indices PMI (Purshasing Manager’s Indices) sont des indicateurs de confiance qui synthétisent les résultats des enquêtes menées auprès des directeurs d’achats des entreprises.    Une valeur supérieure à 50 indique un sentiment positif, tandis qu’une valeur inférieure à 50 indique un sentiment négatif.

PE (ou P/E, PER) : Le price-earnings ratio correspond au rapport entre capitalisations boursières et profits des entreprises. Cet indicateur est notamment utilisé en analyse financière pour évaluer la valeur d’un titre par rapport aux sociétés du même secteur.

€STER (Euro short-term rate) : taux interbancaire au jour le jour des banques de la zone euro (marché monétaire).

Prime de risque (actions) : la prime de risque des actions traduit le supplément de rendement offert par les marchés actions par rapport au « taux sans risque » des marchés obligataires (en général : taux des emprunts souverains à 10 ans). Ce rendement supplémentaire rémunère l’investisseur pour sa prise de risque.

Obligations High Yield : ces titres obligataires, également appelées à « haut rendement », sont des titres obligataires de nature spéculative dont la notation est inférieure à BBB- chez Standard & Poor’s ou Baa3 chez Moody’s. Ils proposent un rendement plus élevé en contrepartie d’un niveau de risque également plus élevé.

Spread de crédit : correspond à l’écart de rendement d’une obligation avec celui d’un emprunt « sans risque » de même maturité. Le terme « spread » désigne donc un « écart de taux » ou « différentiel de taux ». Plus la solvabilité de l’émetteur est perçue comme bonne, plus faible est le spread.

L’opinion exprimée ci-dessus est datée du mois de septembre 2023 et est susceptible de changer. Données les plus récentes à la date de publication.

 

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