Point conjoncturel – avril 2024

Pas d’urgence pour baisser les taux

Les publications économiques ont souligné la résistance de la croissance et de l’inflation aux Etats-Unis, des conditions qui pourraient amener la Fed à reporter les baisses de taux qu’elle prévoyait cette année. De fait, les discours des banquiers centraux sont devenus plus prudents et les marchés ont encore réduit leurs anticipations de baisses de taux. La probabilité implicite d’une première baisse en juin n’est plus que de 10% et le nombre de baisses attendues d’ici la fin de l’année est désormais inférieur à deux, contre six en début d’année. Jerome Powell a indiqué que la Fed pourrait laisser son taux directeur inchangé aussi longtemps que nécessaire si les tensions inflationnistes persistaient. La question clé reste l’évolution des salaires avec une croissance toujours solide et un marché du travail encore tendu.

La croissance américaine est ressortie en-dessous des attentes au premier trimestre à +1,6% en rythme annualisé contre +2,5% attendu et +3,4% au quatrième trimestre. Ce ralentissement masque une croissance toujours solide de la demande domestique finale à +2,8%, la faiblesse provenant des stocks et du commerce extérieur. La consommation des ménages est restée bien orientée et l’investissement résidentiel a accéléré. Au niveau de l’investissement des entreprises, celui en structures a marqué le pas alors que l’investissement en biens d’équipement et en intangibles est resté bon.

Les données de mars ont confirmé le maintien d’une bonne dynamique de croissance à la fin du premier trimestre, notamment au niveau de la consommation des ménages qui a augmenté de +0,5% sur le mois, le taux d’épargne poursuivant sa baisse à 3,2%. Le rapport sur l’emploi de mars était également solide. Les créations d’emplois ont été fortes, permettant au taux de chômage de rebaisser à 3,8%. Les enquêtes PMI d’avril ont déçu, l’indice composite baissant de 52,1 à 50,9.

Du côté de l’inflation, la mesure ciblée par la Fed a augmenté de +2,5% à +2,7% sur un an en mars tandis que l’inflation hors énergie et alimentation s’est stabilisée à +2,8%. La baisse des prix des biens et le ralentissement de la hausse du coût du logement se poursuivent, mais l’inflation des services ne baisse plus. La bonne nouvelle pour la Fed est que les hausses de salaires se tassent. Selon les estimations de la Fed d’Atlanta, le salaire horaire a ralenti à +5,2% sur un an en mars après 5,4% en février. Toutefois, cela reste sans doute trop élevé pour ramener l’inflation à 2%.

D’autant que le détail sectoriel de l’enquête JOLTS montre que les tensions sur le marché du travail restent fortes. Alors que les pénuries de main d’œuvre se sont résorbées dans le commerce, les transports, les loisirs et l’hôtellerie-restauration, grâce à l’immigration notamment, la demande de travail des entreprises se maintient à un niveau historiquement élevé dans tous les autres secteurs et augmente à nouveau pour certains, l’activité restant solide.

La BCE pourrait baisser ses taux avant la Fed

Les données d’activité du premier trimestre sont décevantes mais le marché du travail est bien orienté et les perspectives de croissance continuent de s’améliorer. L’inflation des services reste vigoureuse, mais la BCE a semblé confiante sur sa capacité à baisser les taux en juin lors de sa dernière réunion de politique monétaire du 11 avril. Les marchés attribuent une probabilité de 85% à ce scénario et intègrent une à deux baisses supplémentaires de 25 points de base sur le reste du second semestre. Cela ramènerait le taux de dépôt autour de 3,25%/3,50% en fin d’année, contre 4,0% actuellement.

Les données d’activité restent faibles depuis le début de l’année, à l’instar des ventes au détail qui baissent depuis novembre et des ventes d’automobiles qui ont reculé au premier trimestre. Après une chute en janvier, la production industrielle n’a rebondi que partiellement en février. La production manufacturière se reprend en Allemagne, mais les commandes à l’industrie allemande restent orientées à la baisse. Malgré cette faiblesse de l’activité, le taux de chômage dans la zone euro est stable à 6,5%. Même l’Allemagne, où l’activité est particulièrement mal orientée, continue de créer des emplois.

Les enquêtes PMI* sont plus encourageantes pour la conjoncture. Le PMI de la zone euro a continué de progresser en avril pour s’établir sur un plus haut depuis 11 mois à 51,4 en estimation préliminaire, un niveau cohérent avec une croissance légèrement positive après deux trimestres consécutifs de contraction de l’activité. La bonne nouvelle est que les PMI rebondissent nettement en France et en Allemagne qui étaient à la traîne par rapport aux pays périphériques. La mauvaise nouvelle est que la dynamique reste très faible dans le secteur manufacturier, l’amélioration provenant du secteur des services. Par ailleurs, les indices de la Commission européenne envoient des signaux moins favorables que les enquêtes PMI qui avaient beaucoup plus baissé, montrant davantage une stabilisation qu’un rebond de la croissance.

L’amélioration des conditions d’accès au crédit devrait aider l’activité dans les prochains mois. L’enquête de la BCE sur la distribution de crédit bancaire au premier trimestre a montré un assouplissement des critères d’octroi de prêts pour les ménages pour la première fois depuis décembre 2021 et un moindre durcissement pour les entreprises. Si la demande des ménages s’est stabilisée, la demande des entreprises est repartie à la baisse, notamment la demande servant à financer l’investissement. Toutefois, les banques anticipent un net rebond au printemps.

Après de mauvaises surprises en début d’année, les chiffres d’inflation de mars se tassent de nouveau. L’inflation totale a baissé à +2,4% sur un an et l’inflation sous-jacente est repassée sous les 3% à +2,9% sur un an. Cela masque une inflation des services qui reste particulièrement vigoureuse et qui ne baisse plus depuis le mois de novembre 2023. Celle-ci étant très liée à l’évolution des salaires, cette variable va rester clé pour la BCE dans les prochains trimestres.

* PMI : Purchasing Managers Index. Les indices PMI sont des indicateurs de confiance qui synthétisent les résultats des enquêtes menées auprès des directeurs d’achats des entreprises. Une valeur supérieure à 50 indique un sentiment positif, tandis qu’une valeur inférieure à 50 indique un sentiment négatif.

 

Signaux mitigés sur la conjoncture

La croissance chinoise a surpris positivement au premier trimestre mais les données pour le mois de mars ont envoyé des signaux mitigés. De plus, les perspectives de croissance restent obérées par le ralentissement du marché de l’immobilier et les pressions déflationnistes. Si ces risques baissiers sur la croissance et l’inflation justifient sans doute le maintien d’un biais accommodant en matière de politique économique, les bons chiffres du premier trimestre vont aider le gouvernement à atteindre son objectif d’une croissance de +5% en 2024, réduisant la nécessité de recourir à de nouvelles mesures de relance.

La croissance chinoise a surpris positivement au premier trimestre 2024, passant de +5,2% à +5,3% en glissement annuel, alors que le marché attendait un ralentissement à +4,8%. Cette bonne surprise s’explique en partie par des facteurs techniques, le PIB du premier semestre 2023 ayant été révisé à la baisse. Cela dit, la croissance a également accéléré en glissement trimestriel, passant de +4,9% à +6,6% en rythme annualisé.

Les données du mois de mars ont envoyé des signaux contradictoires pour la croissance. Les enquêtes PMI ont indiqué que l’économie chinoise a conservé une bonne dynamique à la fin du premier trimestre. Le PMI moyen (Caixin et NBS) a nettement augmenté en mars pour revenir sur ces plus hauts du printemps dernier à 52,7, à la faveur d’une poursuite du rebond de l’activité dans le secteur des services et d’une amélioration dans le secteur manufacturier.

A contrario, les données d’activité ont signalé un ralentissement de la croissance, la plupart des indicateurs se modérant plus que prévu (ventes au détail, production industrielle, production de services, exportations, importations, crédit à l’économie). Seuls les chiffres d’investissement ont surpris positivement, reflétant en partie les révisions du premier semestre 2023.

Pour l’instant, le secteur de l’immobilier ne semble pas encore se stabiliser. Les dépenses d’investissement se contractent encore fortement (-10% sur un an), les ventes de logements et les mises en chantier restent en forte baisse (près de 30% sur un an en volume) et les prix de l’immobilier continuent de diminuer (-2,7% sur un an pour les logements neufs et -5,9% dans l’ancien).

Par ailleurs, les pressions déflationnistes persistent. La croissance du PIB nominal a encore été inférieure à la croissance du PIB en volume au premier trimestre (+4,2% contre +5,3% sur un an), impliquant une baisse des prix de -1,1% sur un an. Cela reflète une insuffisance de la demande intérieure et des surcapacités de production dans certains secteurs, un phénomène illustré par la baisse du taux d’utilisation des capacités dans l’industrie. Les producteurs chinois pourraient être tentés d’écouler ces surplus à l’extérieur à prix cassés, posant le risque d’une montée des tensions commerciales.

Voir aussi: https://latribune.lazardfreresgestion.fr/point-conjoncturel-mars-2024/

L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 29 avril 2024 et est susceptible de changer.

 

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