À quelques jours de la fin de la phase de négociation des droits de douane réciproques (9 juillet), le taux effectif aux frontières américaines s’élève à 16%, un niveau inédit depuis 1937. Par anticipation, les entreprises ont accru leurs importations et leurs inventaires avant la date fatidique du « Liberation Day ». Ces effets de stockage peuvent décaler dans le temps les conséquences des droits de douane, notamment en matière d’inflation. Ils commencent à peine à être visibles dans certaines catégories de biens (matériel audio, vidéo…). Cependant, ces impacts ne sont pas encore suffisants pour inverser la tendance des chiffres publiés en mai, qui sont ressortis en-dessous des attentes pour le quatrième mois consécutif grâce à la baisse des prix des voitures, de l’habillement et des billets d’avion dans le secteur des services. Par ailleurs, le repli des importations observé depuis avril va positivement contribuer à la croissance en améliorant le solde des exportations nettes de façon mécanique.
Les baisses de prix dans certaines catégories semblent cohérentes avec les signes de ralentissement de la consommation américaine, notamment du côté des biens durables. L’investissement privé est également à surveiller : la formation de capital reste bien orientée dans l’équipement mais croit moins vite dans certaines catégories (R&D par exemple) ou ralentit dans les structures non-résidentielles. De son côté, le logement neuf envoie des signaux négatifs (baisse des transactions, inventaire élevé), ce qui se traduit par un repli des permis de construire et des mises en chantier. Dans l’ensemble, plusieurs indicateurs pointent vers un ralentissement de l’économie américaine. Parmi eux, on peut noter le repli des indices d’activité ISM. Les composantes nouvelles commandes se stabilisent mais se maintiennent sur l’un des niveaux les plus bas observés au cours des 25 dernières années.
L’évolution estivale du marché du travail sera probablement le juge de paix. Il faudra néanmoins rester attentif aux contradictions : le mois de mai a été positif, avec 140 000 créations de postes, mais des révisions baissières importantes ont été appliquées aux chiffres des deux mois précédents. La saisonnalité des demandes d’allocations chômage pourrait également avoir évolué.
Retraitée des effets volatils liés aux statistiques de l’Irlande, la croissance en zone euro progresse de 0,3% au premier trimestre, un chiffre stable et cohérent avec les enquêtes PMI composites, qui montrent une reprise dans le secteur manufacturier.
L’activité a été soutenue par le rebond marqué des exportations, anticipant l’instauration des droits de douane. Depuis avril, la normalisation commence à s’opérer. Ce processus logique, qui devrait peser sur les chiffres du second trimestre, est perceptible dans le repli récent de la production industrielle, notamment dans le secteur pharmaceutique, affecté par des droits de douane dont les contours finaux restent encore à définir. Cependant, la demande domestique demeure bien orientée, comme en témoignent les ventes au détail, récemment revues à la hausse. Le taux de chômage, qui se maintient à un niveau bas, reflète la solidité du marché du travail et contribue à la résilience de la consommation.
Bien que la croissance des salaires se modère, le repli de l’inflation — qui corrige la forte hausse observée en avril — augure d’une amélioration des revenus réels des ménages. À ce stade, une simple stabilisation du taux d’épargne suffirait à stimuler la consommation des ménages et, par conséquent, la croissance économique. On peut espérer que la stabilisation de l’inflation améliore la confiance des consommateurs et déclenche l’embellie de la propension à consommer. La modération des salaires et l’absorption de l’inflation par les marges des entreprises pourrait avoir ouvert la voie au cercle vertueux tant attendu par la BCE. Toutefois, une poursuite de ces tendances salariales ou une augmentation de la productivité sera nécessaire pour confirmer les progrès sur le front de l’inflation sous-jacente. En attendant les preuves, la BCE, qui estime avoir accompli des avancées significatives sur la voie de la baisse des taux, s’apprête à marquer une pause afin d’observer les données à venir. Elle restera vigilante face à une éventuelle dégradation de l’activité au second trimestre, avant que l’investissement public, porté par la relance allemande, ne commence à produire ses effets sur l’économie du bloc.
Les négociations qui se sont tenues à Genève les 10 et 11 mai ont finalement abouti à une réduction significative des droits de douane réciproques (-115 points). Les droits de douane américains sur les produits chinois reviennent ainsi autour de 40%, tandis que les droits de douane chinois sur les produits américains descendent à 30%. Bien que nettement moins sévères que le pire scénario envisagé, ces niveaux étaient encore inimaginables il y a seulement quelques mois.
Ce réchauffement diplomatique n’a pas empêché les exportations chinoises vers les États-Unis de poursuivre leur baisse en mai. Ce recul a été partiellement compensé par le dynamisme des exportations vers l’Asie et l’Europe. L’enjeu est crucial pour la Chine, dont le dynamisme économique repose largement sur les exportations depuis plusieurs trimestres. Signes encourageants, les données sur le trafic maritime montrent un rebond du nombre de bateaux quittant la Chine à destination des États-Unis depuis début juin, suggérant une possible reprise des échanges.
Sur le plan domestique, les ventes au détail en mai ont surpris positivement, bien que des facteurs exceptionnels aient pu jouer un rôle. En revanche, les données sur l’investissement ont déçu, affectées par les difficultés persistantes du secteur immobilier résidentiel. Les PMI de mai ont révélé des évolutions contrastées : le PMI Caixin, davantage orienté vers les PME et le secteur exportateur, a enregistré une baisse notable, tandis que le PMI NBS, plus centré sur le marché domestique, a légèrement progressé. Les composantes mesurant les perspectives de production se sont toutefois améliorées dans les deux cas, en cohérence avec l’amélioration des conditions économiques.
D’un point de vue commercial, la Chine ne fait qu’échapper au scénario du pire : cela ne résout pas les pressions déflationnistes alimentées par les capacités industrielles et manufacturières excédentaires par rapport à la demande domestique, toujours en berne, et au ralentissement du reste de la planète.
Voir aussi : Point conjoncturel – Mai 2025
L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 26 juin 2025 et est susceptible de changer.
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