Point conjoncturel – Mai 2022

Des hausses de taux encore insuffisantes pour refroidir l’économie

Le rapport sur l’emploi de mai montrait une économie américaine toujours dynamique. La demande de travail des entreprises ralentissait un peu, mais restait forte avec 390.000 emplois créés sur le mois, un rythme environ deux fois supérieur à celui qui prévalait avant la pandémie. L’offre de travail rebondissait légèrement, le taux de participation passant de 62,2% à 62,3%. Le taux de chômage se stabilisait à 3,6% pour le troisième mois consécutif et la croissance du salaire horaire était stable à +0,3% face au mois précédent, masquant une accélération des salaires pour les travailleurs les moins qualifiés. Si le déséquilibre entre l’offre et la demande semblait ainsi se résorber, le marché du travail restait quant à lui très tendu, avec un nombre d’offres d’emplois environ deux fois plus élevé que le nombre de chômeurs.

Les hausses de taux d’intérêt ne semblent donc pas encore peser significativement sur l’économie. On observe toutefois des signes de faiblesse sur le marché immobilier. Depuis leur point haut de début d’année, les ventes de maisons ont reculé d’environ 30% dans le neuf et d’environ 15% dans l’ancien. Cette faiblesse reflète en partie des contraintes physiques liées à une pénurie d’offre de logements, mais aussi un ralentissement de la demande de logements des ménages, du fait de la remontée des taux d’intérêt et de la hausse des prix de l’immobilier. En l’espace d’un an et demi, les taux hypothécaires sont passés de 2,7% à 5,1% et le prix médian d’une maison neuve de 360 000 dollars à 450 000 dollars. Les revenus des ménages n’ont pas augmenté dans les mêmes proportions.

Une fois corrigé de l’inflation, le revenu disponible des ménages a même diminué sur les derniers mois. La consommation continue toutefois de progresser à un rythme solide, les ménages puisant dans leur épargne pour maintenir un niveau de dépenses soutenu. À 4,4%, le taux d’épargne est au plus bas depuis 2008. Il évoluait plutôt sur une tendance de 7,5% avant la pandémie. L’épargne excédentaire accumulée pendant la pandémie commence donc à diminuer progressivement. Elle reste néanmoins très conséquente, avoisinant près de 12% du revenu disponible annuel. Cela devrait rester un facteur de soutien à la consommation pendant encore plusieurs trimestres. L’inflation sur un an a légèrement ralenti en avril, mais restait élevée à +8,3% (+6,2% hors énergie et alimentation).

Dans ce contexte, la Fed a augmenté son taux directeur de 50 points de base lors de sa dernière réunion de mai, en ligne avec les attentes. Après avoir été relevé de 25 points de base en mars, il évolue désormais dans la fourchette de 0,75%-1,00%. Pendant la conférence de presse, Jerome Powell a maintenu un ton ferme à l’égard de l’inflation, tout en indiquant que des hausses de 75 points de base n’étaient pas envisagées pour les deux prochaines réunions de mi-juin et de fin juillet. Concernant la réduction de la taille du bilan, Jerome Powell a annoncé qu’elle débuterait le 1er juin au rythme maximum de 47,5 Mds USD pendant 3 mois. Le plafond mensuel sera ensuite relevé à 95 Mds USD.

Renforcement des pressions inflationnistes

La nouvelle estimation du PIB pour la zone euro montrait une accélération de la croissance à +2,5% en rythme annualisé au premier trimestre 2022, après +1,0% au quatrième trimestre 2021. La précédente estimation faisait plutôt état d’une croissance stable. Cette révision à la hausse est toutefois peu significative, dans la mesure où elle est entièrement liée à la forte hausse du PIB irlandais qui est très volatil. Hors Irlande, la croissance de la zone euro ralentissait de +2,5% à +1,1% au premier trimestre, les restrictions sanitaires ayant pesé sur la demande domestique, surtout sur la consommation.

Les récentes données d’activité étaient plutôt décevantes, la production industrielle dans la zone euro baissant de 1,8% en mars et les ventes au détail de 1,3% en avril, pénalisées par de mauvais chiffres en Allemagne. La production industrielle allemande rebondissait un peu en avril mais restait sur un niveau faible dans le secteur de l’automobile, étant encore inférieure d’environ 30% par rapport à son niveau d’avant la pandémie. La baisse des ventes au détail est sans doute à relativiser dans la mesure où les chiffres allemands sont traditionnellement très volatils.

La publication des enquêtes PMI* de mai était globalement rassurante pour la croissance. Le PMI composite se repliait d’un point dans la zone euro pour s’établir à 54,8, un niveau cohérent avec une croissance proche de 2% en rythme annualisé. Le PMI des services baissait de 57,7 à 56,1, l’effet de la réouverture s’estompant, et le PMI manufacturier de 55,5 à 54,6, du fait d’une diminution des nouvelles commandes.

Le taux de chômage est stable à 6,8% depuis trois mois, son plus bas niveau depuis la création de la zone euro. Dans ce contexte de tensions sur le marché du travail, l’indice de la BCE, qui couvre les salaires fixés par convention collective, a nettement accéléré au premier trimestre, le glissement sur un an passant de +1,6% à +2,8%, un plus haut depuis 2009. Des paiements exceptionnels en Allemagne ont pu tirer ce chiffre à la hausse mais les données par pays montrent une accélération généralisée, l’Italie faisant exception.

Dans une note de blog publiée sur le site de la BCE, Christine Lagarde a clairement indiqué qu’elle envisageait une première hausse des taux en juillet et que le taux de dépôt ne serait probablement plus négatif à la fin du troisième trimestre, ouvrant ainsi la voie à deux hausses de 25 points de base en juillet et en septembre, le taux de dépôt étant pour l’instant à -0,5%. Cette note précédait la publication des chiffres d’inflation de mai qui montraient une accélération plus forte que prévue à +8,1% sur un an. L’inflation hors énergie et alimentation accélérait également, passant de +3,5% à +3,8%.

*PMI : Purchasing Managers Index. Les indices PMI sont des indicateurs de confiance qui synthétisent les résultats des enquêtes menées auprès des directeurs d’achats des entreprises. Une valeur supérieure à 50 indique un sentiment positif dans le secteur concerné (manufacturier ou service).

Le point bas semble dépassé mais pas de reprise en “V”

Les données d’avril montraient un impact très fort des confinements sur l’activité, faisant craindre une contraction du PIB au deuxième trimestre. En glissement sur un an, la production industrielle a ralenti de +5,0% à -2,9%, les ventes au détail de -3,5% à -11,1% et l’investissement de +7,1% à +2,3%. Le ralentissement du marché de l’immobilier s’est accentué, l’investissement dans ce secteur passant de -2,4% à -10,1% et les ventes de logements de      -23,2% à -42,4%. Les prix de l’immobilier continuaient de ralentir et sont désormais en légère baisse sur un an. On observait également une dégradation du marché du travail, le taux de chômage augmentant de 0,3 point à 6,1%, un niveau proche du point haut historique de 6,2% atteint en février 2020.

Le point positif est que l’activité a sans doute passé le creux de la vague. Avec l’amélioration de la situation sanitaire, les restrictions ont été assouplies dans plusieurs villes, notamment à Shanghai. Depuis le 1er juin, toutes les entreprises sont autorisées à reprendre leur activité, les habitants des zones à faible risque peuvent circuler librement (90% des 25 millions d’habitants) et les transports sont partiellement rétablis. La ville a pour objectif de revenir à la normale d’ici fin juin. Les restrictions commencent également à être assouplies à Pékin où l’épidémie a été déclarée sous contrôle. Les autorités ont notamment rouvert les centres commerciaux.

Dans ce contexte de réouverture progressive de l’économie chinoise, les enquêtes PMI ont nettement rebondi en mai. Elles restent toutefois sur des niveaux relativement faibles et le rebond est moins rapide qu’au printemps 2020, les restrictions évoluant de manière moins synchronisée. Le PMI composite du Bureau national des statistiques a augmenté de 42,7 à 48,4 et celui de Caixin de 37,2 à 42,2. L’amélioration provient principalement du secteur des services qui a davantage été touché par les restrictions, le PMI moyen passant de 38,1 à 44,3, contre une amélioration de 46,7 à 48,9 pour le PMI manufacturier.

Pour aider l’économie, les autorités continuent de renforcer les mesures de soutien. Xi Jinping a annoncé vouloir « déployer tous les efforts possibles » pour relancer l’investissement dans les infrastructures, en augmentant les financements disponibles et en accélérant la vitesse d’approbation des projets. Le gouvernement a également annoncé de nouvelles mesures de soutien budgétaire, qui comprennent une augmentation du montant des remboursements de crédit de TVA, des reports de paiements de contributions sociales et des baisses de taxes pour l’achat de certains véhicules. Pour soutenir le marché de l’immobilier, le taux préférentiel de prêts à 5 ans, qui sert de référence pour les taux hypothécaires, a été abaissé de 15 points de base à 4,25%.

 

 

Voir aussi : https://latribune.lazardfreresgestion.fr/point-conjoncturel-avril-2022/

L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 10 juin 2022 et est susceptible de changer.

 

Ce document n’a pas de valeur pré-contractuelle ou contractuelle. Il est remis à son destinataire à titre d’information. Les analyses et/ou descriptions contenues dans ce document ne sauraient être interprétées comme des conseils ou recommandations de la part de Lazard Frères Gestion SAS. Ce document ne constitue ni une recommandation d’achat ou de vente, ni une incitation à l’investissement. Ce document est la propriété intellectuelle de Lazard Frères Gestion SAS. LAZARD FRERES GESTION – S.A.S au capital de 14.487.500€ – 352 213 599 RCS Paris 25, RUE DE COURCELLES – 75008 PARIS.