Point conjoncturel – Décembre 2022

États-Unis : un ralentissement de l’inflation encore insuffisant pour la Fed

Avec une hausse de 50 points de base, la réunion du 14 décembre de la Réserve Fédérale clôt une année exceptionnelle où la Fed a augmenté ses taux d’une fourchette de 0%-0,25% (en janvier) à 4,25%-4,50% (en décembre). Le rythme de hausse des taux au cours des précédents cycles de resserrement monétaire avait rarement dépassé les 2,00%-2,50% par an.

Le graphique des « dot plots », sur lequel chaque membre du comité de politique monétaire positionne son anticipation de taux pour les prochaines années, montre que le mouvement de hausse n’est pas terminé. Pour fin décembre 2023, les membres de la Fed anticipent un taux directeur situé entre 5% et 5,25%. Sur les 19 membres du comité, seuls deux voient les taux plus bas et sept les voient plus hauts. On peut donc penser que le plan de la Fed est d’augmenter encore ses taux d’au moins 0,75% au premier trimestre de l’année prochaine, puis de les maintenir à ce niveau jusqu’en fin d’année. Les premières baisses n’interviendraient pas avant 2024.

Les marchés anticipent une trajectoire nettement plus basse : selon les anticipations, la Fed ne remonterait ses taux directeurs que de 0,50% en début d’année prochaine et commencerait à les baisser dès le second semestre 2023. La publication de chiffres d’inflation plus faibles en octobre et novembre a cimenté la conviction des investisseurs que le pic de l’inflation est désormais passé et va rapidement permettre à la Fed d’assouplir sa politique monétaire.

En novembre, les prix à la consommation hors énergie et alimentation ont affiché une hausse de +6,0% sur un an, contre +6,1% attendu et un pic à +6,6% en septembre.

La décomposition de l’inflation montre néanmoins que l’essentiel du ralentissement provient du prix des biens qui étaient jusqu’alors les plus impactés par les conséquences de la pandémie, comme les voitures d’occasion. L’inflation des services, qui est directement liée au coût du travail, continue en revanche d’accélérer.

Plus fondamentalement, la Fed ne sera pas rassurée sur l’inflation tant que les salaires progresseront à un rythme soutenu. Or, les derniers chiffres ne montrent aucune tendance au ralentissement. Le rapport sur l’emploi du mois de novembre a montré une réaccélération du salaire horaire avec des révisions en hausse sur les deux mois précédents.

Les statistiques de novembre et les enquêtes PMI de décembre montrent un ralentissement de l’activité au quatrième trimestre, mais celui-ci ne se traduit pas encore par un retournement du marché du travail, à en juger le niveau toujours bas des inscriptions hebdomadaires au chômage.

 

Zone euro : la bce hausse le ton

La BCE a augmenté ses taux directeurs de 50 points de base lors de sa réunion du 15 décembre, après deux hausses de 75 points de base en octobre et en septembre et une première hausse de 50 points de base en juillet. La BCE n’avait jamais augmenté ses taux aussi rapidement. Le taux de dépôt atteint désormais 2,0%, le taux de refinancement 2,5% et le taux de la facilité marginale de prêt 2,75%. En parallèle, la BCE a annoncé qu’elle commencera à réduire son portefeuilles de titres à partir de mars 2023, au rythme de 15 milliards d’euros par mois jusqu’à la fin du deuxième trimestre 2023. Ce rythme pourrait ensuite être ajusté.

La décision de la BCE de ralentir le rythme de ses hausses de taux avait été anticipée par les investisseurs. Néanmoins, le discours de la gouverneure Christine Lagarde était beaucoup plus ferme que prévu, promettant d’augmenter les taux d’intérêt sensiblement et à un rythme régulier jusqu’à qu’ils atteignent des niveaux suffisamment restrictifs pour faire ralentir l’inflation.

Lors de la conférence de presse, elle a précisé que cela signifiait encore au moins deux hausses de taux de 50 points de base, tout en indiquant que cela dépendrait des données. Les anticipations de marché se sont ajustées à la hausse, les investisseurs anticipant désormais que le taux de dépôt atteindra un pic à 3,3% à l’automne 2023, contre 2,8% avant la réunion de la BCE.

D’après le nouveau scénario central de la BCE, l’inflation aurait passé un pic mais ne retrouverait pas le niveau de 2% avant le second semestre de 2025.

Du côté de l’inflation, les chiffres de novembre montrent un ralentissement de +10,6% à +10,1% sur un an. Ceci s’explique sans doute par le recul des prix de l’énergie et de l’alimentation, l’inflation sous-jacente étant stable à +5,0%. Côté croissance, les prévisions de la BCE font état d’une légère baisse du PIB cet hiver avec une contraction de -0,2% au T4 2022 et de -0,1% au T1 2023. L’activité se redresserait ensuite, ce qui porterait la croissance à +0,5% l’année prochaine, contre +3,4% en 2022.

Les statistiques d’octobre montrent un décrochage notable de l’activité. Les ventes au détail dans la zone euro ont baissé de 1,8% sur le mois et la production industrielle de 2,0%. On observe également un retournement des chiffres de crédit, aussi bien pour les prêts aux entreprises que les prêts aux ménages. Les indices PMI* sont toutefois légèrement plus positifs depuis deux mois. L’estimation préliminaire de décembre montre un rebond du PMI composite de 47,8 à 48,8 après une hausse de 0,5 point en novembre. Le PMI manufacturier augmente de 47,1 à 47,8 et le PMI des services de 48,5 à 49,1.

** PMI : Purchasing Managers Index. Les indices PMI sont des indicateurs de confiance qui synthétisent les résultats des enquêtes menées auprès des directeurs d’achats des entreprises. Une valeur supérieure à 50 indique un sentiment positif dans le secteur concerné (manufacturier ou service).

Chine : priorité à la croissance

Au cours des dernières semaines, le gouvernement chinois a opéré un revirement spectaculaire dans sa gestion de la pandémie de Covid-19, assouplissant toute une série de mesures qui visaient à éviter une propagation du virus. Après un premier recalibrage, le 11 novembre, les autorités sanitaires ont annoncé, le 7 décembre, la mise en place d’un protocole beaucoup plus souple. Celui-ci comprend des changements majeurs en matière de politiques de dépistage, de quarantaine et de confinement.

Il n’est désormais plus nécessaire de présenter des tests négatifs pour accéder à la plupart des lieux publics ou pour les voyages interrégionaux. Les campagnes de dépistage à grande échelle sont abandonnées. Les « cas contact » et les personnes présentant une forme légère ou modérée de la maladie ont désormais la possibilité de s’isoler à leur domicile plutôt que dans des centres de quarantaine. Le recours au confinement est interdit dans les zones à faible risque et doit être très ciblé dans les zones à risque élevé.

Les chiffres officiels montrent un reflux des contaminations depuis l’assouplissement des restrictions. Toutefois, ces chiffres sont difficiles à interpréter dans la mesure où le nombre de tests a fortement diminué et où les cas asymptomatiques ne sont plus comptabilisés. Les autorités ont également modifié leur façon de comptabiliser les décès, en adoptant une définition plus stricte que la précédente et que celle des normes internationales. Ne sont plus comptabilisées dans les statistiques que les personnes décédées d’une insuffisance respiratoire liée au Covid.

Dans ces conditions, il devient très compliqué de suivre l’évolution de la situation épidémique en Chine.

Néanmoins, les retours de terrain indiquent une forte hausse des contaminations et une augmentation des décès, en particulier à Pékin. Les indices de trafic routier et de fréquentation des métros montrent que la dégradation de la situation épidémique amène la population à réduire ses déplacements dans les villes les plus touchées. En revanche, le trafic interurbain et le trafic aérien semblent se redresser.

En abandonnant la politique du « zéro-Covid », les autorités chinoises ont voulu redonner la priorité à la croissance, un message confirmé lors de la conférence économique annuelle des 15 et 16 décembre. In fine, cela devrait permettre un rebond de l’activité mais des incertitudes persistent à court terme. Le relâchement des restrictions va-t-il conduire à une catastrophe sanitaire ? Quel impact sur l’offre de main d’œuvre, le comportement des consommateurs et la production ? Les autorités pourraient-elles faire marche arrière ? Les réponses à ces questions détermineront le rythme et l’ampleur de la reprise de l’économie chinoise.

 

 

Voir aussi : https://latribune.lazardfreresgestion.fr/point-conjoncturel-novembre-2022/

L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 23 décembre 2022 et est susceptible de changer.

 

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