Rebond de la croissance et de l’inflation ?
Les données d’activité et du marché du travail indiquent un ralentissement modéré de l’économie américaine en début d’année. Toutefois, la stabilisation des enquêtes, la forte amélioration des conditions financières et le desserrement progressif des conditions d’octroi de crédit pourraient continuer à soutenir l’activité économique. En outre, les membres de la Fed continuent de prévoir deux à trois baisses de taux cette année si l’inflation va dans la bonne direction, ce qui aiderait la croissance.
Dans un contexte où le taux de chômage est déjà très bas, le risque est que l’inflation reparte et qu’après une première phase d’assouplissement monétaire, la Fed se montre moins accommodante par la suite. Les investisseurs ont fortement réduit leurs anticipations de baisse de taux depuis le début de l’année mais les marchés obligataires intègrent encore 3 à 4 baisses de 25 points de base en 2024 et autant en 2025, soit un taux directeur autour de 3,750%, contre 5,375% actuellement. Notre scénario est plus prudent, en raison du risque de surchauffe.
Les dernières données d’activité sont mitigées, montrant un ralentissement de la production industrielle et de la consommation mais un rebond du marché de l’immobilier. Au total, l’indicateur en temps réel de la Fed d’Atlanta indique une croissance proche de 2% actuellement, après un peu plus de 3% au quatrième trimestre. S’agissant de l’emploi, le dernier rapport pour février a quelque peu réduit l’impression de forte réaccélération du marché du travail. Les créations d’emplois sont restées solides à +275 000 mais les chiffres des mois précédents ont été revus à la baisse, notamment dans les secteurs qui affichaient une nette amélioration.
En outre, l’enquête auprès des ménages, plus volatile, a montré des destructions d’emplois importantes, conduisant une hausse de +0,2 point du taux de chômage à 3,9%. Après le fort chiffre de janvier, le salaire horaire a ralenti à +4,3% sur un an.
Les signes de ralentissement économique n’ont donc pas totalement disparu. Toutefois, certains éléments vont dans le sens d’un rebond. C’est le cas des enquêtes ISM auprès des entreprises. Les nouvelles commandes dans le secteur manufacturier sont de nouveau repassées en zone de contraction en février, mais demeurent nettement plus élevées que le niveau très bas observé au début de 2023. Dans le même temps, les nouvelles commandes dans le secteur des services rebondissent.
Par ailleurs, malgré la politique monétaire restrictive de la Fed, les conditions financières se sont fortement améliorées depuis le début de l’année. Ces facteurs pourraient continuer à soutenir l’activité économique dans les prochains mois, posant le risque d’une réaccélération de l’inflation ultérieurement. Les derniers chiffres montrent que cette question est encore loin d’être réglée. Les prix à la consommation ont en effet rebondi à +3,2% sur un an en février et l’inflation sous-jacente a ralenti moins qu’attendu à +3,8%.
Amélioration de la conjoncture
Dans la zone euro, les données vont dans le sens d’une amélioration de la conjoncture. Les derniers chiffres d’inflation ont été forts et le marché de l’emploi reste encore assez tendu. Toutefois, les salaires commencent à ralentir, amenant la BCE à communiquer plus volontiers sur de potentielles baisses de taux à partir de juin. La réunion de politique monétaire de début mars va dans ce sens et cette hypothèse est d’autant plus probable qu’elle est soutenue par certains gouverneurs qui sont habituellement partisans d’une ligne dure. Les marchés obligataires ont bien reçu le message et intègrent entre 3 et 4 baisses de 25 points de base d’ici à la fin de l’année, ce qui ramènerait le taux de dépôt entre 3,25% et 3,00%, contre 4% actuellement. Ce scénario nous semble plus probable qu’aux Etats-Unis, du fait du différentiel d’activité.
En effet, la nouvelle estimation du PIB de la zone euro indique maintenant une légère contraction au quatrième trimestre, comme au troisième trimestre. Ces deux trimestres de croissance négative ne changent toutefois pas le message général d’une stagnation de l’activité sur les derniers trimestres. Cette nouvelle estimation du PIB contenait également le détail des composantes de la demande. On observe une contribution positive de l’investissement non-résidentiel et de la consommation et une contribution négative de l’investissement résidentiel et du commerce extérieur. Le stockage a ralenti, une bonne nouvelle pour la production des prochains mois.
D’autant que les enquêtes d’activité (PMI) décrivent une amélioration des perspectives économiques, tout en restant à des niveaux cohérents avec une stagnation. Avec le rebond des derniers mois, le PMI de la zone euro est désormais proche de 50, le seuil séparant expansion et contraction. En février, les PMI ont légèrement augmenté en Allemagne (47,4 après 46,3) tandis qu’ils se sont détériorés en France (47,7 après 48,1).
Ils semblent demeurer bien orientés dans les pays du Sud dont les données n’ont pas encore été publiées, mais que l’on peut estimer (53,6 après 52,5). Dans le reste de l’Europe, les PMI sont en adéquation avec un rebond de la croissance au Royaume-Uni (52,9 après 53,0).
Sur le front de l’inflation, les derniers chiffres ont encore été forts en février. L’inflation dans la zone euro a ralenti mais moins qu’attendu à +2,6% sur un an, en raison d’un ralentissement moins fort que prévu de l’inflation sous-jacente, à +3,1% sur un an. Si l’inflation des biens reste contenue à +1,5% sur un an, l’inflation des services demeure élevée à +4,0% sur un an depuis quatre mois. Cela n’est pas de nature à rassurer la BCE, indiquant que les tensions domestiques restent fortes. En effet, malgré l’absence de croissance, le taux de chômage se maintient sur un très bas niveau. La bonne nouvelle est que les différentes mesures du coût du travail commencent à se replier à partir de niveaux très élevés.
* PMI : Purchasing Managers Index. Les indices PMI sont des indicateurs de confiance qui synthétisent les résultats des enquêtes menées auprès des directeurs d’achats des entreprises. Une valeur supérieure à 50 indique un sentiment positif, tandis qu’une valeur inférieure à 50 indique un sentiment négatif.
Stabilisation de l’activité
La réunion annuelle du parlement chinois n’a pas apporté de surprise. Les objectifs quantitatifs pour 2024 sont globalement les mêmes qu’en 2023 et aucune mesure de soutien majeure n’a été annoncée. L’objectif de croissance a été maintenu à « environ 5% ». Historiquement, cela constitue un bon point d’ancrage, le gouvernement n’ayant manqué sa cible qu’à trois occasions depuis 1996. Et dans deux cas sur trois à cause de circonstances exceptionnelles (crise asiatique en 1998 et pandémie en 2020). L’objectif n’en reste pas moins ambitieux dans un contexte où l’économie reste confrontée à de puissants vents contraires, notamment un ralentissement de grande ampleur du marché de l’immobilier. En outre, la base de comparaison sera plus élevée que l’année dernière du fait du rebond de l’activité en sortie de pandémie.
La cible d’inflation reste à 3%, un objectif très éloigné des chiffres récents. Les prix à la consommation ont connu une forte hausse en février (+0,7% après -0,8% sur un an), mais cela intervient après quatre mois consécutifs de baisse et certains facteurs techniques ont sans doute joué un rôle important. En effet, les prix ont tendance à augmenter pendant le Nouvel an chinois et à rebaisser par la suite. Comme le Nouvel An est tombé en février cette année et en janvier l’année précédente, les effets de base sont favorables.
Malgré la persistance des pressions déflationnistes, les autorités ne semblent pas s’orienter vers un plan de relance massif de la demande. A priori, les politiques macroéconomiques ne resteraient que légèrement accommodantes. Le déficit budgétaire officiel serait ramené à 3,0% du PIB après 3,8% du PIB en 2023. En réalité, ce concept n’est pas un bon indicateur de l’orientation de la politique budgétaire chinoise car il omet une grande partie des dépenses.
Toutefois, même si l’on élargit le périmètre, l’impulsion budgétaire ne serait que légèrement positive. La politique monétaire resterait assez prudente et reposerait davantage sur des mesures ciblées que sur des baisses massives du taux directeur, à l’image de la baisse récente du taux servant de référence pour les prêts hypothécaires.
S’agissant de la conjoncture, les données d’activité de janvier/février étaient mitigées. Du côté positif, on observe du mieux dans les secteurs qui bénéficient d’un soutien public et de l’amélioration de la demande extérieure. La production industrielle se redresse, portée par les exportations et la hausse des dépenses d’investissement dans le secteur manufacturier. Les investissements en infrastructures augmentent également. En revanche, du côté négatif, les chiffres relatifs à la consommation sont un peu décevants, entraînant un ralentissement de la production de services. L’activité immobilière demeure très faible, comme en témoignent les fortes contractions de l’investissement en immobilier (-9,0% sur un an) et des ventes de logements (-28,6% sur un an). Cependant, les enquêtes PMI indiquent que la croissance est globalement stable en début d’année.
Voir aussi: https://latribune.lazardfreresgestion.fr/point-conjoncturel-fevrier-2024/
L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 22 mars 2024 et est susceptible de changer.
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