États-Unis : des craintes de récession toujours présentes
Le Congrès américain a finalement voté une suspension du plafond de la dette jusqu’en 2025, écartant le risque extrême d’un défaut de paiement des États-Unis. La plupart des dépenses discrétionnaires hors défense sont limitées au niveau de 2023 pour l’année fiscale 2024 et n’augmenteront que de 1% en 2025. L’impact macroéconomique sera très limité car les dépenses discrétionnaires hors défense ne représentent que 14% de la dépense publique fédérale (3,5% du PIB).
Côté conjoncture, les données d’activité du mois d’avril étaient bonnes, comme la consommation des ménages qui rebondissait de +0,5% après deux chiffres faibles en février et en mars. Les données d’emploi calculées sur la base de l’enquête auprès des entreprises montraient des créations d’emplois encore très fortes au mois de mai, à +339 000. A contrario, l’enquête auprès des ménages faisait état de destructions importantes, amenant une hausse de +0,25% du taux de chômage, à 3,7%. La croissance annuelle du salaire horaire se modérait un peu, mais restait forte à +4,3% sur un an et +6,0% en données corrigées des effets de composition de la main d’œuvre.
Au total, les données d’activité d’avril et les données d’emploi de mai montrent que l’activité économique reste encore solide. Toutefois, elles ne décrivent pas non plus une activité économique exubérante et d’autres indicateurs généralement annonciateurs de récession continuent de se dégrader, renforçant la probabilité d’un basculement prochain.
C’est le cas notamment des enquêtes ISM* qui restent un des indicateurs les mieux corrélés à la croissance. L’indice du secteur manufacturier est inférieur à 50 depuis octobre dernier et la composante « nouvelles commandes » atteint 42,6, un niveau généralement vu lors de récessions. Après une forte baisse en décembre dernier, l’indice des services avait nettement rebondi en janvier, mais il baisse depuis. À 50,3, il est également à un niveau rarement vu en-dehors des récessions.
À +4,0% sur un an, l’inflation globale a été divisée par deux par rapport à son pic de l’été dernier, mais l’inflation sous-jacente reste encore élevée à +5,3%.
Dans ce contexte, la Fed a comme prévu maintenu son taux directeur entre 5,00% et 5,25%, marquant la première pause depuis le début du cycle de hausses début 2022. Pourtant, les membres du Comité projettent encore deux hausses de +25 points de base d’ici à la fin de l’année. Pourquoi alors faire une pause si la Fed estime que les taux doivent être plus élevés ? Selon nous, il est probable que la Fed pense en avoir fait assez pour faire basculer l’économie en récession mais elle ne veut pas que les conditions financières s’assouplissent trop tôt. Maintenir la menace de nouvelles hausses est un moyen de s’assurer que cela ne se produise pas.
* ISM : indicateur d’activité américain. Au-dessus de 50 points, il indique une évolution favorable, et inversement lorsqu’il se situe en-dessous de 50 points.
Zone euro : activité atone
Alors que la première estimation du PIB de la zone euro au T1 2023 faisait état d’une croissance légèrement positive (+0,3% en rythme annualisé), la seconde estimation indique finalement une légère contraction (-0,4% en rythme annualisé), comme au T4 2022. Deux trimestres consécutifs de contraction du PIB sont synonymes de récession, mais il ne s’agit pas d’une vraie récession dans la mesure où l’emploi a continué de progresser à un rythme soutenu (+0,6% sur le trimestre).
La publication du détail montre une contribution négative du stockage, qui pourrait être liée à la fin de l’effort de reconstitution des stocks de gaz. La consommation publique a également pesé sur l’activité, essentiellement à cause de la réduction des dépenses liées à la pandémie. La consommation des ménages baissait de nouveau, mais l’investissement s’améliorait malgré l’augmentation des taux d’intérêt. Le commerce extérieur soutenait encore la croissance, grâce à la forte baisse des importations.
Les premières données d’activité pour le deuxième trimestre sont mal orientées. Après deux mois consécutifs de baisse, les ventes au détail étaient seulement stables en avril et les ventes de voitures reculaient de nouveau (-1,2% après -1,7%). La production industrielle rebondissait un peu après la forte chute de mars (+1,0% après -3,8%), mais les données restent perturbées par l’Irlande où les chiffres sont très volatils (+21,4% après -27,0%). Hors Irlande, la production industrielle baissait de -0,8% après -1,1%.
La publication finale des enquêtes PMI* pour le mois de mai montrait une nouvelle dégradation du PMI manufacturier, passé de 45,8 à 44,8. L’indice des services restait sur un niveau élevé mais a été notablement revu en baisse par rapport à l’estimation « flash » pour s’établir à 55,1 contre 55,8 précédemment, et 56,2 en avril. Cette baisse suggère que le rebond des services commence à s’étioler après la forte reprise des six derniers mois.
Sur le front de l’inflation, les chiffres préliminaires pour le mois de mai montraient une nette décélération. Les prix hors énergie et alimentation n’augmentaient que de +0,2% sur le mois, contre une moyenne de +0,5% au cours des six mois précédents, permettant un ralentissement du glissement annuel à +5,3% après +5,6% en avril. L’inflation globale ralentissait également pour s’établir à +6,1%, en raison principalement de la baisse des prix de l’énergie.
Si ces chiffres vont dans le sens du point de vue de la BCE, l’amélioration est encore à confirmer. Par ailleurs, aucun signe réel de détente ne s’observe sur le marché du travail, le taux de chômage restant au plus bas à 6,5%. Dans ce contexte, les différentes mesures du coût du travail progressent encore à un rythme élevé. Cela devrait pousser la BCE à poursuivre la remontée de ses taux d’intérêt lors des prochaines réunions.
** PMI : Purchasing Managers Index. Les indices PMI sont des indicateurs de confiance qui synthétisent les résultats des enquêtes menées auprès des directeurs d’achats des entreprises. Une valeur supérieure à 50 indique un sentiment positif dans le secteur concerné (manufacturier ou service).
Chine : essoufflement de la reprise
La reprise de l’économie chinoise a été plus forte que prévue au premier trimestre, mais la dynamique conjoncturelle est moins favorable au deuxième trimestre. Les données du mois d’avril montraient un ralentissement notable de l’activité et les premiers chiffres pour le mois de mai n’ont pas permis d’apaiser les inquiétudes autour de la croissance.
Les enquêtes PMI ont envoyé des signaux contraires, les PMI officiels se dégradant alors que les PMI de Caixin s’amélioraient. Les deux enquêtes divergent régulièrement car elles ne couvrent pas le même périmètre. Le PMI officiel est axé vers les grandes entreprises du secteur public et le PMI de Caixin vers les PME du secteur privé. Si l’on fait la moyenne des deux enquêtes, le PMI manufacturier reste en territoire de contraction pour le deuxième mois consécutif à 49,9 et le PMI des services baisse pour le deuxième mois d’affilée à 55,5.
L’activité reste donc faible dans le secteur manufacturier et la reprise commence à se tasser dans le secteur des services, l’impulsion liée à la réouverture de l’économie s’estompant peu à peu. Les autres données n’étaient pas beaucoup plus rassurantes pour la conjoncture. Les exportations ralentissaient nettement (-7,5% sur un an), les importations restaient faibles (-4,5% sur un an) et la croissance du crédit repartait à la baisse. Par ailleurs, l’inflation restait proche de zéro à +0,2% sur un an au global et +0,6% hors énergie et alimentation.
Dans ce contexte, les autorités chinoises commencent à renforcer leurs mesures de soutien à l’économie. Début juin, à la demande des autorités, les six grandes banques publiques chinoises ont réduit les taux de rémunération des dépôts pour inciter les ménages à consommer plutôt qu’à épargner. Les baisses vont de 5 à 15 points de base en fonction des échéances et les taux de dépôts s’échelonnent entre 0,2% pour les dépôts à vue et 2,5% pour les dépôts à 5 ans.
Le 13 juin, la banque centrale chinoise a annoncé une baisse surprise de plusieurs taux d’intérêt à court terme. Le taux auquel la banque centrale rémunère les banques à sept jours et le taux de prêt à un mois ont tous deux été réduits de 10 points de base pour s’établir à 1,90% et 3,25% respectivement. D’après Bloomberg, les autorités envisageraient de prendre de nouvelles mesures pour aider la demande intérieure et le secteur de l’immobilier où l’activité semble à nouveau se dégrader après un bref rebond en début d’année.
Voir aussi : https://latribune.lazardfreresgestion.fr/point-conjoncturel-mai-2023/
L’opinion exprimée ci-dessus est datée du 15 juin 2023 et est susceptible de changer.
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