Des marchés trop optimistes ?
Contrairement à nos attentes de début 2023, les actifs risqués ont affiché de très bonnes performances l’année dernière. Les marchés actions et le segment obligataire « High Yield » (à haut rendement) ont nettement rebondi, retrouvant et dépassant les niveaux du début de l’année 2022 (graphique 15).
Les marchés anticipent un scénario idéal, avec un assouplissement monétaire important de la part des banques centrales, sans réel ralentissement de l’activité économique.
Dans la zone euro, les investisseurs anticipent des baisses de taux dès les réunions de mars ou avril, mais plusieurs membres du conseil des gouverneurs souhaitent voir une inflexion des données de salaires au préalable, ce qui retarderait leur action.
Aux États-Unis, le marché va bien au-delà du scénario médian de la Fed qui fait état de trois baisses de taux sur l’année. Les investisseurs anticipent des baisses dès mars alors que plusieurs membres du comité de politique monétaire ont parlé de la deuxième moitié de l’année.
Dans un scénario de « soft landing » de l’économie américaine, nous pensons que la Fed ne baissera pas ses taux d’intérêt autant que ce que le marché anticipe. En revanche, dans un scénario de récession, les baisses pourraient être plus importantes (graphique 16).
Fin 2023, les taux d’intérêt à long terme ont fortement baissé par anticipation d’une baisse de taux directeur aux Etats-Unis. L’écart entre le taux à 10 ans et le taux directeur atteint désormais un niveau historiquement élevé (graphique 17). Une révision des attentes sur les taux courts aurait sans doute un effet notable sur les taux longs.
Sur le segment « High Yield », le niveau des marges de crédit se rapproche des niveaux cohérents avec une expansion économique plus vigoureuse que ce que l’on observe actuellement. Les fondamentaux des entreprises sont encore solides, mais on observe des dégradations. Les taux de défaut ont commencé à remonter aux États-Unis, mais ils restent modérés en Europe (graphique 18).
Sur le segment « Investment Grade », correspondant aux emprunteurs de haute qualité, le niveau des taux pourrait permettre d’absorber un écartement des marges de crédit en cas de dégradation de la conjoncture (graphique 19).
Sur les marchés actions, la fin de l’année 2023 a été marquée par une opposition notable entre valeurs cycliques et valeurs défensives. L’engouement des investisseurs pour les valeurs cycliques reflète des anticipations de reprise économique qui nous semblent très optimistes et qui ne sont pas encore visibles dans les indicateurs (graphique 20).
Sur le marché américain, après une année 2022 très mauvaise, les valeurs technologiques ont fortement rebondi en 2023, portées par la thématique de l’intelligence artificielle (graphique 21). Jusqu’à fin octobre, le reste du marché était stable, voire en légère baisse.
Face au risque de déception sur l’activité économique, les marchés actions offrent peu de marges de sécurité : les primes de risque sont historiquement basses aux États-Unis et proches des points bas des dix dernières années en Europe.
Si l’accélération de l’activité anticipée ne se produit pas, les anticipations de marché relatives aux résultats des entreprises pourraient se retrouver sous pression. Les indicateurs économiques sont à des niveaux cohérents avec une contraction des résultats tandis que les analystes anticipent une augmentation à deux chiffres au niveau mondial, associée à une nouvelle augmentation des marges (graphique 22).
Conclusion financière
Les marchés ont anticipé un scénario particulière-ment favorable dès la fin d’année 2023, ce qui pourrait amener des corrections à court terme dans un environnement toujours incertain.
Les taux d’intérêt devraient rester volatils dans un contexte où les économies peuvent évoluer sur des trajectoires très différentes en termes de croissance et d’inflation. Les prévisions de croissance des résultats des entreprises sont sans doute trop optimistes et pourraient amener de la volatilité sur les marchés actions. Les marges de crédit sont probablement un peu trop tôt resserrées. Nous privilégions une allocation prudente à court terme, mais profiterions des corrections pour réduire la sous-exposition aux actifs risqués si les données de l’emploi restent solides.
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LEXIQUE
BCE : Banque Centrale Européenne.
Fed : La réserve fédérale des Etats-Unis, soit la banque centrale des Etats-Unis.
PIB : Le produit intérieur brut est l’indicateur économique qui permet de quantifier la valeur totale de la « production de richesse » annuelle effectuée par les agents économiques résidant à l’intérieur d’un territoire.
Indices PMI : Les indices PMI (Purshasing Manager’s Indices) sont des indicateurs de confiance qui synthétisent les résultats des enquêtes menées auprès des directeurs d’achats des entreprises. Une valeur supérieure à 50 indique un sentiment positif, tandis qu’une valeur inférieure à 50 indique un sentiment négatif.
PE (ou P/E, PER) : Le price-earnings ratio correspond au rapport entre capitalisations boursières et profits des entreprises. Cet indicateur est notamment utilisé en analyse financière pour évaluer la valeur d’un titre par rapport aux sociétés du même secteur.
€STER (Euro short-term rate) : taux interbancaire au jour le jour des banques de la zone euro (marché monétaire).
Prime de risque (actions) : la prime de risque des actions traduit le supplément de rendement offert par les marchés actions par rapport au « taux sans risque » des marchés obligataires (en général : taux des emprunts souverains à 10 ans). Ce rendement supplémentaire rémunère l’investisseur pour sa prise de risque.
Obligations High Yield : ces titres obligataires, également appelées à « haut rendement », sont des titres obligataires de nature spéculative dont la notation est inférieure à BBB- chez Standard & Poor’s ou Baa3 chez Moody’s. Ils proposent un rendement plus élevé en contrepartie d’un niveau de risque également plus élevé.
Spread de crédit : correspond à l’écart de rendement d’une obligation avec celui d’un emprunt « sans risque » de même maturité. Le terme « spread » désigne donc un « écart de taux » ou « différentiel de taux ». Plus la solvabilité de l’émetteur est perçue comme bonne, plus faible est le spread.
L’opinion exprimée ci-dessus est datée du mois de janvier 2024 et est susceptible de changer. Données les plus récentes à la date de publication.
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