Point conjoncturel – Février 2023

États-Unis : Une lutte de longue haleine contre l’inflation

Le passage du pic d’inflation se confirme, mais le sujet de l’inflation est encore loin d’être résolu. D’une part, l’inflation sur un an reste très élevée à +6,4% au global et +5,6% hors énergie et alimentation en janvier. D’autre part, le ralentissement de l’inflation sous-jacente s’explique uniquement par la décélération des prix des biens (+1,4% sur un an), l’inflation des services continuant d’accélérer (+7,9% sur un an). Bien que l’augmentation des prix des services soit très liée à l’augmentation du coût du logement, les prix des services hors logement augmentent eux aussi à un rythme soutenu (+6,3% sur un an).

Il est difficile d’envisager un ralentissement de l’inflation des services sans ralentissement préalable des salaires, les prix des services étant très liés à l’évolution du coût de la main d’œuvre. Le rapport sur l’emploi montre un nouveau ralentissement du salaire horaire en janvier à +4,2% sur un an, mais le ralentissement est amplifié par le fait que les embauches touchent de manière disproportionnée les travailleurs dont les salaires sont inférieurs à la moyenne. La mesure de la Fed d’Atlanta, qui est construite de manière à neutraliser ce biais de composition, indique une croissance stable à +6,1% sur un an.

Un ralentissement des salaires passera sans doute d’abord par une détente du marché du travail qui est pour l’instant absente. La demande des entreprises reste très forte avec un nombre d’emplois vacants qui remonte à plus de 11 millions et le nombre de chômeurs est toujours très bas à 5,7 millions. En d’autres termes, il y a environ deux offres d’emplois par demandeur, un ratio historiquement très élevé.

Un rééquilibrage du marché du travail nécessite un ralentissement de l’activité. La modération de la demande privée au quatrième trimestre et la dégradation des enquêtes ISM* sur les derniers mois ont momentanément interrogé sur la possibilité d’une entrée imminente des Etats-Unis en récession, mais les données de ce début d’année invalident ce scénario. Les créations d’emplois étaient très fortes à +517 000 en janvier, l’ISM des services a bondi de 49,2 à 55,2 points et les ventes au détail ont enregistré leur plus forte progression depuis deux ans, avec une hausse de +3,0%. On observe également des signes de stabilisation dans l’immobilier.

La résistance de l’économie américaine est un problème pour la Fed, qui cherche au contraire à freiner la demande pour réduire les pressions inflationnistes, laissant envisager une poursuite des hausses de taux. Lors de sa dernière réunion, la Fed a comme attendu augmenté ses taux de +25 points de base à 4,50%-4,75%, en indiquant encore au moins deux hausses de même ampleur. Cela porterait les taux à 5,00%-5,25% après les deux prochaines réunions de mars et de mai. La bonne tenue de l’économie pourrait pousser la Fed à aller plus haut, un scénario que les marchés commencent à intégrer.

* ISM : indicateur d’activité américain. Au-dessus de 50 points, il indique une évolution favorable, et inversement lorsqu’il se situe en-dessous de 50 points.

 

Zone euro : La résistance de l’économie se confirme

Les effets de la crise énergétique sur l’activité ont été moins marqués que ce que l’on pouvait craindre, se traduisant par un ralentissement de la croissance au quatrième trimestre et non par une contraction. Le PIB de la zone euro a progressé de +0,4% en rythme annualisé après une hausse de +1,2% au troisième trimestre. Cela masque toutefois des évolutions contrastées entre les pays, le PIB baissant en Allemagne (-1,7%) et en Italie (-0,5%) et progressant en France (+0,5%) et en Espagne (+0,9%).

Les statistiques mensuelles montraient un net ralentisse-ment de l’activité en décembre, en particulier dans l’indus-trie. La production hors construction a baissé de 1,1% sur le mois, en raison notamment d’une baisse de 2,1% de la production allemande. En Allemagne, la baisse était très liée au recul de la production des industries les plus énergivores (chimie, métallurgie, …). À l’inverse, la production automobile continuait de se normaliser, dans un contexte de diminution des problèmes d’approvisionnement.

Les enquêtes auprès des entreprises sont cohérentes avec un rebond de la croissance. Le PMI* composite de la zone euro était déjà repassé en territoire d’amélioration en janvier et la publication préliminaire des chiffres de février fait état d’une hausse de 2 points à 52,3, un niveau correspondant à une croissance de l’ordre de 1%-1,5%. L’amélioration s’explique surtout par le secteur des services (+2,2 points à 53,0), le secteur manufacturier restant en retrait (-0,3 point à 48,5). On observe également un rebond de la confiance des consommateurs qui reste cependant très dégradée.

Cette résistance de l’activité ne plaide pas en faveur d’une diminution des tensions sur le marché du travail et donc des pressions inflationnistes. Le taux de chômage se maintient au plus bas depuis trois mois à 6,6% et les salaires ont nettement accéléré au cours des derniers mois. D’après l’Indeed Wage Tracker, les salaires à l’embauche étaient en hausse de +4,9 % sur un an en décembre, contre un rythme de progression compris entre 1% et 2% entre 2019 et 2021. L’inflation a continué de ralentir en janvier pour s’établir à +8,6% sur un an, mais le ralentissement s’explique principalement par le reflux des prix de l’énergie et de l’alimentation, l’inflation sous-jacente accélérant à +5,3%.

Tout ceci devrait encourager la BCE à poursuivre le resserrement de sa politique monétaire. Lors de sa dernière réunion, la banque centrale a comme attendu augmenté ses taux directeurs de +50 points de base en indiquant qu’elle avait l’intention d’en faire autant lors de sa prochaine réunion de mars, ce qui porterait le taux de dépôt à 3,00%. Après la réunion de mars, Christine Lagarde a indiqué que la BCE évaluera la trajectoire à suivre. Les investisseurs anticipent encore deux à trois hausses de taux de +25 points de base après la réunion de mars. Le taux de dépôt culminerait ainsi à 3,50% ou 3,75%.

** PMI : Purchasing Managers Index. Les indices PMI sont des indicateurs de confiance qui synthétisent les résultats des enquêtes menées auprès des directeurs d’achats des entreprises. Une valeur supérieure à 50 indique un sentiment positif dans le secteur concerné (manufacturier ou service).

Chine : Un bon début d’année

Alors que la flambée épidémique consécutive à la réouverture de l’économie laissait craindre une contraction de l’activité, le PIB est finalement resté stable au quatrième trimestre, amenant un ralentissement du glissement sur un an de +3,9% à +2,9%. Cette bonne surprise s’explique surtout par la résistance de la consommation des ménages au mois de décembre. Les ventes au détail ont baissé de      -1,8% sur un an alors que le consensus attendait un repli à     -9,0%. Des facteurs exceptionnels ont amorti la baisse, en particulier des achats anticipés de véhicules avant la suppression de subventions et un bond des ventes de médicaments (+39,8% sur un an).

Les enquêtes auprès des entreprises indiquent un fort rebond de la croissance depuis janvier. L’activité manufacturière est repartie à la hausse et le rebond était encore plus net dans le secteur des services. Selon les données du bureau national des statistiques, le PMI a augmenté de 47,0 à 50,1 dans le secteur manufacturier et de 39,4 à 54,0 dans celui des services. Au total, l’indice PMI composite a rebondi de 10,3 points à 52,9 en janvier, après une baisse de 4,5 points en décembre.

Il semblerait donc que la situation sanitaire se soit nettement améliorée en janvier. Cela a permis une relance de la production dans les usines, une reprise des déplacements et une activité soutenue pendant les festivités du Nouvel an. Les recettes touristiques et les voyages étaient en forte hausse par rapport aux festivités de l’an passé, tout en restant à des niveaux inférieurs à ceux de 2019. Les indicateurs pour le mois de février suggèrent une poursuite de la reprise post-Nouvel an. Le trafic dans le métro est désormais revenu à la normale dans les plus grandes villes et le trafic aérien s’améliore également, les vols domestiques étant environ à 90% du niveau de 2019, contre environ 20% pour les vols internationaux.

La reprise de l’économie chinoise semble donc enclenchée. Celle-ci intervient plus rapidement que ce qui était prévu, mais l’ampleur et la durabilité du rebond sont incertaines. Cela dépendra notamment du comportement des consommateurs. Pendant la pandémie, les ménages ont accumulé une sur-épargne importante et qui est estimée à un peu plus d’un mois de revenu (environ 4 500 milliards de yuans, soit près de 650 milliards de dollars au taux de change actuel). Maintenant que les restrictions sont levées, les ménages vont-ils dépenser massivement cette épargne ? À quelle vitesse ? Préfèreront-ils la conserver par précau-tion ? Vont-ils l’utiliser pour se désendetter ou investir ? Il faudra également surveiller dans quelle mesure le secteur de l’immobilier pourra rebondir. Les données de décembre montre un marché toujours en grande difficulté avec des ventes de logements en baisse de plus de 30% sur un an et des mises en chantier en recul de près de 45% sur un an.

 

Voir aussi : https://latribune.lazardfreresgestion.fr/point-conjoncturel-décembre-2022/

L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 24 février 2023 et est susceptible de changer.

 

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