Point conjoncturel – Décembre 2021

Hausse de taux à venir

Les données d’activité américaines permettent d’anticiper un chiffre de croissance très fort au quatrième trimestre, autour de 7% en rythme annualisé. L’acquis de croissance pour la consommation est important et les commandes de biens d’investissement sont toujours très bien orientées, signe de la vigueur de l’investissement. Malgré une légère baisse en décembre, les enquêtes PMI restent sur des niveaux élevés à 57,8 dans le secteur manufacturier et 57,5 dans le secteur des services en estimation préliminaire.

Le dernier rapport sur l’emploi était bon. Les créations d’emplois calculées sur la base de l’enquête auprès des entreprises étaient en-dessous des attentes, à 210 000, mais celles calculées sur la base de l’enquête auprès des ménages étaient très dynamiques, ressortant à 1,9 million à périmètre comparable. Le taux de chômage, calculé à partir de l’enquête auprès des ménages, a donc baissé de 4,6% à 4,2%. Le taux de participation a légèrement rebondi tout en restant très inférieur à son niveau d’avant crise. Le salaire horaire était un peu en-dessous des attentes, mais restait relativement fort pour les non-cadres.

L’enquête JOLTS pour le mois d’octobre montrait un niveau de tension toujours important sur le marché du travail américain, avec un nombre d’offres d’emplois et un taux de démission historiquement élevés. Les tensions inflationnistes ne semblent pas non plus s’apaiser. En glissement annuel, l’inflation globale a atteint en novembre un plus haut depuis 1982 à +6,8% et l’inflation hors alimentation et énergie un plus haut depuis 1991 à +4,9%. Ces données étaient cependant en ligne avec les attentes.

Dans ce contexte, la Fed commence progressivement à retirer son soutien à l’économie américaine. À l’issue de la réunion du 15 décembre, Jerome Powell a annoncé que le rythme de réduction des achats d’actifs passerait de 15 à 30 milliards de dollars par mois, ce qui pourrait ramener les achats à zéro en mars 2022. Les membres du comité de politique monétaire ont également revu à la hausse leurs prévisions de taux d’intérêts, avec une prévision médiane qui se situe maintenant à trois hausses de 25 points de base en 2022 et 2023 et deux hausses supplémentaires en 2024. Le niveau de long terme reste inchangé à 2,5%.

L’art du pivot est un exercice délicat et Jérôme Powell semble avoir réussi cette première étape puisque le marché anticipe que le durcissement commencera dès 2022. La question portera désormais sur l’ampleur de ce durcissement. Il nous semble toujours très probable que la Fed doive progressivement revoir à la hausse sa trajectoire sur les taux d’intérêts.

[1] PMI : Purchasing Managers Index. Les indices PMI sont des indicateurs de confiance qui synthétisent les résultats des enquêtes menées auprès des directeurs d’achats des entreprises. Une valeur supérieure à 50 indique un sentiment positif dans le secteur concerné (manufacturier ou service)

[2] L’enquête JOLTS : La Jobs Openings and Labor Turnover Survey permet d’interpréter l’état du marché du travail américain en interrogeant les entreprises quantitativement et qualitativement sur les offres d’emplois ainsi que les perspectives d’embauches ou licenciements.

[3] Fed : La réserve fédérale des Etats-Unis, soit la banque centrale des Etats-Unis.

 

Transition en douceur pour la BCE

Après avoir bien résisté à la résurgence de l’épidémie de Covid-19 et au renforcement des restrictions sanitaires en novembre, les enquêtes PMI se sont affaiblies en décembre. Le PMI composite pour l’ensemble de la zone euro a baissé de 1,9 point à 53,4 en estimation préliminaire, un niveau qui est cohérent avec une croissance de l’ordre de 2,0% en rythme annualisé au quatrième trimestre. La baisse du PMI composite s’explique principalement par le ralentissement de l’activité dans le secteur des services. L’activité du secteur manufacturier a également ralenti, mais dans une moindre mesure.

Le détail du PMI manufacturier montre un apaisement des tensions sur les chaînes d’approvisionnement, sans toutefois revenir à la normale. La hausse des délais de livraison ralentit depuis deux mois, les stocks de produits intermédiaires continuent d’augmenter et les hausses de prix ralentissent légèrement. On observe également un rebond de la production automobile allemande qui avait fortement baissé avec la pénurie de semi-conducteurs.

La publication des chiffres de novembre montre une nouvelle accélération de l’inflation dans la zone euro. Le glissement annuel de l’indice global est passé de +4,1% à +4,9%, un niveau record depuis le début des années 1990, et celui de l’inflation sous-jacente de +2,0% à +2,6%, ce qui constitue également un sommet depuis la création de la zone euro.  Des effets de base expliquent en partie le niveau de ces chiffres, mais pas seulement. Si l’on utilise les données mensuelles de la BCE, corrigées des variations saisonnières, on observe une dynamique nettement plus forte que par le passé.

Pour autant, la BCE ne semble pas particulièrement pressée de remonter ses taux d’intérêts. À l’issue de la réunion du 16 décembre, Christine Lagarde a encore affirmé qu’une hausse de taux en 2022 lui semblait très peu probable. La BCE estime que la poussée actuelle de l’inflation est essentiellement liée aux problèmes de chaînes d’approvisionnement, et qu’elle devrait rester transitoire. Les nouvelles prévisions des services de la BCE font état d’une inflation de +1,8% en 2023 et 2024, des niveaux toujours inférieurs à son objectif de 2% à moyen terme.

La BCE note toutefois que des progrès ont été accomplis vers son objectif d’inflation, ce qui justifie un moindre soutien. Le programme exceptionnel pour lutter contre les effets de la pandémie (PEPP) sera donc arrêté comme prévu à partir de mars 2022. Les produits des obligations échues seront réinvestis au moins jusqu’en fin d’année 2024. Pour éviter une diminution trop rapide du montant mensuel des achats d’actifs, la BCE va temporairement augmenter les achats effectués dans le cadre de son programme « classique » (APP) et qui n’a pas de date d’extinction.

[1]PMI : les indices PMI sont des indicateurs de confiance qui synthétisent les résultats des enquêtes menées auprès des directeurs d’achats des entreprises. Une valeur supérieure à 50 indique un sentiment positif dans le secteur concerné. Il se décline en 3 sous indices : Manufacturier, Service ou Composite (qui combine les deux).

[2]BCE : Banque Centrale Européenne

[3]PEPP : Programme d’achats d’urgence pandémique, plan d’achats de dettes sur les marchés visant à faire baisser les coûts de financement des États, des entreprises et des ménages.

 

Assouplissement de la politique Économique

Les données d’activité de novembre étaient mitigées mais restent en ligne avec un rebond de la croissance au quatrième trimestre.

Les ventes au détail étaient particulièrement décevantes avec une hausse de +3,9% sur un an contre +4,9% le mois précédent. On observe notamment un repli des ventes du secteur de la restauration, dans un contexte de renforcement des restrictions sanitaires. Les autorités poursuivent leur stratégie « zéro Covid » et les habitants de diverses régions ont déjà été invités à rester sur place pour le Nouvel An lunaire (1er février), alors que les premières études suggèrent que le vaccin du laboratoire chinois Sinopharm pourrait ne pas protéger contre une infection liée au variant Omicron, même après une troisième dose.

Les données relatives à l’activité dans le secteur de l’immobilier s’amélioraient un peu mais restaient faibles. En glissement annuel, l’investissement dans le secteur de l’immobilier est passé de -5,4% à -4,3%, les mises en chantiers de -33,1% à -21,0% et les ventes de logements résidentiels de -24,1% à -16,3%. Les prix de l’immobilier affichaient un troisième mois consécutif de baisse, portant la hausse sur un an à +2,4%.

La production industrielle s’est révélée supérieure aux attentes avec une progression de +3,8% en glissement annuel. La bonne tenue des exportations est un facteur de soutien à la production manufacturière, mais la production reste orientée à la baisse dans certaines industries très énergivores comme le ciment ou l’acier, qui sont à la fois très exposées aux rationnements d’énergie et au ralentissement du secteur de l’immobilier. Les pénuries d’énergie semblent néanmoins s’apaiser à en juger par la forte baisse du prix de la tonne de charbon, le rebond de la production aidant. Cela permet de ralentir la hausse des prix à la production, qui ressort à +12,9% sur un an.

L’inflation des prix à la consommation demeure néanmoins contenue à +1,2% sur un an, hors énergie et alimentation. Cela permet aux autorités d’assouplir leur politique monétaire pour aider la croissance du crédit et l’activité. Le coefficient de réserves obligatoires des banques a été abaissé de 50 points de base. Le taux préférentiel de prêts à 1 an, correspondant au taux le plus avantageux que les banques peuvent offrir aux entreprises et aux ménages, a été abaissé de 5 points de base à 3,80%.

À l’issue de la conférence économique annuelle, qui donne les grandes orientations pour 2022, et en attendant les objectifs chiffrés traditionnellement publiés en mars, les autorités ont insisté sur le fait que la stabilité sera une priorité en 2022. Il a été suggéré que la politique économique sera plus accommodante et les autorités ont indiqué que la prospérité commune était un objectif de long terme qui passait d’abord par l’augmentation de la richesse, ce qui suppose le maintien d’un bon niveau de croissance.

 

 

 

Voir aussi : https://latribune.lazardfreresgestion.fr/point-conjoncturel-novembre-2021/

L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 26 décembre 2021 et est susceptible de changer.

 

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