Point conjoncturel – Mai 2023

États-Unis : fin du cycle de hausse des taux ?

L’attention se focalise sur les pourparlers entre Démocrates et Républicains qui doivent rapidement trouver un accord pour voter le relèvement du plafond de la dette. Les Républicains exigent des coupes drastiques de dépenses, ce que les Démocrates refusent. Historiquement, un accord a toujours été trouvé mais le contexte politique est très tendu et il ne reste que peu de temps. Janet Yellen a annoncé que le Trésor américain ne pourra plus faire face à ses engagements à partir du 1er juin.  Un défaut sur la dette du Trésor Américain, qui constitue l’actif sans risque par excellence du système financier, aurait sans doute des conséquences importantes. En l’absence d’accord, le Trésor devrait alors fixer des priorités dans les multiples paiements qu’il doit faire s’il veut continuer d’assurer le service de sa dette : prestations sociales, salaires des employés fédéraux, ou encore factures des fournisseurs. Cela serait très pénalisant pour l’activité économique.

Les dernières publications économiques étaient meilleures que prévu. Le rapport sur l’emploi était très solide, les ventes au détail rebondissaient et les indices ISM* remontaient légèrement, tout en restant à des niveaux cohérents avec une faible croissance. Toutefois, le scénario le plus probable reste selon nous celui d’un basculement en récession dans les prochains mois sur la base des indicateurs que nous regardons en priorité pour établir ce diagnostic. Les inscriptions hebdomadaires au chômage font partie de ces indicateurs et s’affichent en hausse marquée depuis cet automne. L’ampleur de la hausse est similaire à ce qui a pu être observé quelques mois avant les récessions précédentes. Les problèmes récents avec les données du Massachussetts (augmentation des demandes frauduleuses) rendent néanmoins le signal plus incertain. Si l’on exclut les chiffres de cet Etat, la tendance est nettement moins inquiétante qu’auparavant, sans toutefois annuler la hausse.

Côté financier, les résultats de l’enquête sur les conditions de crédit au premier trimestre montrent un durcissement encore important de la part des banques, mais pas plus abrupt que lors des trimestres précédents, malgré les difficultés des banques régionales. En revanche, on observe un décrochage de la demande de crédit des entreprises et les données hebdomadaires montrent une contraction marquée du stock de prêts. S’agissant de l’inflation, les dernières données sont plus positives. L’inflation ralentit de +5,0% à +4,9% et l’inflation sous-jacente de +5,6% à +5,5%. Surtout, le détail montre un ralentissement notable de l’inflation des services hors loyers, la mesure privilégiée par la Fed car plus durable. Début mai, Jerome Powell a augmenté les taux de +25 points de base à 5,00%-5,25%, tout en laissant entendre qu’il s’agissait peut-être de la dernière hausse des taux dans ce cycle. Après 500 points de base de hausse, une pause nous semble effectivement probable à court terme.

* ISM : indicateur d’activité américain. Au-dessus de 50 points, il indique une évolution favorable, et inversement lorsqu’il se situe en-dessous de 50 points.

Zone euro : poursuite des hausses de taux

Le PIB de la zone euro affiche une légère progression sur le premier trimestre avec une hausse de +0,3% en rythme trimestriel annualisé, après -0,2% au quatrième trimestre. L’Allemagne est techniquement entrée en récession, le PIB se contractant pour le deuxième trimestre consécutif (-1,3% après -2,1%). Le PIB augmente de +0,7% en France et de +2,0% en Italie et en Espagne où la croissance résiste mieux. Le détail du PIB de la zone euro n’est pas encore connu mais les données pour les différents pays suggèrent que la consommation a été un frein, dans un contexte d’inflation élevée et de confiance dégradée.

Les données mensuelles montrent une dynamique conjoncturelle défavorable à la fin du premier trimestre. La production industrielle dans la zone euro a enregistré une forte baisse au mois de mars avec un recul de -4,1% sur le mois. La baisse de -26,4% en Irlande ne suffit pas à expliquer cette faiblesse car la production dans la zone euro recule de -1,5% hors Irlande. Les chiffres sont très mauvais en Allemagne        (-3,1%), mais la production baisse également en France (-1,1%) ou encore en Italie (-0,6%). Les ventes au détail sont aussi mal orientées avec une baisse de -1,2% en mars.

Il existe une dichotomie importante entre ces mauvais chiffres d’activité et les enquêtes PMI* qui envoient des signaux plus positifs. Le PMI composite de la zone euro a enregistré sa première baisse depuis novembre au mois de mai mais le niveau de 53,3 reste cohérent avec une croissance comprise entre 1,5% et 2,0%. On observe toutefois une divergence sectorielle croissante entre le secteur manufacturier, où l’activité continue de se dégrader, et le secteur des services, où l’activité reste bonne. Le PMI manufacturier atteint désormais le niveau très bas de 44,6 tandis que le PMI des services reste élevé à 55,9.

Si l’écart entre le secteur manufacturier et le secteur des services se creuse encore un peu plus, les composantes emplois restent en territoire d’amélioration dans les deux cas. Les dernières données montrent que l’emploi était encore dynamique au premier trimestre avec une hausse de +2,4% en rythme

annualisé. Cela permet une poursuite de la baisse du taux de chômage qui atteint un nouveau point bas à 6,4% en mars. Pour l’instant, on observe encore peu de signes de détente sur les marchés du travail et, par conséquent, la pression à la hausse des salaires est toujours très forte.

Du côté de l’inflation, les derniers chiffres montraient un léger rebond de l’inflation à +7,0% sur un an. Hors énergie et alimentation, l’inflation baissait à +5,6% après un record de +5,7% le mois précédent. Au total, il apparaît que les signaux sur la conjoncture dans la zone euro sont mitigés et que les pressions sur le marché du travail et sur les prix restent fortes. Tout ceci est de nature à maintenir la pression sur la BCE qui devrait poursuivre ses remontées de taux d’intérêt. Début mai, la banque centrale a ralenti le rythme de hausse des taux à +25 points de base, portant le taux de dépôt à 3,25%, tout en suggérant une poursuite des hausses sur les prochaines réunions.

** PMI : Purchasing Managers Index. Les indices PMI sont des indicateurs de confiance qui synthétisent les résultats des enquêtes menées auprès des directeurs d’achats des entreprises. Une valeur supérieure à 50 indique un sentiment positif dans le secteur concerné (manufacturier ou service).

 

Chine : premiers signes de ralentissement

La réouverture de l’économie et le soutien des autorités ont permis un fort rebond de la croissance chinoise au premier trimestre 2023, plus fort que ce qui était anticipé. En glissement sur un an, le PIB a augmenté de +4,5%, contre +2,9% au quatrième trimestre 2022 et face à des attentes à +4,0%. La reprise est principalement portée par la consommation, qui explique les deux tiers de la croissance. L’autre tiers provient de l’investissement, la contribution du commerce extérieur étant quasi nulle. Du côté de l’offre, on observe un fort rebond des activités de services (commerce, services immobiliers, transport, hôtellerie-restauration, etc.) alors que le rebond est plus modéré dans l’industrie.

Les statistiques d’activité d’avril étaient décevantes, soulevant des inquiétudes quant à la pérennité de la reprise. Du côté de la consommation, les ventes au détail ont enregistré une hausse moins forte que prévue. Le glissement sur un an augmentait de +10,6% à +18,4%, mais les attentes étaient encore plus élevées à +21,9% à cause des effets de base très importants. En effet, il y a un an, plusieurs villes dont Shanghai entraient en confinement. La base de comparaison est donc très faible. Malgré cela, l’investissement a ralenti et la production n’a rebondi que modérément dans l’industrie et les services. Les exportations ont surpris à la hausse, mais les importations sont reparties à la baisse.

Les données issues des enquêtes montraient également une dynamique conjoncturelle moins favorable à l’entame du deuxième trimestre. Les indices manufacturiers officiels et calculés par Caixin sont tous deux passés en zone de contraction en avril, à respectivement 49,2 et 49,5. Les enquêtes PMI services restaient sur des niveaux élevés mais diminuaient également, l’indice officiel baissant de 56,9 à 55,1 et celui de Caixin de 57,8 à 56,4.

Il en va de même pour le PMI du secteur de la construction, qui baissait de 65,6 à 63,9. Les autres chiffres de l’immobilier allaient également dans le sens d’un ralentissement de l’activité après des données plus positives en début d’année.

Quatre mois après la levée des restrictions sanitaires, la reprise de l’économie chinoise montre donc des premiers signes d’essoufflement, l’effet positif de la réouverture sur l’économie semblant s’estomper. Lors de la réunion d’avril du Politburo, l’une des trois réunions annuelles sur le thème de l’économie, les autorités ont reconnu que le rebond de la croissance était en premier lieu mécanique et qu’il était nécessaire de poursuivre les politiques de soutien à la demande. Aucune mesure concrète n’a été annoncée, mais les autorités ont indiqué que des mesures seront prises pour soutenir la consommation, stimuler l’investissement privé et faire diminuer le chômage des jeunes (20,4% en avril).

 

Voir aussi : https://latribune.lazardfreresgestion.fr/point-conjoncturel-mars-avril-2023/

L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 25 mai 2023 et est susceptible de changer.

 

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