États-Unis : pas encore de « pivot » de la Fed
Après deux trimestres consécutifs de baisse, le PIB a rebondi de +2,6% en rythme annualisé au troisième trimestre. La demande finale domestique reste relativement faible, l’amélioration du commerce extérieur expliquant la plus grosse partie de la croissance. Le stockage a également pesé, de même que l’investissement résidentiel qui recule de 7,4% en rythme non annualisé.
Les permis de construire dans l’habitat individuel continuent de baisser fortement. Ils reculaient de 3,6% en octobre, ce qui porte la baisse à 30% par rapport au point haut de février. Contrairement aux cycles passés, l’investissement résidentiel a décroché alors que les maisons en cours de construction sont stables à un niveau élevé, signe de l’allongement des délais de construction. La baisse des prix de l’immobilier s’est accélérée, passant de -0,7% en juillet à -1,3% en août.
L’enquête auprès des entreprises montrait un rythme toujours élevé de créations d’emplois en octobre à +233 000 dans le secteur privé. En revanche, l’enquête auprès des ménages était un peu plus faible, faisant remonter le taux de chômage à 3,7%. La croissance du salaire horaire était supérieure aux attentes d’octobre à +0,4% sur le mois. Le rebond des offres d’emplois en septembre a ramené le ratio à deux offres par demandeur d’emploi.
La composante « nouvelles commandes » de l’ISM manufacturier est sous les 50 points depuis plusieurs mois, mais celle de l’ISM non-manufacturier se maintient au-dessus de 55, son niveau moyen en phase d’expansion. Les enquêtes sur les intentions d’investissement des entreprises ne montrent pas de décrochage majeur cohérent avec une baisse de l’investissement. La consommation des ménages résiste mieux que prévu avec une augmentation de +0,3% en volume en septembre.
Les chiffres d’inflation d’octobre étaient nettement en-dessous des attentes. Le glissement annuel passait de +8,2% à +7,7% en octobre et de +6,6% à +6,3% hors énergie et alimentation, contre des attentes à respectivement +7,9% et +6,5%. Le détail montre une poursuite de la normalisation des prix des biens hors énergie et alimentation, mais un rythme de hausse toujours élevé des prix des services. Ce chiffre va dans le sens d’un ralentissement de l’inflation, du fait de l’amélioration des problèmes d’approvisionnement, mais le maintien d’une forte inflation dans les services pose le risque d’un niveau d’atterrissage trop haut du point de vue de la Fed.
Après une nouvelle hausse de 75 points de base, à 3,75%-4,00%, Jerome Powell a ouvert la voie à un ralentissement du rythme de hausse lors de la prochaine réunion de décembre. Il a néanmoins insisté sur le fait que le niveau final des taux pourrait être plus élevé qu’initialement anticipé.
Zone euro : discours plus prudent de la BCE
Les chiffres de PIB du troisième trimestre montrent une activité qui est restée correcte durant l’été, la croissance ressortant à +0,8% en rythme trimestriel annualisé dans la zone euro, après +3,3% au deuxième trimestre. Le PIB a augmenté de +1,1% en Allemagne, +0,6% en France, +2,0% en Italie et +0,9% en Espagne. Cette bonne résistance de l’activité a permis une poursuite de la baisse du taux de chômage à 6,6% en septembre, un plus bas historique.
La dégradation des enquêtes PMI* laisse toutefois planer le risque d’une récession. Le PMI composite de la zone euro a poursuivi sa baisse en octobre pour s’établir à 47,3, un rythme cohérent avec une légère contraction de l’activité au quatrième trimestre. L’activité ralentit dans les services mais la dégradation provient surtout du secteur manufacturier, la baisse des nouvelles commandes indiquant une poursuite du ralentissement de la demande.
Face à l’intensification des risques de récession, les résultats de l’enquête de la BCE sur la distribution de crédit au troisième trimestre montrent que les banques comme les entreprises sont en train de devenir plus prudentes. Les conditions d’octroi de prêts se durcissent et la demande d’investissement des entreprises diminue. La demande pour les besoins en fonds de roulement est en nette progression, les entreprises devant consacrer davantage de ressources au financement de leur activité, dans un contexte d’inflation des coûts de production.
La situation énergétique semble s’améliorer, les prix de gros de l’énergie et notamment du gaz baissant fortement. Mi-novembre, le prix de l’indice du TTF évoluait autour de 110€/MWh, un niveau équivalent aux prix de juin et très inférieur aux pics de décembre (180€), de mars (200€) et d’août (300€). Le reflux s’explique en partie par les températures clémentes et le maintien d’importantes importations de LNG. Néanmoins, ceci ne préjuge pas des tendances à venir cet hiver.
Ces incertitudes sur la croissance amènent un discours plus prudent de la BCE. Lors de la réunion d’octobre, Christine Lagarde a sans surprise annoncé une hausse des taux de 75 points de base, portant le taux de dépôt à 1,50%, le taux de refinancement à 2,00% et le taux de la facilité de prêt marginal à 2,25%. Le Conseil des gouverneurs prévoit de continuer à relever les taux d’intérêt mais la BCE a indiqué prendre acte des hausses passées et privilégier une approche « réunion par réunion ».
Les anticipations sur les taux courts se sont repliées à la suite de cette réunion avant de repartir à la hausse après la publication des chiffres d’inflation d’octobre qui étaient supérieurs aux attentes. L’inflation est passée de +9,9% à +10,6%, principalement du fait de l’énergie, mais l’inflation sous-jacente était forte aussi, passant de +4,8% à +5,0% sur un an. Un nombre croissant de biens et services voient leurs prix progresser rapidement. Près de 60 des 94 catégories détaillées de biens et services affichent une progression supérieure à 4% sur un an.
** PMI : Purchasing Managers Index. Les indices PMI sont des indicateurs de confiance qui synthétisent les résultats des enquêtes menées auprès des directeurs d’achats des entreprises. Une valeur supérieure à 50 indique un sentiment positif dans le secteur concerné (manufacturier ou service).
Chine : entre dégradation de la conjoncture et espoirs d’amélioration
L’économie chinoise a renoué avec la croissance au troisième trimestre, le PIB progressant en glissement annuel de +0,4% à +3,9%, après une baisse de -2,7% au deuxième trimestre. Le rebond s’explique principalement par la consommation qui a bénéficié d’une réouverture partielle de l’économie après les confinements du printemps dernier. Le commerce extérieur et l’investissement ont également soutenu l’activité.
Les données d’octobre ne sont pas de bon augure pour la croissance du quatrième trimestre. Les ventes au détail ont nettement ralenti, passant de +2,5% à -0,5% sur un an, sous l’effet d’un nouveau renforcement des restrictions sanitaires. Les dépenses d’investissement ont également ralenti, pénalisées par l’investissement dans le secteur immobilier qui recule de 16% sur un an. À ce ralentissement de la demande domestique s’ajoute désormais un ralentissement de la demande étrangère, les exportations baissant de 0,3% sur un an.
Maintenant que le Congrès du PCC est derrière nous et que Xi Jinping a consolidé son pouvoir, le gouvernement va-t-il accélérer la transition vers une politique sanitaire moins coûteuse pour la croissance ?
Le plan en vingt points qui a été annoncé va dans ce sens. Celui-ci prévoit notamment un raccourcissement de la période de quarantaine, une révision du système de classification des zones à risques, pour limiter le nombre de personnes soumises à des restrictions, et des directives visant à renforcer le système de santé (augmentation de la capacité d’accueil des hôpitaux et des stocks de médicaments, augmentation de la couverture vaccinale).
L’ampleur de l’assouplissement reste limitée, mais le signal envoyé est positif, les autorités semblant donner plus d’importance à la préservation de l’activité économique et préparer le terrain à une réouverture du pays. Le calendrier de cette réouverture reste toutefois très incertain. Cela passera sans doute d’abord par une augmentation du taux de vaccination des plus âgés. Il faudra également parvenir à convaincre la population que l’assouplissement des restrictions est sans danger, au risque d’amener des comportements plus prudents. À court terme, de nouveaux confinements ne peuvent être exclus, les contaminations augmentant à un rythme similaire à celui du printemps dernier.
Les autorités agissent également sur le front du marché de l’immobilier. Les mesures annoncées prévoient notamment un report des remboursements de prêts pour les promoteurs et un délai supplémentaire pour que les banques se conforment aux exigences règlementaires plafonnant la proportion de prêts immobiliers. Ces mesures pourraient atténuer la crise de liquidité, mais il n’est pas dit qu’elles permettent un rebond des ventes et une reprise du marché physique.
Voir aussi : https://latribune.lazardfreresgestion.fr/point-conjoncturel-octobre-2022/
L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 24 novembre 2022 et est susceptible de changer.
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