La première rencontre entre la nouvelle administration américaine et la Chine a ouvert la porte à un scénario moins négatif pour les deux premières économies de la planète. Les États-Unis ont baissé les droits de douane réciproques sur la Chine de 125% à 10% pendant 90 jours, période à l’issue de laquelle ils pourraient remonter à 34% sans accord. Si cela permet de baisser significativement les droits de douane moyens payés par les importateurs américains, ceux-ci restent à un niveau très élevé à environ 15%. Le choc reste donc important pour l’économie américaine et un net ralentissement de l’activité reste le scénario le plus probable. D’autant que les autres décisions de l’administration Trump (immigration, DOGE) vont également avoir un impact négatif dans les prochains mois.
Les données d’activité montrent que pour l’instant la conjoncture tient bien. Le PIB a baissé de 0,3% au premier trimestre mais les chiffres ont été largement perturbés par l’anticipation des droits de douane par les importateurs, amenant une contribution très négative du commerce extérieur, alors que la demande finale a été robuste. Par ailleurs, le rapport sur l’emploi a été solide en avril avec 177 000 emplois créés sur le mois et un taux de chômage stable à 4,2%. Au niveau de l’inflation, les hausses de droits de douane n’ont pas encore eu d’impact évident.
En revanche, les enquêtes envoyaient des signaux inquiétants avant qu’un accord avec la Chine soit trouvé. L’indice Conference Board des ménages est revenu sur ses points bas du COVID et les indicateurs ISM sont à des niveaux particulièrement faibles pour une période d’expansion économique (51,6 dans les services, 48,7 dans le secteur manufacturier). Ils font écho au repli des intentions d’investissement et à la hausse des intentions de licenciements qui pourraient apparaître dans les chiffres entre l’été ou la rentrée, à condition que la prudence des entreprises se concrétise dans les faits.
Après le ralentissement du quatrième trimestre, le momentum de la croissance économique en zone euro semble en apparence s’améliorer (+1,4% en rythme annualisé). Malheureusement, lorsque l’on isole la contribution de l’Irlande, la croissance des deux moteurs économiques français et allemands est plus timorée (+0,2% et +0,1% respectivement, en rythme trimestriel).
Les enquêtes et indicateurs de cycle n’augurent pas d’une accélération au second semestre.
Le PMI composite d’avril (50,4) qui commence à intégrer les conséquences des tensions commerciales se rapproche du niveau de stagnation de l’activité en raison du plongeon des services. Ce contexte peut affecter l’investissement privé qui demeure une source d’inquiétude pour la BCE en parallèle du risque pesant sur les exportations vers les Etats-Unis, notamment du côté des produits pharmaceutiques qui pourraient être prochainement visés par des droits de douane spécifiques.
En mars, les ventes au détail ressortaient en léger repli mensuel (-0,1%), traduisant potentiellement l’attentisme qui ressort des enquêtes de confiance dégradées (-16,7) auprès des consommateurs. Ces derniers semblent tarder à dépenser le revenu réel excédentaire accumulé depuis plusieurs trimestres. Ce potentiel de contribution positive à la croissance demeure intact mais pourrait se matérialiser plus tardivement qu’escompté. On notera que les chiffres de l’emploi montrent des signes d’amélioration en Allemagne : malgré un taux de chômage faible, le risque de surchauffe semble écarté lorsqu’on observe le taux de vacances et la dynamique des salaires. Cela permet de relativiser le sursaut technique d’inflation sous-jacente probablement causé par des éléments exceptionnels calendaires (vacances de Pâques, voyages organisés) qui ne remet pas en cause le cycle de baisse de taux de la BCE. En Allemagne, passée la phase d’annonce de la relance, l’heure est à l’implémentation, par nature plus tributaire du temps et des aléas du jeu politique.
Depuis le Brexit, la croissance du Royaume-Uni peine à délivrer son potentiel. Actuellement, elle pâtit d’une activité faible dans la construction et l’industrie, tandis que la consommation est affectée par l’inflation dans les services (autour de 5%) entretenue par la hausse des salaires (notamment les salaires administrés) malgré la dégradation de l’emploi. Cette faiblesse devrait perdurer en 2025, indiquant que l’économie britannique semble avoir quitté sa phase d’expansion sans pour autant faire de la récession un scénario central.
En apparence, le premier trimestre devrait être dynamique. La croissance en février (+0,5%) bénéficie d’une contribution positive des services. Surtout, le rebond a été exceptionnel du côté de la production, stimulé par la hausse des exportations de produits électroniques, pharmaceutiques et métallurgiques par anticipation des droits de douane américains. Cet acquis ne devrait pas se renouveler et l’économie britannique sera alors confrontée aux destructions d’emplois qui s’accumulent depuis le début de l’année et à la dégradation du sentiment dans les affaires. Les indices PMI évoluent désormais sous le niveau de 50, traduisant une contraction implicite de l’activité.
La modération observée récemment sur les indices d’inflation et les salaires a ouvert la voie en mai à une baisse de 25 points de base des taux de la banque centrale (qui figurent parmi les plus élevés du G10) en réponse à l’inflation. Malheureusement, l’assouplissement de la politique monétaire se heurtera aux turpitudes budgétaires du pays. La marge de manœuvre budgétaire décroit en raison de la hausse du coût de la dette, causé notamment par des taux d’intérêt élevés, des recettes fiscales moins importantes que prévu, un programme social mis en œuvre par le nouveau gouvernement jugé coûteux et des projections du « Bureau pour la responsabilité budgétaire » plus prudentes que celles du gouvernement. Le pays montre des signes de fragilités intrinsèques qui pourraient l’amener à traverser plus difficilement le contexte moins favorable depuis l’entrée en fonction de la nouvelle administration américaine.
Voir aussi : https://latribune.lazardfreresgestion.fr/point-conjoncturel-avril-2025/
L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 19 mai 2025 et est susceptible de changer.
Ce document n’a pas de valeur précontractuelle ou contractuelle. Il est remis à son destinataire à titre d’information. Il fait état d’analyses ou de descriptions préparées par Lazard Frères Gestion SAS sur la base d’informations générales et de données statistiques historiques de sources publiques. L’opinion exprimée ci-dessus est susceptible de changer. Les performances passées ne préjugent pas des performances futures.
Ces éléments sont fournis à titre indicatif et ne sauraient constituer en aucun cas une garantie de performance future. Ces analyses ou descriptions peuvent être soumises à interprétations selon les méthodes utilisées.
Les analyses et/ou descriptions contenues dans ce document ne sauraient être interprétées comme des conseils ou recommandations de la part de Lazard Frères Gestion SAS. Ce document ne constitue ni une recommandation d’achat ou de vente, ni une incitation à l’investissement dans les instruments ou valeurs y figurant.
Toute méthode de gestion présentée dans ce document ne constitue pas une approche exclusive et Lazard Frères Gestion SAS se réserve la faculté d’utiliser toute autre méthode qu’elle jugera appropriée. Ces présentations sont la propriété intellectuelle de Lazard Frères Gestion SAS.
À propos du groupe Lazard :
Fondée en 1848, Lazard est l’une des principales sociétés de conseil financier et de gestion d’actifs au monde, avec des activités en Amérique du Nord et du Sud, en Europe, au Moyen-Orient, en Asie et en Australie. Lazard offre ses conseils en matière de fusions et acquisitions, marchés de capitaux, restructuration/gestion du passif, géopolitique et autres questions stratégiques, ainsi que des solutions de gestion d’actifs et d’investissement aux institutions, aux entreprises, aux gouvernements, aux partenariats, aux family offices et aux particuliers fortunés. Pour plus d’informations, veuillez consulter le site www.lazard.com.
Lazard Frères Gestion est la société de gestion d’actifs du groupe Lazard en France, spécialisée dans l’investissement dans les valeurs cotées. Elle bénéficie, pour accompagner ses clients, de tous les savoir-faire d’une grande maison de gestion adossée à un puissant groupe international. Pour plus d’informations, veuillez consulter le site www.lazardfreresgestion.fr.